Je vous remercie de me donner l’occasion de représenter devant vous le référendum contre le durcissement de la loi sur l’asile. Je sais bien sûr que je me trouve ici dans la fosse aux lions, mais…
Corrado Pardini, conseiller national PS, coprésident de l’Union syndicale du canton de Berne, Lyss (BE)
Je vous remercie de me donner l’occasion de représenter devant vous le référendum contre le durcissement de la loi sur l’asile. Je sais bien sûr que je me trouve ici dans la fosse aux lions, mais la démocratie consiste avant tout à écouter plusieurs opinions.
L’UDC a fait avancer durant des décennies la politique d’asile. Lors de la dernière votation, le conseiller fédéral UDC de l’époque, Christoph Blocher, a marqué le projet en le durcissant. Votre affiche portait alors la phrase suivante: « Stopper les abus dans le droit d’asile – révision des lois sur l’asile et sur les étrangers 2xOUI ».
Je suis ici aujourd’hui pour vous dire trois choses:
Premier point: aucune disposition de cette révision ne combat les abus que vous considérez comme le principal problème. Vous évoquez régulièrement les nombreux requérants d’asile provenant d’Afrique du Nord. La question n’est pas de savoir si nous estimons que ces demandes sont justifiées ou non. Le fait est que cette révision ne réduira pas d’une seule les demandes d’asile provenant par exemple de Tunisie. PAS D’UNE SEULE.
Deuxième point: un des principaux éléments de cette révision est la suppression de la possibilité de déposer des demandes d’asile dans les ambassades. Il y a deux ans encore, ce projet était même controversé dans les rangs de l’UDC. Et il y avait de bonnes raisons à cela: une demande déposée dans une ambassade subit un examen préalable et seules les personnes ayant réellement besoin de protection sont autorisées à entrer en Suisse. Cette procédure est évidemment beaucoup moins chère qu’un examen complet de la demande en Suisse. Et si la demande est refusée, la personne en question ne doit pas être renvoyée, voire être placée en détention administrative, ce qui est également onéreux. Pour toutes ces raisons, d’autres pays examinent actuellement cette possibilité.
Les adversaires de la procédure d’asile dans les ambassades arguent du fait que la Suisse est le seul pays à appliquer ce système. Je vous pose la question: la Suisse est le seul pays au monde à connaître une démocratie directe aussi solide que la nôtre. Devons-nous pour autant la supprimer? Certainement pas. Bien au contraire, je crois que les autres pays feraient bien de s’inspirer de l’exemple de la Suisse. Voulons-nous donner du travail supplémentaire aux bandes de passeurs et voulons-nous encore plus de procédures en Suisse? Ou voulons-nous identifier, moyennant une procédure avantageuse, les requérants qui ont réellement besoin de protection pour leur donner asile en Suisse? Il est intéressant de noter à ce propos que ce sont surtout des femmes et des enfants qui demandent l’asile via les ambassades.
Troisième point: au Parlement vous avez combattu avec véhémence la possibilité donnée à la Confédération d’imposer des centres d’accueil aux communes. Cet article a été inventé comme solution d’urgence pour loger les requérants. C’est pour cela que ce système provisoire a été limité à un an. Mais la révision porte cette durée à trois ans et c’est sur elle que nous votons.
Vos membres protestent en première ligne lorsque la Confédération veut installer un centre d’accueil contre la volonté de la population. Et jusqu’ici vous avez eu du succès – comme par exemple, à Bettwil dans le canton d’Argovie, où le changement d’affectation de l’immeuble prévu n’a pas été autorisé.
Peut-être ne me croyez-vous pas parce que je suis du camp politique adverse. Je citerai donc votre expert en matière d’asile, le conseiller national Heinz Brand, qui a fait la déclaration suivante le 7 septembre 2012 devant le Parlement:
« Réfléchissez: les communes n’auraient aucun droit de participation à la décision d’installer un tel centre. Elles seraient uniquement consultées et on ne sait pas ce que ce mot veut dire en l’occurrence. J’attire aussi votre attention sur le fait que cette règlementation donne à la Confédération la possibilité d’ouvrir des centres pour des requérants d’asile délinquants sans que les communes concernées n’aient leur mot à dire. Pensez aux conséquences d’une telle règlementation. Cette règlementation proposée pour une durée de trois ans relativise le droit de l’aménagement du territoire. Le droit de participation en matière d’aménagement du territoire, qui est normalement très bien respecté dans notre pays, sera conduit à l’absurde. »
Lisez la page 25 des explications du Conseil fédéral. C’est parfaitement clair: il ne s’agit pas de centres n’importe où dans la campagne ou dans les montagnes, mais chaque commune comprenant des immeubles de l’armée ou d’autres bâtiments fédéraux peut être concernée.
Si vous dîtes oui à cette révision, vous dîtes OUI aussi au minage du droit de la construction et de l’autonomie communale.
Je résume:
Mon souhait principal est de mettre en place une loi sur l’asile qui garantisse que les personnes ayant réellement besoin de protection soient accueillies en Suisse. Et cela a bien réussi jusqu’à maintenant contrairement à ce que prétend fréquemment l’UDC. Durant les quatre années écoulées, plus de 30% des demandes étaient fondées. De nombreux requérants d’asile échouent en raison du durcissement constant des dispositions. Il est totalement déplacé de parler d’abus.
Je souhaite également une loi offrant des moyens rationnels d’ouvrir la procédure d’asile aux personnes ayant besoin de protection. Or, c’est précisément ce que permet le dépôt de demandes dans les ambassades. Enfin, je souhaite une législation qui ne suspend pas le fédéralisme comme si nous étions en état d’urgence. Je crois au contraire que la Berne fédérale doit convaincre les communes et non pas leur imposer ses décisions.
Un NON à cette révision protège les vrais réfugiés. Un NON maintient la procédure dans les ambassades qui est efficace et avantageuse. Un NON protège les communes contre les diktats de la Berne fédérale. Voilà pourquoi je vous invite à dire NON!