Consultation

19.415 n Iv. pa. Arslan. Donner la parole aux jeunes. Le droit de vote dès 16 ans est un premier pas dans la vie politique active

L’UDC Suisse rejette fermement l’avant-projet soumis à consultation. Ce dernier crée une solution institutionnelle boiteuse, se fonde sur de mauvaises motivations et ne jouit pas d’un appui au sein de la population ou des Cantons. En outre, il occasionnerait des coûts supplémentaires pour les Cantons et n’apporterait rien au système suisse de démocratie directe.

Le projet présenté par la Commission des institutions politiques du Conseil national entend abaisser l’âge du droit de vote de 18 à 16 ans au niveau fédéral tout en maintenant l’âge applicable à l’éligibilité au Conseil national, au Conseil fédéral et au Tribunal fédéral à 18 ans.

Une telle modification concernerait 130’000 jeunes et ferait augmenter la part des personnes ayant le droit de vote d’environ 2,5%. Etant donné qu’il prévoit la révision d’un article constitutionnel, le projet entrera en vigueur le cas échéant dès son acceptation par le peuple et les Cantons.

Pour l’UDC Suisse, l’avant-projet ne remplit aucun des critères essentiels pouvant justifier une réforme constitutionnelle :

  • Il n’est pas cohérent vis-à-vis du système juridique de notre pays ;
  • Il ne se fonde pas sur une argumentation crédible ;
  • Il n’émane pas du peuple ou des Cantons.

De plus, il aurait des conséquences négatives pour les Cantons et ne réaliserait pas les objectifs supposés être atteints.

La réforme institue une solution boiteuse
La séparation entre l’âge accordant le droit de vote et celui accordant le droit d’éligibilité ne fait pas de sens : soit l’on estime qu’un individu est capable de s’informer suffisamment pour influencer directement le monde politique et, dans ce cas, on lui accorde également le droit d’être élu, soit on estime qu’il ne l’est pas et on ne lui accorde pas le droit de vote. La solution hybride proposée ne tient pas la route et créerait une situation dans laquelle le corps électoral serait constitué de citoyens de première et de seconde zone.

Cette attribution boiteuse des droits politiques ne fait pas plus de sens lorsqu’on la met en comparaison avec les différents âges légaux prévus par la législation : fait-il du sens qu’un jeune puisse signer un référendum portant sur le droit du travail alors qu’il n’a pas l’âge requis pour signer seul son contrat d’apprentissage ? Un jeune de 16 ans, que l’on n’estime pas assez mature pour être soumis au droit pénal ordinaire, l’est-il suffisamment pour voter une révision du code de procédure pénale ?

Est-il correct de pouvoir voter sur des dépenses importantes et des projets phares alors que l’on ne remplit pas de déclaration d’impôts ? Globalement, comment justifier de donner des droits extrêmement étendus aux jeunes de 16 à 18 ans alors qu’on ne leur donne pas les responsabilités correspondantes en matière pénale, fiscale ou contractuelle ?

Avant-projet fondé sur une mauvaise motivation
Si la réponse aux interrogations exprimées ci-dessus apparaît à l’évidence comme négative, il faudrait alors, pour justifier une réforme boiteuse, qu’elle réponde à une motivation prépondérante. Dans le condensé de son rapport, la CIP-CN met en avant deux arguments qui ne sont malheureusement pas convaincants :

  • « Les jeunes sont fortement concernés par les décisions politiques »

Si l’on admettait la validité de cet argument, il faudrait alors donner le droit de vote à toute personne concernée par les décisions politiques suisses, soit en premier lieu les étrangers résidant légalement dans notre pays, mais aussi les frontaliers, les clandestins ou encore les touristes.

A y regarder de plus près, ce n’est pas le fait d’être concerné par la politique suisse qui donne des droits politiques, mais bien un nombre de normes et de lois fondant notre Etat de droit. La logique et la crédibilité de ces lois est d’autant plus importante dans une démocratie directe, dans laquelle la qualité de citoyen est centrale. Si ces lois devaient être atteintes dans leur crédibilité par des réformes infondées, c’est la démocratie directe dans son ensemble qui en souffrirait.

  • « Abaisser l’âge du droit de vote à 16 ans pourrait donner un nouvel élan à l’éducation civique »

Il s’agit ici d’une interprétation erronée de la situation : si l’éducation civique peut apporter quelque chose à l’exercice du droit de vote, ce n’est en aucun cas l’exercice du droit de vote qui doit apporter quelque chose à l’éducation civique ! Si les connaissances théoriques qui sont acquises durant de tels cours sont évidemment intéressantes, elles ne se suffisent pas à elles-mêmes et ne sont complétées que par l’expérience pratique de la vie.

Par ailleurs, une étude commandée par le gouvernement glaronnais (seul Canton à connaître le droit de vote à 16 ans) a montré que les jeunes de moins de 16 à 18 ans ont obtenu des résultats inférieurs à la moyenne dans les indicateurs clés que sont les compétences politiques et l’intérêt pour la politique. Ils se sont révélés moins intéressés par la participation à la vie politique que leurs concitoyens plus âgés, ce qui tend à contredire d’entrée les espoirs de la Commission[1].

Un large rejet dans les Cantons
Il apparaît que le projet n’est pas porté par les Cantons : seul Glaris a mis en place une telle législation. Il faut par ailleurs relever que Glaris connaît le système particulier de la Landsgemeinde et ne serait de ce fait que difficilement comparable avec les votations et élections fédérales.

Au contraire, les six Cantons qui ont soumis un tel projet au vote populaire ont connus des rejets très nets, le refus allant de 58,5% (Neuchâtel) à 84,5% des voix (Bâle-Campagne). Dix autres cantons ont rejeté des propositions allant dans le même sens sans votation populaire[2]. On ne saurait donc parler de demande émanant des Cantons.

Mal ficelé, le projet aurait par ailleurs des conséquences négatives pour les Cantons. Ces derniers – qui, comme nous l’avons vu, se sont majoritairement prononcés contre l’abaissement du droit de vote à 16 ans – devraient consentir à des dépenses supplémentaires s’ils souhaitaient maintenir la majorité politique à 18 ans.

Ils devraient en effet établir des cartes de légitimation et envoyer séparément le matériel de vote pour les votations fédérales et cantonales au citoyens âgés de 16 à 17 ans. Une charge administrative peut aussi être attendue en ce qui concerne les communes, chargées du dépouillement des scrutins.

Aux yeux de l’UDC Suisse, il convient donc de rejeter l’avant-projet soumis à consultation.

[1] Cf. ROCHAT PHILIPPE E./KÜBLER DANIEL, Die politische Beteiligung im Kanton Glarus. Schlussbericht. Studienberichte des Zentrums für Demokratie Aarau NR. 19, Mai 2021.

[2] Cf. site de la Fédération Suisse des Parlements des Jeunes FSPJ, consulté le 9 décembre 2022, https://www.fspj.ch/sujets/droit-de-vote-a-16-ans/ .

 
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