La Suisse doit sa prospérité à sa démocratie directe unique au monde ainsi qu’à la liberté et à l’indépendance qui y sont liées. Des scrutins populaires permettent régulièrement de corriger des erreurs des gouvernements et des parlements des trois niveaux – commune, canton et Confédération – dans l’intérêt bien compris du pays. Des écarts à gauche ou à droite – même si les premiers ne nous plaisent pas trop – ont régulièrement été corrigés. Malgré ce modèle à succès incontestable, les élites politiques de ce pays cherchent à intervalles réguliers à forcer la Suisse d’entrer dans des organisations importantes – sans doute parce que les constantes corrections voulues par le peuple lors des votations populaires leur rendent la vie difficile et limitent leur pouvoir personnel.
Il est compréhensible que les pays voisins observent avec respect, mais aussi avec un œil critique un pays qui a réussi à atteindre un niveau de prospérité aussi élevé. Et il est finalement normal également que ces pays souhaitent prendre une part de ce riche gâteau. La Suisse a dû, pendant le siècle passé, défendre à peu près tous les 25 ans son indépendance. Cela a commencé en 1918 lorsque les milieux politiques entourant la grève générale préparaient une révolution en répandant des idées communistes dans tout le pays. 25 ans plus tard, durant la Deuxième Guerre mondiale, la Suisse était pressée de s’aligner sur l’Allemagne hitlérienne. Là encore, il a fallu, pour préserver la Suisse, la force de citoyennes et de citoyens épris de liberté qui étaient prêts à prendre des risques pour défendre leur pays. Encore 25 ans plus tard, bien que de manière nettement moins dramatique, l’année 1968 a été pour les milieux de gauche une nouvelle occasion de proposer une expérience communiste. Un nouveau quart de siècle après ces événements, en 1992, ce fut le combat contre l’Espace économique européen (EEE) que le peuple suisse a refusé lors d’un vote mémorable avec une participation de 80%, préservant une fois de plus l’indépendance et la liberté de son pays. Aujourd’hui, environ 25 années après ce scrutin, nous attendons avec intérêt les propositions que fera la semaine prochaine notre nouveau ministre des affaires étrangères, Ignazio Cassis, concernant la suite des relations entre la Suisse et l’UE. L’UDC tient à réaffirmer que, pour elle, la conclusion d’un accord-cadre sur la base du mandat de négociation actuel ne constitue pas une solution acceptable.
Le 21 décembre 2012, Bruxelles a exigé de Berne un « rattachement institutionnel » de la Suisse à l’Union européenne. Le Conseil fédéral a répondu en proposant la conclusion d’un accord-cadre. Dans une entente préalable, signée le 13 mai 2013, le Conseil fédéral a accepté de faire trois concessions à l’UE:
Avec un accord-cadre basé sur de telles exigences, Berne et Bruxelles annulent en fait la voie bilatérale. La Suisse ne serait plus une partenaire égale en droit dans les négociations, mais deviendrait une simple exécutante des ordres de Bruxelles. Donc, lorsque les partisans de cet accord-cadre argumentent que celui-ci est nécessaire pour permettre la poursuite de la voie bilatérale, ils mentent à eux-mêmes et à nous. Cet accord-cadre est un traité de soumission, même si ses défenseurs préfèrent utiliser des termes enjolivant comme accord d’amitié ou accords bilatéraux III. Cet accord est aussi une attaque frontale contre la démocratie directe. Les Suissesses et les Suisses pourraient certes se prononcer sur les traités conclus avec l’UE, mais avec le revolver sur la tempe. Pourquoi ? Parce que chacun de ces scrutins serait placé sous la menace que tous les accords sont supprimés si la Suisse ne reprend pas une nouvelle loi de l’UE. Nous avons fait cette expérience avec l’accord de Schengen. Le droit d’initiative et de référendum ne serait plus qu’une farce puisque l’UE disposerait d’un droit de sanction contre la Suisse au cas où celle-ci ne reprendrait pas une décision de Bruxelles.
