Renforcer l’instruction publique suisse – apprendre pour affronter la vie réelle

L’enseignement doit s’adapter au monde professionnel et non l’inverse. La concentration sur les branches de base, l’exercice discipliné, la volonté à l’effort et la recherche de la performance sont…

Peter Keller
Peter Keller
Secrétaire général adjoint Hergiswil (NW)
L’enseignement doit s’adapter au monde professionnel et non l’inverse. La concentration sur les branches de base, l’exercice discipliné, la volonté à l’effort et la recherche de la performance sont les bases du succès de la Suisse.

Un sondage intéressant a paru il y deux semaines. Des jeunes Suisses ont été interrogés sur les critères déterminants pour leur choix professionnel.

91% des sujets interrogés ont cité comme premier critère leurs intérêts et penchants personnels. Les jeunes veulent donc apprendre une profession qui leur plaise. C’est raisonnable: celles et ceux, qui suivent avec plaisir une formation, le feront avec d’autant plus d’engagement et la termineront donc avec succès.

Quel était le deuxième critère cité? La sécurité de l’emploi. 70% veulent apprendre une profession qui leur offre un avenir. C’est également raisonnable. Nous n’avons pas besoin de mille éleveurs d’orchidées, mais de mille artisans et producteurs de services de qualité.

Le troisième critère avancé par 59% était le salaire. On les comprend. Quand on est correctement payé, on accepte aussi certaines pressions et obligations éventuellement désagréables.

Ces motifs avancés pour le choix d’une profession sont convaincants. En premier lieu, les jeunes Suissesses et Suisses placent l’intérêt, viennent ensuite les perspectives professionnelles, puis en troisième position les possibilités salariales ultérieures.

Nous savons tous, cependant, que la vie n’est pas un self-service. La question décisive est la suivante: les jeunes réunissent-ils toutes les conditions leur permettant de faire leur chemin dans le monde professionnel et d’apprendre réellement le métier de leur rêve? L’école leur donne-t-elle le bagage nécessaire? Apprennent-ils les aptitudes de base dont ils ont besoin pour leur formation? Pour être concret, les jeunes sortant de l’école obligatoire savent-ils assez bien calculer, écrire et lire pour suivre avec succès un apprentissage professionnel?

Les exigences du monde professionnel
Pour dire les choses simplement: l’enseignement doit se conformer aux besoins du monde professionnel et non pas le monde professionnel aux besoins de l’école.

Or, nous en sommes bien loin aujourd’hui: les écoles et, surtout, les idéologues qui sévissent dans l’instruction publique se sont éloignés de la réalité. Des concepts hostiles à la performance et complètement à côté de la réalité de la vie ont infecté la formation des enseignants et, avec elle, l’école obligatoire.

Une pédagogie « wellness » a remplacé la performance et la discipline dans les salles de classe. Mais un jour, les écolières et les écoliers doivent sortir de leur environnement scolaire protégé pour se retrouver face à la dure réalité du monde.

Le monde du travail cherche des jeunes professionnels fiables et prêts à faire des efforts. L’école obligatoire répond-elle à cette exigence?

Ce qu’en disent les entreprises d’apprentissage
La réponse à cette question est malheureusement non. Preuves en sont les plaintes de l’économie. De nombreuses entreprises d’apprentissage doivent constater de grosses lacunes chez les jeunes sortant de l’école obligatoire: des déficits de formation, mais aussi des déficits de fond, par exemple concernant l’attitude face au travail. Voilà un développement inquiétant parce qu’il met en péril la substance-même de notre système de formation professionnelle.

L’UDC Suisse a donc rédigé le document de fond « Monde professionnel et école obligatoire ». Il ne s’agit pas d’un exercice intellectuel. Nous nous sommes rendus chez les chefs d’entreprise, nous avons écouté les maîtres d’apprentissage, nous avons collaboré étroitement avec l’Union suisse des arts et métiers.

Et que disent les entreprises d’apprentissage? Voici qu’elles constatent à l’unanimité: les jeunes sortant de l’école obligatoire présentent de grosses lacunes dans les branches principales, soit en particulier en mathématiques où les connaissances de base leur font défaut.

Voyons quelques-unes des réactions que nous avons recueillies:

Ecole professionnel des arts et métiers: nous y apprenons que plus d’un tiers des apprentis – 150 sur 400 – présentent des performances insuffisantes et ont donc besoin de cours de soutien

Branche pharmaceutique: les grandes entreprises pharmaceutiques bâloises n’acceptent plus d’apprentis sans leur faire passer un examen d’entrée. Pourquoi? Parce que les certificats de fin d’étude ne méritent pas leur nom, les notes n’ayant plus aucune signification.

