L’UDC Suisse salue la volonté d’améliorer la situation des personnes handicapées et de lutter contre les discriminations subies par les personnes concernées. A plusieurs niveaux, la réglementation proposée va dans la bonne direction. Toutefois, certaines réserves doivent être émises. En particulier, il ne faut pas tomber dans le piège de l’égalité de résultat imposée aux acteurs privés en lieu et place de l’égalité devant la loi.
En Suisse, près d’un cinquième de la population résidente vit avec un handicap selon la loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (LHand) – définition qui inclut les handicaps liés à l’âge. Le projet représente un nouveau jalon dans la quête d’égalité pour les personnes handicapées, après la codification de l’interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap à l’article 8, alinéa 2 de la Constitution fédérale (Cst.) ainsi que le devoir pour la Confédération et les Cantons de mettre en place des mesures visant l’élimination des inégalités en question, chacun dans leur domaine de compétences (art. 8, al. 4 Cst.). Précisons ici que cet article ne confère pas à lui seul une compétence à l’un ou l’autre échelon.
S’il est vrai qu’un potentiel d’amélioration ne peut être nié, il convient malgré tout de rappeler que la Suisse est une bonne élève en matière de lutte contre les inégalités. En comparaison internationale, la participation des personnes handicapées au marché du travail est très élevée en Suisse, la différence par rapport au taux d’activité des personnes sans handicap étant l’une des plus basses de l’OCDE (15%). Il convient de prendre connaissance de cet état de fait et de chercher des mesures nécessaires et adéquates pour améliorer réellement la situation des principaux concernés, sans toutefois aller à l’encontre des principes élémentaires du système suisse.
Parmi les propositions qui doivent être saluées, l’on peut tout d’abord citer les articles 13 et 14 de l’avant-projet qui concrétisent clairement le rôle de la Confédération de tendre à l’égalité des chances en tant qu’employeur et de garantir l’accessibilité de ses prestations en tant qu’administration centralisée comme décentralisée. A l’article 14, alinéa 4 LHand, la référence aux normes internationales doit toutefois être biffée. En effet, il appartient au législateur, respectivement à l’autorité compétente, de fixer les normes nationales pertinentes, ces dernières se devant d’être suffisantes. Prévoir dans la loi le respect de normes internationales sans préciser desquelles il ne s’agit ni émettre de réserve crée une ambiguïté quant au champ d’application de cette disposition.
Interdire fermement les discriminations sans toutefois forcer les aménagements
L’avant-projet prévoit d’interdire explicitement toute discrimination fondée sur le handicap dans les rapports de travail de droit privé et dans les prestations de services fournies au public par des particuliers. Il introduit par ailleurs une obligation de procéder aux aménagements raisonnables pour éliminer les inégalités dans ces deux domaines, un éventuel refus pouvant constituer une forme de discrimination.
Si l’interdiction de la discrimination est essentielle dans un Etat de droit, y compris dans le domaine privé, il convient toutefois d’apprécier la qualification des discriminations de manière restrictive, notamment lorsque l’on parle d’adaptation des prestations proposées par des acteurs privés. L’actuel article 6 de la LHand répond à cette question de manière concrète, sans pour autant constituer une charge exagérée auprès de l’économie privée. Concrètement, les prestataires privés qui fournissent des prestations au public ont l’interdiction de traiter une personne handicapée de manière discriminatoire mais ne sont pas tenues d’adapter leurs services ou infrastructures pour les rendre accessibles. Dans sa réponse du 15 novembre 2017 à la motion 17.3867, le Conseil fédéral rappelait ce principe et estimait que « la réglementation en vigueur concernant l’accessibilité des services des prestataires privés est suffisante ».
L’UDC Suisse estime qu’il faut s’en tenir à cette manière de faire. Partant, il ne faut pas modifier l’article 6 LHand, qui prévoit l’obligation pour les particuliers de procéder à des aménagements et des adaptations de leurs prestations. De même, les rapports de travail fondés sur le code des obligations ne doivent pas être ajoutés au champ d’application de la LHand (article 3), à l’exception de quelques normes ciblées.
