Revenons à la raison dans l’aide sociale !
L’aide sociale était conçue comme une aide-relais en situation d’urgence. Insidieusement, elle s’est muée en tout autre chose : un revenu de substitution durable sans prestation de travail. Une explosion des coûts en est la conséquence. Ce sont les contribuables et les personnes réellement dans le besoin qui paient les pots cassés.
L’aide sociale est par exemple justifiée, lorsque quelqu’un perd son emploi quelques années à peine avant la retraite, ne trouve pas de nouveau poste malgré tous ses efforts et n’a plus droit au chômage. Ou lorsqu’une mère élevant seule son enfant ne peut provisoirement plus travailler.
Or, l’aide sociale a aussi un revers. Ceux qui ne souhaitent pas travailler n’ont aucun mal à abuser du système. Et une véritable industrie sociale s’en met plein les poches.
Effets pervers des normes CSIAS
La Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) a émis des directives en vue d’harmoniser les pratiques en matière d’aide sociale sur tout le territoire suisse. Sur le principe, l’idée est bonne. On s’est toutefois largement éloigné de l’intention ini-tiale. Les normes CSIAS ont créé une attitude revendicative. Elles prennent comme référence les 10% inférieurs de la statistique sur les revenus. Ceux qui ne travaillent pas se voient ainsi garantir un « revenu mensuel de base » correspondant au moins à ce montant. La pauvreté, ce n’est pas cela.
Les normes CSIAS produisent ainsi des effets pervers. Il ne vaut pas la peine de travailler, si l’on peut recevoir exactement le même revenu du service social, sans limite de temps et libre d’impôts. Si une famille de cinq personnes reçoit tous les mois 5000 francs pour sa subsistance, son logement, ses soins médicaux de base et quelques extras, cela correspond à un revenu d’activité lucrative brut de 6000 francs, une fois déduits les impôts et les cotisations sociales. C’est injuste vis-à-vis de tous ceux qui vont travailler jour après jour et gagnent leur vie à la sueur de leur front.
Le terme « client »
Le système actuel des normes CSIAS est fondé sur une idéologie de nivellement social, tout comme les initiatives sur le salaire maximal (1:12), sur le salaire minimum et sur le revenu de base inconditionnel. Comme les politiques, les hautes écoles de travail social portent une part de responsabilité. L’absurdité de la situation actuelle trouve son apogée dans le terme « client », utilisé aujourd’hui pour les bénéficiaires d’aide sociale. Un client, c’est quelqu’un qui rapporte, qu’on tient à garder et qu’on sert donc du mieux qu’on peut.
Industrie du social
Les « clients » font vivre toute une branche de l’économie. Dans le travail social, on accorde une grande importance au suivi et au conseil. Les hautes écoles spécialisées donnent le ton, les cantons et communes reprennent leurs directives « scientifiques », souvent sans sourciller. Aucun pays ne fournit une aide sociale aussi globale ni aussi généreuse que la Suisse. Le fait que les « clients » restent toujours plus long-temps dans les filets de l’aide sociale, comme le montrent les statistiques, ne s’explique pas par la situation économique. Ces dernières années, on assiste à l’éclosion d’une lucrative industrie du social. Lorsqu’on attribue des mandats d’assistance à des prestataires privés, leur intérêt commercial n’est pas de clore le dossier au plus vite. Alain Pichard, membre du législatif biennois, l’a formulé de manière on ne peut plus pertinente le 19 septembre 2014, dans l’émission Arena : « Qui sème l’assistance, récolte des cas sociaux ».
Que faire ?
Le débat public sur l’aide sociale est lancé, mais il n’en est encore qu’aux prémisses. Personne ne veut supprimer l’aide sociale. Celle-ci doit toutefois à nouveau être conçue comme un « pont » en cas de situation vraiment critique. On peut discuter des détails. Dans les grandes lignes toutefois, il faut impérativement revenir à la raison, ce qui signifie :
– une aide sociale adaptée aux circonstances concrètes du cas et non plus fournie sur la base du catalogue de droits que sont les normes CSIAS ;
– une aide sociale conçue de telle façon qu’il vaut toujours la peine de travailler ;
– des autorisations de séjour des étrangers strictement liées à la condition de ne pas percevoir une aide sociale régulière, afin d’empêcher que certains immigrent dans le système social suisse et y restent ;
– une limitation des mandats d’assistance aux prestataires privés, afin de contenir le boom de la lucrative industrie sociale et que les nouvelles directives ne soient pas érigées en standards d’application générale (et très chers !).