Victorinox: de nombreux jeunes échouent devant des problèmes mathématiques parce qu’ils n’en comprennent pas l’énoncé. Ils sont aussi fréquemment dépassés par la règle de trois ou des calculs de pourcentage.

Que disent encore les entreprises d’apprentissage? Qu’elles sont choquées par les lacunes orthographiques. Les cahiers des élèves ne sont souvent même pas corrigés, les textes ne sont pas écrits « au propre ». La tenue des cahiers est généralement négligée. Cette négligence des enseignants se transmet forcément aux élèves. Voilà ce que nous disent les entreprises d’apprentissage. Il ne s’agit pas là d’insinuations populistes!

Et comment réagissent les entreprises d’apprentissage? Elles doivent consacrer les premiers mois à inculquer aux futurs professionnels une attitude correcte face au travail et à les faire répéter les connaissances scolaires de base. Les entreprises d’apprentissage et les écoles professionnelles des arts et métiers doivent rattraper les manquements de l’école obligatoire.

Que faire? Sept mesures pour améliorer l’école obligatoire
Ces plaintes doivent être prises au sérieux. La formation professionnelle est un pilier important de notre succès. Mais il ne suffit pas de faire l’éloge de notre formation professionnelle duale dans les discours du dimanche, puis d’observer sans réagir du lundi au samedi le mauvais tour que prend l’école obligatoire.

L’UDC Suisse propose donc sept mesures pour apporter des corrections indispensables à notre système scolaire:

  1. Le plan d’étude doit se limiter aux matières essentielles: lire, écrire, calculer. Les enfants subissent aujourd’hui un bourrage de crâne avec tout et n’importe quoi, mais ils ne sont pas prêts à affronter le monde professionnel.
  2. Exercer, répéter. Le succès scolaire ne tombe pas du ciel. Pour que les élèves puissent appliquer leurs connaissances, ils doivent les exercer systématiquement.
  3. L’école obligatoire est trop axée sur les langues. Deux langues étrangères à l’école primaire, c’est trop. Tant les élèves que les enseignants sont dépassés. Malheureusement le courage a manqué jusqu’ici pour corriger cette fausse bonne idée.
  4. Renforcer les branches pratiques. Les branches pratiques sont négligées depuis quelques années, notamment au degré supérieur. Cette erreur doit être corrigée. Par les travaux pratiques les élèves découvrent leurs dons manuels et peuvent les développer. La tête, le cœur et la main, voilà la devise du grand pédagogue suisse Heinrich Pestalozzi. Malheureusement, la main s’est atrophiée dans notre système d’enseignement excessivement intellectualisé.
  5. Halte à la réformite. Suppression des notes, introduction de langues étrangères supplémentaires ou modèle scolaire « intégratif » qui serre tous les élèves, même ceux ayant de gros problèmes, dans une même classe: de nombreux problèmes actuels de l’école sont la conséquence de mauvaises réformes. Il est temps de stopper ce développement. Les enseignants souhaitent eux aussi pouvoir se consacrer à nouveau à leurs tâches essentielles.
  6. Formation des enseignants basée sur les réalités de la vie. Aujourd’hui des universitaires forment des universitaires censés devenir des enseignants. C’est une des raisons qui expliquent pourquoi le monde professionnel et le monde pédagogique s’entendent de moins en moins bien et pourquoi l’enseignement des écoles passe à côté des besoins du monde professionnel.
    L’apprentissage d’enseignant serait une bonne alternative au système actuel qui est excessivement dirigée vers la formation universitaire.
  7. Renforcer le profil suisse. La Suisse n’a pas à chercher à imiter des modèles de formation étrangers. La centralisation de l’instruction publique comme en France est certainement une mauvaise solution. Les réformes socialistes comme le modèle d’enseignement intégratif sont condamnés à l’échec. Le fort chômage des jeunes dans les pays voisins illustre clairement l’effet nocif de la tendance à « universitariser » la formation professionnelle. Il faut donc absolument stopper ce développement chez nous.
    Renforcer le profil suisse, c’est renforcer le système de formation professionnelle duale basée sur des apprentissages dans l’entreprise. La formation professionnelle suisse est axée sur les besoins du monde professionnel. Une standardisation internationale doit donc être refusée.

La souveraineté scolaire des cantons est une autre caractéristique suisse. Plus la responsabilité est proche des citoyens, meilleur est le contrôle. Ce système permet de corriger des caps mal pris. C’est grâce à des votations populaires que le principe des notes a été réintroduit et que des réformes débordantes ont été stoppées.

Il faut enfin placer au cœur de l’école les valeurs qui ont fait de la Suisse un des pays les plus performants du monde: le sens de la qualité, la volonté à l’effort et la recherche de la perfection.

Peter Keller
Peter Keller
Secrétaire général adjoint Hergiswil (NW)
 
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