Retour à plus de diversité et de liberté dans la Suisse médiatique
Je le dis sans ambages: la SSR a d’excellents journalistes et d’excellents programmes. Durant mes trente années professionnelles, j’ai connu des collègues brillants au sein de tous les secteurs de la SSR. Enfant et écolier j’ai grandi avec les programmes de la SSR qui ont renforcé l’identité suisse, même quand ils m’ont affreusement énervé – et tel est encore le cas aujourd’hui. Comme les CFF et la Poste, la SSR fait à juste titre partie des institutions à l’honneur chez les Suissesses et les Suisses. Cela est incontestable.
Mais il est tout aussi incontestable que la SSR est partie sur une mauvaise pente. Elle est devenue trop grande et trop puissante. Elle a quitté ses canaux terrestres originaux pour s’étaler dans le numérique. Elle braconne sur internet avec des offres d’informations comme une entreprise médiatique privée. Elle a massivement étendu son offre de programmes dans des domaines où les médias travaillent tout aussi bien qu’elle, voire mieux. Elle touche aujourd’hui des redevances obligatoires semblables à des impôts même de la part de gens qui ne consomment pas ses programmes. Et, pour couronner le tout, elle a fondé avec Swisscom et Ringier une société de commercialisation publicitaire politiquement contestable qui mélange de manière malsaine le domaine de droit public avec le secteur privé.
Cette mégalomanie très peu suisse commence à boucher la vue des responsables de la SSR. Pour son directeur général Roger de Weck la SSR n’est plus depuis longtemps une organisation bénéficiant d’une concession de l’Etat pour produire des informations que le marché libre n’offre pas. Comme nous avons pu le lire dans une presse dominicale heureusement encore privée, Monsieur de Weck considère la SSR comme une institution morale, comme le dernier bastion du journalisme de qualité alors que les maisons d’édition privées n’en sont plus capables ou sont tombées sous la coupe du sinistre milliardaire de Herrliberg avec lequel de Weck entretient une relation traumatisante pour lui comme en témoignent ses éditoriaux.
Mais ce n’est pas tout: le directeur général de la SSR voit son entreprise de radiodiffusion engagée dans une sorte de guerre mondiale contre les superpuissances américaines Facebook et Google. Comme il l’affirme dans d’innombrables prises de position publiques, il se bat avec son SSR pour l’identité nationale, pour assurer la cohésion de la Suisse face aux puissances destructrices de l’étranger. La SSR est pour Monsieur de Weck l’arme décisive d’une nouvelle défense nationale spirituelle, une sorte de forteresse qui nous protège contre les géants d’internet de la Silicon Valley.
Mesdames et Messieurs, il est révélateur, bien que passablement ridicule, qu’un internationaliste affiché et partisan fanatique de l’adhésion à l’UE comme Roger de Weck se fait comme chef de la SSR le prêcheur du bétonnage national, du réduit national suisse contre les prétendues puissances ruineuses de l’étranger. Ce que vise Monsieur de Weck, c’est par exemple un émetteur de l’unité nationale du type "Depuis 6 heures ce matin une fanfare de l’armée nous joue de la musique militaire", une conception qui rappelle davantage des systèmes autoritaires qu’une démocratie pluraliste, vivante et ouverte au monde.
Ce développement est complètement faux. Comme entrepreneur médiatique privé qui agit depuis plusieurs années avec succès sur ce marché, j’ai intérêt à pouvoir travailler sur un marché libéral et raisonnable du point de vue politique. Or, la vérité est que nous nous éloignons de plus en plus d’une telle situation pour nous approcher de conditions marquées par l’économie d’Etat, même si le directeur général de la SSR et ses acolytes refusent de l’admettre.
L’UDC n’est pas seule à constater que la SSR exagère. D’autres partis bourgeois sont du même avis. Nous ne voulons pas supprimer la radiodiffusion de droit public, mais nous voulons la dompter, la cadrer et la faire revenir au rôle qui est le sien. Je soutiens ces propositions et j’estime particulièrement important de fixer des limites en termes de publicité à une SSR financée par des prélèvements obligatoires analogues à des impôts et disposant d’un budget garanti par la loi de 1,2 milliard de francs par an.
Deuxièmement, il n’est pas tolérable que la SSR sorte soudainement de ses canaux habituels pour s’étaler dans internet. La fixation de limites à ce niveau est nécessaire et utile – tant en ce qui concerne la publicité que les contenus. Il doit être interdit à la SSR de faire des offres semblables à celles de la presse. Troisièmement enfin le mandat de « service public » doit être défini avec précision. Aujourd’hui j’ai la très nette impression que pour Roger de Weck tout ce que fait la SSR est du « service public ». Cette extension arbitraire de la notion de « service public » est en opposition avec le concept d’une SSR financée par les redevances. Il faut fixer des lignes directrices politiques claires et nettes dans ce domaine.
Les institutions pilotées par l’Etat comme Swisscom, la Poste et autrefois aussi la SSR jouissent à juste titre d’une bonne réputation. En Suisse, les exploitations appartenant à l’Etat ou proches de celui-ci ont jusqu’ici toujours su faire preuve de sens de la mesure. La SSR, en revanche, recherche systématiquement une croissance démesurée, ce qui est une attitude très peu suisse. J’invite tous les milieux intéressés à une Suisse médiatique libérale à ouvrir ce débat et à prendre les mesures correctives qui s’imposent. Cet appel s’adresse notamment à vous, Mesdames et Messieurs et chers Collègues des médias privés. Vous savez comme moi que l’allégation selon laquelle seule la SSR est capable de produire un journalisme de qualité est fausse. Vous en êtes parfaitement capables vous aussi. Et pour que cela reste ainsi nous devons rétablir des conditions libérales et libres sur le marché.