L’importance et le rôle multifonctionnel de l’agriculture suisse sont aujourd’hui compris et appréciés par toutes les couches de la population et tous les groupements intéressés. Personne ne veut renoncer à l’authentique qualité suisse. Mais si on introduit dans le débat des notions comme les perspectives d’avenir des familles paysannes, la souveraineté alimentaire de la Suisse ou encore le mandat que la Constitution fédérale donne au secteur agricole, on est confronté à une foule de réserves, d’intérêts divergents et d’opinions diamétralement opposées. Au point qu’il est difficile de trouver un dénominateur commun. Pourtant, la production alimentaire nationale et l’auto-approvisionnement du pays sont, avec la sécurité, des piliers centraux de la continuité d’un pays.
Au niveau mondial environ un milliard de personnes n’ont pas assez à manger ou souffrent même de la faim. Nonobstant cette situation extrêmement préoccupante de l’approvisionnement alimentaire, la politique suisse vise constamment une réduction du degré d’auto-approvisionnement du pays. Or, celui est déjà le plus bas d’Europe avec un peu plus de 50%. Face à ce chiffre, le comportement de la Suisse est pour le moins incompréhensible. De plus, les consommatrices et les consommateurs helvétiques disposent du choix d’aliments de loin le moins cher du monde si on tient compte de leur revenu. Aujourd’hui, le Suisse moyen dépense encore 7 à 8% de son revenu pour se nourrir. En Allemagne, cette proportion est de 13%. Ces données statistiques confirment bien que les tentatives de réduire encore les prix des aliments ne sont certainement pas une priorité.
Prendre en compte tous les coûts pour déterminer les prix à la production
Le principe élémentaire qui prévaut dans toutes les autres branches économiques, à savoir la prise en compte de tous les facteurs de coût pour déterminer les prix à la production, ne semble pas s’appliquer à l’agriculture. Bien au contraire, on ne cesse de reprocher aux paysans suisses de produire plus cher que leurs collègues de l’UE. Pour calculer cette différence, on ne tient compte que des prix à la production dans l’UE et on ignore sciemment les exigences sensiblement plus élevées que notre législation sur la protection des animaux, la protection des eaux, de la nature et de l’environnement impose aux agriculteurs suisses. Idem pour le coût du travail qui est en moyenne 100% plus élevé en Suisse. Et bien entendu on ne veut pas savoir que le coût de la vie est plus important pour les paysans suisses – comme pour le reste de la population suisse d’ailleurs. Néanmoins – et cela doit être souligné une fois de plus – les consommateurs helvétiques disposent de l’offre de denrées alimentaires la moins chère du monde. Nous exigeons donc que les prix à la production soient dès à présent calculés sur la base d’un compte incluant tous les coûts.
Politique agricole et commerciale inacceptable pour l’économie suisse
Une nouvelle baisse des prix à la production avec à la clef une nouvelle augmentation des importations bon marché aurait des conséquences catastrophiques non seulement pour les paysans suisses, mais aussi pour toutes les branches en amont et en aval. Si tous les prix baissent, les coûts inévitables pourront encore moins être couverts. Résultat: les exploitations sont abandonnées ou vivent de leur substance. De plus, on rappellera qu’une baisse des prix à marge égale réduit le rendement du commerce. Ce développement aura pour conséquence le déplacement à l’étranger de nombreuses entreprises de production, voire leur fermeture pure et simple. C’est d’ailleurs le bon droit de toute entreprise obligée de faire des bénéfices. Mais les conséquences, ce sont la suppression de milliers d’emplois, le chômage, des charges supplémentaires pour les assurances sociales, l’affaiblissement de l’économie suisse et la perte d’attractivité économique de notre pays qui, parallèlement, devient de plus en plus dépendant de l’étranger.
Pour toutes ces raisons il faut éviter que ce scénario d’horreur se réalise. Nous serions bien inspirés de ne pas abandonner à la légère notre excellente position. Il faut que nous misions encore plus à l’avenir sur une agriculture indigène produisant des aliments de haute qualité. Nous sauvegardons ainsi à long terme la qualité suisse. Pour le bien de la population et d’une économie prospère.