Le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) est aujourd’hui dans un état inquiétant. Des éléments importants de l’armée ont été détruits. Cette situati
Le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) est aujourd’hui dans un état inquiétant. Des éléments importants de l’armée ont été détruits. Cette situation désolante n’est plus seulement connue d’un cercle restreint d’initiés, mais elle fait l’objet de discussions publiques.
Ce qui manque surtout à la tête du DDPS et dans certaines parties de la direction de l’armée, c’est la fiabilité, des visions réalistes et une réflexion stratégique. Au lieu de cela, le DDPS est dominé par des illusions superficielles, par une agitation opérationnelle, par la mise en scène des plus hauts responsables et par la promotion de l’image du chef. L’enquête interne « Analyse de la politique de sécurité 2004 » est pourtant arrivée à la conclusion que la direction de ce département n’est pas à la hauteur des exigences auxquelles doit répondre un organe de direction suprême. La défense autonome du pays a été sacrifiée sur l’autel de la collaboration internationale. Selon le concept de la « montée en puissance » défendu par le DDPS, le rétablissement d’une armée suisse prête à être engagée coûterait au moins 40 milliards de francs; mais même ce montant énorme ne permettrait pas d’atteindre l’objectif visé, car le matériel nécessaire ne pourrait pas être acquis dans les délais utiles sur le marché international. Le but de cette « montée en puissance » vanté par les représentants du DDPS est en réalité de cacher les graves lacunes dans l’équipement militaire. Face au public, le DDPS parle de neutralité, d’indépendance et défense nationale. En réalité, la réforme Armée XXI s’inspire du modèle américain de la doctrine Rumsfeld (Army 21).
Les membres de l’armée suisse ne connaissent souvent plus leur mandat précis et ne savent pas pourquoi ils s’entraînent. Cette lacune est aussi source d’ennui chez les militaires et provoque des actions de « team building » dangereuses, voire mortelles, comme le rappellent les drames de la Jungfrau ou de l’excursion en pneumatiques sur la rivière Kander. Mais au lieu de motiver la jeune génération à l’engagement militaire en lui donnant un mandat clair, la direction de l’armée préfère lui offrir des productions hollywoodiennes irréalistes de type Rambo. Cette fausse image générée chez les jeunes gens entraîne forcément des frustrations dans un quotidien militaire qui n’a guère de rapport avec le cinéma d’action.
L’augmentation du nombre d’engagements subsidiaires de l’armée – pour des manifestations sportives et des fêtes diverses – ennuie les soldats. L’ambassade américaine à Berne s’est plainte plusieurs fois auprès du DDPS du manque de discipline des soldats chargés de la surveillance du bâtiment.
La conception et l’application de la réforme Armée XXI sont inaptes. Cette Armée XXI est inefficace, chaotique, surmenée et trop chère. La séparation de l’instruction et de la conduite s’avère désastreuse. Les cadres sont rappelés trop tôt des écoles de recrues alors qu’ils devraient apprendre la conduite des troupes dans la pratique sous la surveillance d’instructeurs expérimentés. Le DDPS continuent de taire soigneusement le manque d’instructeurs dont pâtit l’armée. La formation insuffisante des cadres militaires provoque des erreurs et des accidents.
L’étape de développement 08/11 est une autre réforme qui entraîne de grosses frustrations parmi les miliciens. Des brigades sont dissoutes alors qu’elles étaient prévues pour des engagements futurs. Ces restructurations génèrent des problèmes de personnel énormes.
Les développements actuels au sein du DDPS sont en partie contraires aux règles constitutionnelles. Le taux élevé d’inaptitude au service est en opposition avec le principe de l’obligation générale de servir. En outre, le statut des militaires en service long, les militaires sous contrat et le mode d’occupation des postes de commandement supérieurs minent le principe de la milice.
Un désordre complet règne dans la gestion du personnel. Un unique service du personnel installé à Berne attribue aux commandants des officiers et des soldats qu’ils ne connaissent pas alors qu’autrefois ils disposaient d’équipes rodées. Même la planification des importants postes de commandement est aléatoire. Trop souvent ces postes ont été occupés dans la précipitation.
Depuis quelques années les acquisitions de matériel de guerre ne se fondent plus sur les besoins réels de l’armée, mais surtout sur les exigences de l’entreprise d’armement RUAG, propriété de la Confédération: soit la RUAG a reçu directement des mandats à des prix surfaits, soit le DDPS tentait d’obtenir des partenariats stratégiques pour cette entreprise en attribuant des mandats à des tiers. De plus, des mandats civils d’entreprises partenaires étrangères ont été subventionnés transversalement avec l’argent destiné à l’armement suisse.
La centralisation des arsenaux est très risquée. Par exemple, tous les chars blindés engagés sont parqués à Thoune, si bien qu’un attaquant peut mettre l’armée suisse hors d’état d’agir par quelques frappes ciblées. La transformation massive de la logistique de l’armée a entraîne un véritable chaos dans le contrôle, l’entretien et la réparation du matériel. Ces défauts matériels sont si graves que l’armée serait dans l’incapacité d’agir en cas de crise imprévue. La préparation matérielle à un événement surprenant n’est pas donnée.
L’état de préparation de l’armée de l’air et de son principal instrument, les 33 FA-18 C/D, est à un niveau inquiétant. Motifs: travaux d’entretien en retard auprès de la RUAG, manque de pilotes.
On relève en outre un nombre exceptionnellement élevé de démissions anticipées ou de déplacements disciplinaires sous la conduite de l’actuel chef du DDPS: à côté du commandant de corps Knutti, ce constat concerne le chef de l’armée Roland Nef, le secrétaire général du DDPS Juan Gut, le chef de la communication Philippe Zahno, le commandant de corps Dousse, le commandant de corps Fellay, le divisionnaire Solenthaler, le divisionnaire Bläuenstein et le divisionnaire Zwygart. Il est donc impensable que le chef actuel du DDPS nomme un nouveau chef de l’armée: aucune personnalité réellement convaincante et compétente n’accepterait de servir sous ses ordres.
Le chef du DDPS se contente de minimiser les problèmes, de faire diffuser des informations sur des prétendus succès et de faire taire les critiques. Il rechigne à s’attaquer aux vrais problèmes et préfère désigner des boucs émissaires. Il licencie ou déplace des subordonnés quand des erreurs provoquent ou risquent de provoquer des scandales. Lorsque des pannes graves arrivent à la connaissance du public – par exemple dans le cas de la promotion du chef de l’armée Roland Nef – le chef du DDPS annonce une enquête sur l’affaire. Il se donne alors le rôle de l’observateur intéressé alors qu’il est directement responsable des dysfonctionnements. Cela fait maintenant sept ans que le DDPS est géré par un chef qui ne pense qu’à lui au lieu de se préoccuper de l’intérêt de la population.