Exposé

Les droits populaires en péril – la Suisse sur la voie vers un Etat de juges

L’article 2 de notre Constitution fédérale s’énonce comme suit: "La Confédération suisse protège la liberté et les droits du peuple et elle assure l’indépendance et la sécurité du pays." Les sept…

Christoph Mörgeli
Christoph Mörgeli
Stäfa (ZH)

L’article 2 de notre Constitution fédérale s’énonce comme suit: « La Confédération suisse protège la liberté et les droits du peuple et elle assure l’indépendance et la sécurité du pays. » Les sept conseillers fédéraux, les 246 représentants du peuple et des cantons ainsi que les juges fédéraux prêtent serment sur cette constitution en entrant en fonction et au début de chaque législature. Mais que se passe-t-il en réalité? Le gouvernement, le parlement et les juges ne protègent nullement les droits du peuple, mais les restreignent au contraire en permanence:

  • la naturalisation est dégradée au niveau d’un simple acte administratif. 
  •  les citoyens ayant leur mot à dire en cas d’augmentation des impôts, les autorités recourent de plus en plus souvent aux redevances, taxes et autres primes pour contourner la volonté populaire.
  • le gouvernement et l’administration édictent de plus en plus d’ordonnances contraignantes pour court-circuiter le législateur, donc le peuple et les représentants du peuple.
  • un large droit de recours accordé aux associations permet à des recourants individuels, donc à des défenseurs d’intérêts particuliers, d’invalider la volonté populaire (projet du Hardturm, projet sud-ouest de la gare de Zurich
  • dans les cantons, la reconnaissance de communautés religieuses tombe du niveau constitutionnel au niveau légal, si bien que des conseillers d’Etat peuvent parfois décider seuls.
  • le droit international impératif est de plus en plus étendu au-delà de sa teneur constitutionnelle, tout comme le contenu essentiel des droits fondamentaux. Ce développement viole le principe constitutionnel de la démocratie directe. Or, notre conviction profonde est que la démocratie est une meilleure garante des droits de l’homme qu’un Etat de juges. Une juridiction constitutionnelle, qui se place au-dessus du peuple et de ses représentants, n’a pas sa place en Suisse.

La démocratie, gardienne des droits de l’homme
Les droits de l’homme sont des acquis de l’humanisme occidental. Il s’agit en premier lieu des droits de la liberté défendant la dignité humaine face au pouvoir de l’Etat. On ne peut garantir à l’homme une sphère à l’abri du pouvoir de l’Etat que si tous les organes de l’Etat sont strictement soumis au droit. Les droits de la liberté en tant que liberté politique sont à la base d’un Etat démocratique: la liberté de l’Etat conduit à la liberté dans l’Etat. Dans les domaines où l’être humain est soumis au régime contraignant de l’Etat, il doit avoir le droit de participer aussi largement que possible à la conception de ce régime contraignant. La démocratie peut certes commettre des erreurs. Le peuple n’a pas toujours raisons, mais la volonté du peuple doit être respectée. Les erreurs de la démocratie libérale ne pèsent pas lourd par rapport à la liberté qu’offre ce système.

Le peuple et les représentants du peuple en tant que constituants sont-ils aussi les gardiens des droits de l’homme? Partant des expériences totalitaires, la réponse à cette question est généralement « non » au niveau international. La tendance est à la juridiction constitutionnelle. Que cela signifie-t-il? On veut placer au-dessus du droit de l’Etat les droits fondamentaux ou les droits de l’homme qui sont toujours marqués par des idées de valeurs qu’elles soient libérales, socialistes, catholiques, protestantes, etc., donc par des convictions non objectives. Les juges veulent se placer au-dessus de la Constitution – un principe inimaginable dans l’Etat constitutionnel suisse et qui conduit à l’absurde l’idée de l’Etat de droit. Il n’existe en effet pas de référence de mesure objective dans un collège de juges. Partant d’une idée de la justice qu’ils ont choisie eux-mêmes, les juges pourraient sortir de ses gonds notre Constitution encore relativement libérale. Car toutes les conceptions de la vie, toutes les orientations politiques et toutes les idéologies trouvent des armes dans le vaste arsenal des droits de l’homme.