Oui aux renforcements procéduraux, mais uniquement en connaissance de cause
L’avant-projet prévoit la gratuité des procédures ainsi qu’un allégement du fardeau de la preuve. L’UDC Suisse peut suivre cette logique et accepter ces propositions. Toutefois, en cas de renforcements procéduraux à l’avantage des personnes handicapées, le cadre de la discrimination prévue par la loi ne doit pas être élargi.
Cela est essentiel afin que les employeurs puissent se fier aux jurisprudences déjà rendues plutôt que de se retrouver face à une insécurité juridique majeure. En effet, en ajoutant une notion juridique indéterminée (« aménagements raisonnables ») et en allégeant le fardeau de la preuve, les employeurs se retrouveraient durablement face à une situation incertaine quant à leurs devoirs et à leurs droits.
Le caractère imprévisible de l’étendue des aménagements raisonnables, respectivement de l’obligation revenant aux employeurs, ressort clairement du rapport du Conseil fédéral. La raison en est simple : l’absence de comportement discriminatoire ne suffit pas toujours à garantir l’égalité de traitement des travailleurs handicapés. Partant, il convient de ne pas brusquer les principes élémentaires du droit privé, sans quoi la révision proposée pourrait faire plus de mal que de bien.
Pour l’UDC, comme la LHand ne doit en principe pas s’appliquer aux relations de travail fondées sur le code des obligations (voir ci-dessus), il convient d’inscrire l’allègement du fardeau de la preuve ainsi que la gratuité des procédures dans une disposition spécifique et seule applicable aux rapports de droit privé.
Langues des signes : accepter les vraies avancées, refuser la politique symbolique
L’UDC Suisse salue l’approche selon laquelle un encouragement spécifique n’est prévu que pour le cas où les dispositions générales ne permettent pas de prendre en compte correctement la situation spécifique des personnes concernées. C’est l’une des raisons pour lesquelles une partie importante du Groupe parlementaire de l’UDC avait rejeté la motion de la CSEC-CN réclamant une reconnaissance de la langue des signes.
Lorsque la motion a été acceptée par le Conseil national, le représentant du Conseil fédéral l’avait par ailleurs rappelé : « il ne faut pas oublier que la reconnaissance de la langue des signes ne changera pas directement la situation des personnes sourdes dans leur vie quotidienne ».
L’UDC Suisse n’est pas convaincue de la plus-value réelle qu’apporterait une telle reconnaissance, quoi qu’elle ne la refuse pas explicitement. Elle estime toutefois que la promotion des langues des signes revient avant tout aux Cantons en l’absence de base constitutionnelle claire attribuant une compétence à l’Etat fédéral en la matière. Rappelons que dans son rapport du 24 septembre 2021 portant sur les possibilités de reconnaissance juridique des langues des signes suisses, le Conseil fédéral estimait que l’inscription de mesures supplémentaires exigerait « une interprétation large de la notion de communauté linguistique mentionnée à l’art. 70, al. 3, Cst. ». Une inscription dans la LHand étant alors vue comme limitée, restant cantonnée au droit sur l’égalité. Le soutien des « expressions culturelles » prévu à l’article 14a, alinéa 1, lettre c de l’avant-projet laisse donc particulièrement dubitatif en matière de constitutionnalité.
Les Cantons sont pour leur part libres de déterminer leurs langues officielles et de les promouvoir (article 70 Cst.). Ils bénéficient également de toute la latitude en matière de soutien culturel. Il apparaît dès lors qu’ils sont plus à même de mettre en œuvre les aspects législatifs ayant trait à la promotion des langues des signes en dehors de leur acception relevant de l’égalité des personnes handicapées.
Pour le surplus, l’UDC Suisse salue la modification de la loi sur les langues permettant aux députés d’utiliser la langue des signes lors des débats parlementaires.
Pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus, l’UDC Suisse salue la volonté de mettre en œuvre les principes constitutionnels inscrits à l’article 8 de la Constitution fédérale. Elle rappelle toutefois le rôle important des Cantons ainsi que les différences fondamentales entre les principes du droit public et du droit privé et se doit en conséquence de requérir les modifications suivantes afin de pouvoir soutenir l’avant-projet :