Dans le débat sur l’accord-cadre de ces dernières semaines, on a appris que certains milieux considèrent comme problématique la reprise automatique de droit UE, mais n’en tirent pas pour autant les conséquences qui s’imposent logiquement. Par exemple, Stefan Breitenmoser, professeur de droit à l’Université de Bâle et juge au Tribunal fédéral administratif de St-Gall, ainsi que Simon Hirsbrunner, avocat et partenaire de l’étude Steptoe & Johnson de Bruxelles, constatent que des règlementations controversées de nature politique pourraient être concernées par les modifications légales devant être reprises automatiquement par la Suisse. Ils citent en exemple le projet d’accord sur l’électricité qui aurait une grande influence sur le droit énergétique de la Suisse ainsi que la jurisprudence de la CJUE dans des domaines tout particulièrement concernés comme la libre circulation des personnes et la politique fiscale, y compris l’imposition des entreprises. L’interdiction d’aides étatiques pourrait s’imposer dans notre jurisprudence, si bien que des avantages fiscaux offerts à des entreprises étrangères, voire un prêt sans intérêt accordé par une ville à une association sportive deviendraient impossibles. Un tel accord sur les services financiers remettrait également en question la garantie d’Etat que les cantons offrent aux banques cantonales.
On peut aussi se demander pourquoi Christian Levrat, président du Parti socialiste, réclame une conclusion rapide de l’accord-cadre alors que celui-ci remettrait sérieusement en question les mesures d’accompagnement négociées dans le cadre de l’accord de libre circulation des personnes. Daniel Lampart, économiste en chef de l’USS, s’est exprimé comme suit à ce sujet : « Il est déterminant à nos yeux que la Cour de justice de l’UE ne puisse pas décider des mesures d’accompagnement, car elle a pris ces dernières années plusieurs décisions contraires aux intérêts des travailleurs. » C’est ce que nous avions clairement dit au Conseil fédéral lorsque celui-ci a défini le mandat de négociation. A notre avis, aucune disposition de cet accord-cadre n’intéresse la Suisse. L’ancien préposé à la surveillance des prix, Rudolf Strahm, met lui aussi en garde contre une dilution des mesures d’accompagnement : « La grande pierre d’achoppement de l’accord-cadre concerne les mesures d’accompagnement pour la protection des salaires dans le cadre de la libre circulation des personnes. 90% des plaintes déposées contre la Suisse auprès du comité mixte Suisse-UE concernent en effet les mesures que la Suisse a prises pour protéger les salariés ainsi que les arts et métiers. » Cet aspect est volontiers passé sous silence par la Berne fédérale.
Dans des domaines politiques importants comme la politique énergétique, fiscale, d’encouragement et de protection des travailleurs – cette liste est loin d’être exhaustive – la Suisse ne pourrait donc plus décider de manière autonome. Comment oser affirmer dans ces conditions que cet accord-cadre est dans l’intérêt de la Suisse ? Cela devrait être compris par tous les partis politiques. Lorsque la présidente de la commission de politique extérieure, Elisabeth Schneider-Schneiter (PDC), et la présidente du Parti libéral-radical, Petra Gössi, se répandent en considérations sur le mode de règlement des litiges, leur but réel est de détourner l’attention du fond du problème, à savoir la reprise automatique et obligatoire de droit étranger par la Suisse et, partant, la suppression des droits démocratiques dans des domaines essentiels.
Cette tactique de dissimulation a aussi été pratiquée lors de la rencontre de la conseillère fédérale Doris Leuthard, alors présidente de la Confédération, avec Jean-Claude Juncker, président de la Commission de l’UE.
Il semble que l’on ait aussi tenté dans le cadre d’une rencontre secrète réunissant Juncker, Leuthard et Pfister de trouver une sortie à la voie sans issue de l’accord-cadre. Depuis cette époque, il est en effet souvent question d’une solution de règlement des litiges passant par la Cour de justice de l’AELE et non plus par celle de l’UE. Tout cela est finalement secondaire, car les deux cours de justice sont des tribunaux étrangers et la reprise automatique et obligatoire du droit de l’UE reste une réalité. Cette rencontre secrète est d’ailleurs une monstruosité. Lors de l’heure des questions de la dernière session parlementaire, j’ai demandé au Conseil fédéral de répondre à la question suivante :
Le Conseil fédéral peut-il confirmer que, selon l’hebdomadaire « NZZ am Sonntag », la présidente de la Confédération, Doris Leuthard, a rencontré, juste après la visite officielle du président de la Commission de l’UE, Jean-Claude Juncker, ce dernier ainsi que le président du PDC, Pfister, pour un entretien secret et inofficiel le 23 novembre dernier ? Le Conseil fédéral et, notamment, le chef du DFAE, Ignazio Cassis, ont-ils été informés avant ou après cette rencontre sur le contenu des entretiens ?
