Le jeu d’enfant bien connu "qui a peur du méchant loup" semble bénéficier d’un succès croissant dans les milieux politiques depuis que l’UDC a lancé son initiative pour l’élection du Conseil…
Le jeu d’enfant bien connu "qui a peur du méchant loup" semble bénéficier d’un succès croissant dans les milieux politiques depuis que l’UDC a lancé son initiative pour l’élection du Conseil fédéral par le peuple. Il suffit de remplacer le mot "loup" par "peuple" et déjà les élites de ce pays se mettent à trembler. Toutes celles et tous ceux, qui proclament à chaque occasion leur fierté de la démocratie directe et leur profond attachement aux droits du peuple, froncent les sourcils quand il s’agit d’appliquer rigoureusement ce principe et de faire élire le Conseil fédéral par le peuple, donc par le souverain.
Et ils ne manquent pas d’argument pour s’opposer à cette idée. On ne peut pas tout simplement remettre en question un système qui a fait ses preuves, répètent-ils. Une élection du Conseil fédéral par le peuple deviendrait une pure affaire d’argent. Les conseillers fédéraux perdraient du temps à soigner leur image en vue des prochaines élections. Le Parlement serait affaibli et la représentation des minorités linguistiques, notamment celle des Tessinois ne serait plus possible.
Que l’élection du Conseil fédéral par le peuple mettrait fin aux jeux des intrigants durant les longues nuit des courts couteaux, que l’on cesserait enfin d’élire les plus grises parmi les souris grises, cela, ces politiques tellement inquiets du bon fonctionnement du gouvernement ne l’avoueront bien sûr jamais.
Ces mêmes milieux passent également sous silence qu’un gouvernement élu par le peuple aurait une plus grande légitimité et que sa position serait considérablement renforcée pour le bien du pays tant vers l’intérieur que vers l’extérieur.
Les adversaires de l’initiative affirment encore, sans le dire trop fort, que le peuple réagit de manière plus irrationnelle et plus émotionnelle que le Parement, si bien qu’il élirait des personnalités louches au Conseil fédéral. Cet argument grotesque est avancé à chaque fois que le peuple – "ce grand garnement" comme l’écrit Heinrich Heine – s’intéresse de trop près aux actions des puissants. Ses auteurs préfèrent bien sûr ignorer que les gouvernements de tous les cantons et de toutes les communes de Suisse sont élus par le peuple et ne fonctionnent pas moins bien de ce fait que l’exécutif fédéral.
Un gouvernement ne doit pas seulement plaire au peuple, mais aussi prendre des décisions impopulaires, nous dit-on ensuite. C’est sans doute vrai, mais un gouvernement a avant tout le devoir d’appliquer aussi fidèlement que possible la volonté du peuple, donc du souverain.
En cas d’élection du Conseil fédéral par le peuple, la scandaleuse inaction de Madame Widmer-Schlumpf dans la défense de la place financière suisse ne serait pas restée sans conséquence et Madame Sommaruga aurait depuis longtemps appliqué l’initiative sur le renvoi et corrigé le laisser-aller qui marque le secteur de l’asile.
Dans le système actuel, ce gouvernement peut s’offrir le luxe de reporter aux calendres grecques les objets qui lui déplaisent. Il ne risque en effet pas de sanctions de la part d’un parlement complaisant.
L’allégation selon laquelle l’argent jouerait un rôle essentiel dans une élection populaire est, ni plus, ni moins, une injure à l’égard de nos concitoyens et l’expression d’un profond mépris de leur capacité de jugement.
L’absurdité de cet argument est confirmée par les dernières élections cantonales valaisannes où le candidat de l’UDC a réalisé sans coup férir le meilleur résultat au premier tour et même progressé de 5% au deuxième tour alors que la participation avait baissé.
Quelles étaient les conditions financières dans cette élection?
Mon concurrent direct des rangs du PLR disposait de 300 000 francs pour le premier tour alors que mes moyens se limitaient à 50 000 francs. Le résultat final n’a évidemment aucun rapport avec les fonds disponibles.
L’argent ne semble pas être une recette-miracle, pas plus en politique que dans d’autres domaines.
Imaginez que le Conseil d’Etat valaisan soit élu par le Parlement. Quelles auraient été mes chances, croyez-vous?
Les petits copains politiquement sur-corrects se seraient fidèlement distribué le pouvoir entre eux et aurait su faire obstruction à l’arrivée d’un empêcheur de tourner en rond.
Mais dès que le peuple se met à table, la soupe est plus goûteuse, les bons vieux copinages se défont et un vent frais se met à souffler.
Ce même constat a pu être fait le weekend dernier à Neuchâtel où Yvan Perrin a conquis la troisième place et sera sans doute confirmé lors du deuxième tour le dimanche de Pentecôte. Il n’aurait certainement pas obtenu ce même succès devant le Parlement et l’incompétente équipe PLR aurait été confirmée dans ses fonctions.
Ces dernières élections cantonales du Valais et de Neuchâtel indiquent aussi que le peuple est parfaitement prêt, même dans une élection au système majoritaire, à élire des personnalités marquantes des rangs de l’UDC. Cette remarque pour calmer les esprits inquiets craignant qu’en cas d’élection du Conseil fédéral par le peuple l’UDC n’obtienne plus un seul siège.
Pour terminer, permettez-moi d’aborder brièvement le thème du Tessin et de la présence francophone au gouvernement. En cas d’élection du Conseil fédéral par le peuple, les candidats seraient comme aujourd’hui présentés par les partis, en l’occurrence par leurs assemblées des délégués. Ces dernières ne renonceraient certainement pas, comme jusqu’ici, à présenter un homme politique d’exception, qu’il soit francophone ou italianophone. Ce qui est certain, en revanche, c’est que la probabilité, que le peuple confirme globalement cette présélection des partis, augmenterait massivement. Le peuple n’élirait pas un candidat sortant du néant du jour au lendemain comme ce fut le cas en 2007 lorsque le jeu d’intrigues de la nuit précédente a conduit à l’élection d’une Evelyne Widmer-Schlumpf totalement inconnue à Berne, au point qu’il a fallu expliquer à certains conseillers nationaux comment s’écrit son nom.
Personne ne doit expliquer au peuple que Perrin s’écrit avec deux "r" et que Freysinger prend un "y". De toute manière, le souverain ne se laisser pas facilement tromper comme l’ont montré clairement quelques votations de ces dernières années. Et pourquoi un peuple habitué à trancher des questions fiscales et financière complexes n’aurait-il pas la compétence de prendre des décisions personnelles importantes?
Celles et ceux qui rechignent à donner ce droit au peuple craignent sans doute avant tout pour la conservation de leur propre pouvoir au gouvernement, un pouvoir plus facilement assuré dans un petit cercle qu’auprès de l’arbitre suprême, le peuple!
Voilà pourquoi toutes celles et tous ceux qui font confiance à eux-mêmes et au souverain peuvent tranquillement déposer un OUI dans l’urne le 9 juin pour l’élection du Conseil fédéral par le peuple.