« Billion Dollar Baby » le mauvais film de Doris Leuthard
Plus on revoit le film, moins on comprend le scénario : Leuthard est pénard accoudée au comptoir, Junker entre dans le bar, il commande un milliard, il lui file un bisou, elle lui refile nos sous, Juncker repart, fin de l’histoire. Depuis plus d’une semaine, la scène repasse en boucle sur les écrans suisses, avec cette question à laquelle personne ne répond : y a-t-il un régisseur dans la salle ?
En matière d’acteurs surpayés, on en a vu beaucoup mais un milliard pour la brève apparition de Juncker dans le film suisse, ça fait quand même cher la « guest star ». La production n’a pas d’argent pour financer l’AVS de demain, ni pour la santé d’aujourd’hui, pas assez pour renouveler la défense aérienne, les trains sont en retard, tout est trop cher, sauf Juncker.
Quelle contrepartie ?
Payé volontairement, le premier milliard suisse d’aide économique aux Etats d’Europe de l’Est membres de l’UE devait freiner l’immigration. Cela semble avoir fonctionné pour nos voisins les membres de l’UE qui ne créent pas ou que peu d’emplois mais cela n’a absolument pas fonctionné pour la Suisse, ni pour le Royaume-Uni, dont les économies performantes ont été la cible d’une immigration de masse inouïe ailleurs en Europe avec pour résultat le 9 février 2014 en Suisse et le 23 juin 2016 au Royaume-Uni, comprenez le Brexit.
La Suisse d’après le 9 février 2014 devait-elle renouveler l’expérience, et si oui que devait-elle demander en échange et à qui ? Dans la mesure où les bénéficiaires du nouveau milliard sont les 13 membres Est-européens de l’UE, c’est évidemment vers eux, et non vers Bruxelles, qu’il aurait fallu se tourner. 13 membres de l’UE sur les 27 restants, c’est presqu’une majorité potentiellement favorable à la Suisse dans ses discussions avec Bruxelles sur le seul sujet qui compte vraiment aujourd’hui : la fin de la libre circulation. Ce d’autant que les 13 pays de l’Est ne sont pas seulement bénéficiaires des largesses de la Suisse, ils ont aussi avec nous des similitudes importantes : ce sont de petits Etats (à l’exception de la Pologne) qui connaissent bien la difficulté de parler aux grands, ils sont eux-mêmes exposés à la pression migratoire, sur leurs frontières de l’Est, et sont eux-mêmes en désaccord avec les règles de Bruxelles sur cette question. Comme nous, ils sont souverainistes, l’histoire leur ayant appris à se méfier des diktats et des dogmes et à y résister.
En offrant 1’302 millions à Juncker contre rien, un sourire et un bisou, au lieu de se servir de cette question pour tenter de constituer un groupe de pression susceptible de l’aider à faire respecter à Bruxelles la décision démocratique qui a rendu la libre circulation anticonstitutionnelle en Suisse, la Présidente de la Confédération a fait tout faux : mauvais scénario, mauvais décor, mauvais casting, mauvais film, la production a claqué un milliard pour rien.