Supports des droits de la liberté et des droits de l’homme, les citoyens sont-ils donc aussi les ennemis de ces droits? Cette conception est évidemment fausse. Bénéficiaires des droits de l’homme, le peuple et les représentants du peuple portent en eux la garantie des droits de l’homme. Le rôle de gardien des droits de l’homme est tout naturel pour le peuple, support des droits de la liberté. La démocratie offre à la liberté les meilleures chances de se développer. Elle est la forme d’Etat qui protège le mieux les droits de la liberté. Il faut cependant que l’idée de la liberté soit bien ancrée dans les citoyens, que les valeurs libérales existent, que la tradition libérale soit vivante. Comme nous le relevons depuis des années, cette tradition est fortement menacée par une immigration incontrôlée, notamment par des personnes qui ont une toute autre idée des valeurs et du droit. Dans notre pays, le trésor de convictions libérales doit être transmis d’une génération à l’autre, les citoyennes et les citoyens doivent se l’approprier, ils doivent même se battre pour lui. Une éducation, des expériences et un conservatisme libéraux créent une atmosphère libérale dans laquelle la démocratie sera la meilleure gardienne des droits de l’homme.

Plus le souci de l’indépendance économique des citoyens par rapport à l’Etat est présent, plus le souverain sera efficace en tant que garant des droits de la liberté. Car l’aide de l’Etat conduit à l’intervention de l’Etat, donc à la limitation des libertés. Si toutes ces conditions sont remplies, il n’y a plus rien à craindre pour les droits de l’homme et de la liberté – nonobstant la toute-puissance de fait du peuple et de ses représentants en tant que constituants et législateurs. Le grand professeur de droit public Zaccaria Giacometti a décrit comme suit le cas particulier mondial que constitue la démocratie directe: « La Suisse forme un cas unique de démocratie où le peuple en tant que législateur est lui-même garant des droits de l’homme. Elle donne ainsi de la plus belle manière qui soit la preuve qu’un Etat authentique, libéral et démocratique peut exister » (trad.) (allocution à l’occasion de la fête du 121e anniversaire de la fondation de l’Université de Zurich, 29.4.1954).

Non à l’Etat de juges
L’histoire nous montre que les droits de l’homme actuels sont nés, ont été conservés et ont été transmis dans des démocraties. Jamais dans l’histoire des démocraties ne se sont fait la guerre. Les droits de l’homme sont mieux gardés chez les citoyennes et les citoyens que chez des organes internationaux, fonctionnaires et professeurs trop souvent détachés de la réalité et vivant leurs convictions et idéologies individuelles. L’esprit de notre démocratie comprend aussi la confiance dans les citoyens. Nous devons parler et débattre de tout, même en nous disputant – pour enfin voter. Or, aujourd’hui le droit d’initiative constitutionnel se heurte de plus en plus souvent à des restrictions – par exemple des conventions, accords et traités internationaux. Une jungle de dispositions légales internationales fait que des initiatives populaires justifiées et acceptées par une majorité ne peuvent plus être appliquées conformément à la volonté du peuple. C’est arrivé avec les initiatives sur l’internement et sur l’imprescriptibilité. Même constat pour l’initiative sur les minarets et l’initiative UDC sur le renvoi auxquelles on oppose des réserves de droit international pour ne pas les appliquer conformément à leur texte. Bref, les juges se placent au-dessus du peuple et de ses représentants. La juridiction constitutionnelle est antidémocratique, antisuisse et doit donc être refusée.

Christoph Mörgeli
Christoph Mörgeli
Stäfa (ZH)
 
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