Réponse du Conseil fédéral 04.12.2017: il est normal que des partis politiques amis aient à des échanges. Comme il s’agissait dans le cas de cette rencontre d’un bref entretien informel entre partis, le Conseil fédéral n’a pas été informé. Plusieurs thèmes politiques d’actualité ont été abordés. Les décisions en matière de politique européenne appartiennent au Conseil fédéral. Du point de vue du protocole, la visite de Jean-Claude Juncker, président de la Commission de l’UE, n’était pas une visite d’Etat, mais une visite officielle. Il n’est pas usuel d’en informer les présidents des commissions de politique extérieure, voire de les intégrer dans le programme.
On ne sait pas si cette rencontre a provoqué par la suite des remous du côté de l’UE parce qu’on lui a peut-être promis plus que ne pouvait tenir. Ce qui est certain, en revanche, c’est que des procédés comme cette rencontre secrète sont intolérables, notamment quand il s’agit de questions importantes touchant à l’avenir du pays. Imaginez les hurlements des médias si, avant une visite officielle, une rencontre secrète réunissait Juncker, Maurer et Roesti. Des têtes auraient été réclamées.
Conclusion : de quoi s’agit-il exactement avec cet accord-cadre ? La version qui nous est donnée aujourd’hui est clairement un traité de soumission. Celles et ceux qui approuvent cet accord abandonnent leur droit de vote à Bruxelles. L’UDC mettra donc tout en œuvre pour empêcher un désastre pour l’autodétermination de la Suisse.
La contribution de 1,3 milliard de francs pour aider les pays de l’est européen doit être refusée. Le simple fait que le Conseil fédéral entend virer ce montant – de l’argent des contribuables suisses – à Bruxelles sans y attacher la moindre condition constitue une absurdité. Cela dit, nous refuserions ces 1,3 milliard de francs même s’ils étaient soumis à des conditions, d’autant plus qu’on tente de dissimuler ce cadeau sous le titre de prime d’accès au marché intérieur. Nombre des pays destinataires affichent des taux de croissance de 3 à 4% de leur PIB et concurrencent en partie directement les exportateurs suisses. Ils n’ont donc certainement pas besoin de cette aide au développement. Si effectivement il s’agissait d’une prime d’accès au marché intérieur, nous devrions mettre dans la balance l’accès au marché suisse que nous offrons à l’UE. La balance commerciale négative pour la Suisse et notre position de troisième partenaire commercial de l’UE nous permettraient en réalité de facturer plusieurs centaines de millions de francs à l’UE.
La troisième mesure, c’est-à-dire la suppression du droit de timbre que l’UDC exige depuis longtemps, doit être rapidement prise pour renforcer la place financière suisse face aux pressions qu’exerce l’UE en refusant de manière totalement arbitraire de reconnaître la bourse suisse. Voilà comment un pays fort et indépendant doit réagir !
Enfin, l’initiative de limitation que nous avons lancée le 16 janvier dernier – je vous rappelle que les feuilles de signatures sont sur la table – permettra à la Suisse de récupérer une partie de sa marge de manœuvre en reprenant le contrôle de l’immigration sur son territoire. Depuis l’introduction de la libre circulation des personnes avec l’UE, près d’un million de personnes en chiffre net ont immigré dans notre pays. Une Suisse à dix millions d’habitants sera bientôt une réalité avec les conséquences dramatiques que l’on imagine pour notre société. Et pourquoi? Parce que la Suisse a conclu avec l’UE un accord totalement irréaliste qui permet aux quelque 500 millions de ressortissants UE d’immigrer et de s’installer librement chez nous. Aucun autre pays indépendant au monde n’a abandonné aussi complètement le contrôle de l’immigration. Je vous invite à récolter dès à présent des signatures afin que la Suisse puisse à nouveau gérer l’immigration sur son territoire.
Je me réjouis d’ouvrir cette assemblée des délégués qui s’annonce passionnante avec une discussion sur des thèmes si importants pour notre démocratie comme la liberté et le rôle des médias.