Instaurée en 1960, l’assurance-invalidité est, à côté de l’AVS, l’un des principaux piliers de notre système de sécurité sociale. Il me paraît cependant important de rappeler d’abord à quelle fin…
Instaurée en 1960, l’assurance-invalidité est, à côté de l’AVS, l’un des principaux piliers de notre système de sécurité sociale. Il me paraît cependant important de rappeler d’abord à quelle fin l’AI a été créée. Cette assurance sociale est censée procurer un revenu de remplacement aux personnes incapables d’exercer une activité lucrative. Etre incapable d’exercer une activité lucrative signifie ne plus pouvoir travailler pour assurer sa subsistance. Il ne suffit donc pas de ne plus être apte à exercer sa profession initiale – il faut être incapable d’effectuer n’importe quelle activité professionnelle. Par exemple, si un boulanger est frappé d’allergie à la farine, il ne peut certes plus exercer son métier de base, mais il peut gagner sa vie d’une autre manière, par exemple, comme chauffeur de car. Il n’est donc pas un cas pour l’AI. Les critères de l’AI sont en fait définis de manière assez restrictive. Mais alors pourquoi y a-t-il autant d’abus dans cette institution?
Une pratique lâche qui encourage les abus
Durant les quinze années écoulées, l’AI s’est de plus en plus éloignée de sa mission légale. Le principe central selon lequel la réinsertion professionnelle passe avant la rente a été progressivement abandonné. La pratique lâche des offices AI et surtout le tabou social dont étaient frappés les abus dans l’AI ont transformé cette institution en self-service pour les fainéants et pour une industrie dominée par la gauche dont le travail consiste à procurer des rentes AI à ceux qui en demandent. L’AI est devenue au fil des ans une sorte d’assistance publique complémentaire. Résultat: explosion des dépenses et de la dette, mépris croissant de cette institution au sein de la population et, surtout, difficulté de financer les rentes de ceux qui les méritent réellement.
Les grandes villes comme Bâle, Genève et Zurich – toutes dominées par le camp rouge-vert – se sont des années durant débarrassées de leurs problèmes sociaux sur le dos de l’AI, mais sans pour autant résoudre ces problèmes sur le fond. L’AI n’est pour ces autorités politiques qu’une sorte de réceptacle de cas sociaux. Avec pour résultat une situation réellement catastrophique: en ville de Bâle, 9,18% de la population en âge d’exercer une activité lucrative perçoivent une rente AI. Un quart de la population bâloise n’a pas de revenu propre: 17 000 personnes vivent de l’AI, près de 13 000 touchent l’assistance publique, 4000 sont chômeurs et 11 000 reçoivent les prestations complémentaires pour l’AVS et l’AI. Voilà juste un exemple parmi de nombreux autres pour illustrer cette problématique.
La Suisse compte plus de rentiers AI que le canton de Soleure a d’habitants
Le fait que le nombre de rentiers ait passé de 164 000 en 1990 à près de 300 000 en 2006, soit presque le double, n’a manifestement gêné personne, sauf l’UDC qui était seule à s’en inquiéter. Or, ce développement est d’autant plus inquiétant que, parallèlement, les mesures de sécurité sur les lieux de travail et la prévention des accidents ont été constamment renforcées. Aujourd’hui encore, 64% des nouvelles rentes sont accordées sur la base de diagnostics médicaux peu clairs, donc à la causalité mal définie. Il s’agit de maux pour lesquels il est difficile d’établir une causalité directe entre l’atteinte à la santé et l’incapacité de travailler (par exemple, les traumatismes de la colonne cervicale, les problèmes de dos, les maladies psychiques). C’est dire que le potentiel d’abus y est particulièrement grand. En 1990, 26 148 personnes ont touché une rente AI à cause d’une psychose ou d’une psychonévrose; en 2006, il y en avait presque quatre fois plus, soit 91 590! On compte aujourd’hui en Suisse plus de rentiers AI que le canton de Soleure a d’habitants. Une débâcle monstrueuse!
La pression de l’UDC a des effets
Provoquée par l’UDC, la discussion sur l’invalidité simulée commence à avoir des effets. Nous sommes certes encore très loin d’une solution définitive de ce problème, mais au moins admet-on aujourd’hui qu’il y a effectivement des abus massifs dans l’AI et aussi que les étrangers constituent le principal problème. La 5e révision de l’AI, qui sera soumise au peuple en juin prochain, ainsi que la simplification des procédures entrée en vigueur au milieu de l’année 2006 sont des pas importants dans la bonne direction. Pour la première fois, le nombre de nouvelles rentes est en recul. Reste qu’il faut encore assumer les conséquences des erreurs commises dans le passé qui se matérialisent par une dette de plus de 10 milliards de francs. Et chaque jour l’AI fait 5 millions de francs de déficit supplémentaire. Cette 5e révision de l’AI est indispensable, car elle constitue un pas important vers l’assainissement de l’AI. Voici ses principaux éléments:
La 5e révision de l’AI va dans la bonne direction, mais elle ne suffit pas
La 5e révision de l’AI apporte certes quelques changements utiles, notamment concernant la réinsertion professionnelle. Cependant, il faut mettre ces améliorations en relation avec l’étendue des dysfonctionnements et des problèmes que connaît actuellement cette œuvre sociale. En outre, cette réforme repose davantage sur des espoirs que sur des faits réellement établis. On ne sait en effet toujours pas comment cette réinsertion se fera dans la pratique. Le seul fait connu à ce jour est le nombre de nouveaux postes de travail accordés dans le cadre de la 5e révision de l’AI. La pratique montrera si cette réforme répond effectivement aux attentes. Principal facteur d’incertitude: il n’est pas sûr du tout que le coût de quelque 500 millions de francs par an de la 5e révision de l’AI soit effectivement compensé par des économies; on ne peut donc exclure que cette réforme coûte finalement plus qu’elle rapporte. Même si toutes les hypothèses émises par le Conseil fédéral concernant cette 5e révision se confirment, les économies se monteront tout au plus à 100, voire 300 millions de francs par an dans les années à venir. De toute manière, cette réforme ne suffit pas, beaucoup s’en faut, à résoudre le problème fondamental de l’AI.
L’AI ne sera structurellement assainie que lorsqu’elle présentera un compte équilibré
La dette de l’AI est aujourd’hui de quelque 10 milliards de francs et elle s’accroît chaque année de 1,5 à 2 milliards. Cette augmentation constante de l’endettement faute de ressources financières supplémentaires montre de toute évidence que l’AI ne sera pas structurellement assainie par cette 5e révision. Il serait donc complètement faux d’offrir aujourd’hui déjà à l’AI un financement supplémentaire – même si le PDC et le PRD vont sans doute s’y résoudre après-demain au Parlement. Le succès durable d’une réforme de l’AI n’est donné que si cette institution parvient à présenter un compte équilibré. Tant que l’AI n’est pas assainie, une 6e révision agissant sur les dépenses de l’AI est indispensable. Voilà la seule manière de régler les dysfonctionnements actuels.