éditorial

Coups de poignard dans le dos au Conseil fédéral

Un bouc émissaire a été rapidement trouvé dans l’affaire libyenne: le conseiller fédéral Hans Rudolf Merz est accusé d’avoir fait du tort à la Suisse, et même de plusieurs façons. La liste des…

Un bouc émissaire a été rapidement trouvé dans l’affaire libyenne: le conseiller fédéral Hans Rudolf Merz est accusé d’avoir fait du tort à la Suisse, et même de plusieurs façons. La liste des critiques est longue. On peut sans doute faire quelques reproches au président de la Confédération dans cette affaire, mais cette dernière jette surtout une lumière crue sur les insuffisances du collège gouvernemental. Et la ministre des affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, y joue un rôle particulièrement trouble.

Pourquoi n’intervenez-vous pas de manière plus musclée? Pourquoi ne critiquez-vous pas plus sévèrement les manigances de Kadhafi? Pourquoi ne demandez-vous pas immédiatement la démission de Hans Rudolf Merz? Voilà quelques questions et exhortations parmi beaucoup d’autres que le secrétariat général de l’UDC a reçues la semaine dernière par téléphone et courriel. Manifestement, l’opinion populaire est en ébullition. Or, nous avons volontairement fait preuve de réserve ces derniers jours. Les efforts visant à faire libérer les deux hommes d’affaires suisses retenus en Lybie sont aussi conditionnés par des signaux politiques venant de Suisse. Et nous savons que la Lybie observe attentivement la manière dont ce thème est traité au niveau public suisse. La politique est parfois compliquée.

Le Conseil fédéral est-il encore apte à agir?
En réalité, l’affaire libyenne concerne de moins en moins le conseiller fédéral Merz tout seul et de plus en plus le gouvernement dans son ensemble. Depuis la rentrée estivale, le Conseil fédéral a complètement perdu les pédales. Trois conseillers fédéraux à la fois se sont pressés devant les micros après la première séance gouvernementale de la rentrée pour annoncer la signature de l’arrangement avec les Etats-Unis dans l’affaire UBS. Cette manière de faire indique toujours que le Conseil fédéral était divisé quant à la personne à désigner pour annoncer la bonne nouvelle. A l’inverse, certains conseillers fédéraux se sont fait célébrer individuellement dans les médias. On s’est félicité mutuellement; tout le monde il était beau et gentil. Mais il a suffi que Hans Rudolf Merz s’envole vers la Libye et que les choses ne se déroulent pas exactement comme prévu pour que les poignards sortent des fourreaux et soient enfoncés dans le dos du collègue. Les conseillères fédérales Eveline Widmer-Schlumpf et Micheline Calmy-Rey se sont publiquement distancées de leur collègue, la seconde semble-t-il avec des méthodes particulièrement sournoises. Mais que se passe-t-il dans ce Conseil fédéral?

Toujours Calmy-Rey
Réagissant toujours de manière très sensible aux prétendues violations de la collégialité et n’hésitant pas à lancer le Ministère public de la Confédération contre des collègues, Micheline Calmy-Rey a elle-même une curieuse conception de cette collégialité. Si effectivement des SMS ont été envoyés de son département à des journalistes pour ridiculiser Hans Rudolf Merz pendant la conférence de presse, ce serait proprement inacceptable. Cela dit, l’activisme de Calmy-Rey a de bonnes raisons. Il sert surtout à détourner l’attention des échecs de la conseillère fédérale. Sous sa conduite la diplomatie suisse a été massivement dévalorisée. Sa « politique extérieure active » a gravement nui au rôle de médiateur impartial que la Suisse a pu assumer grâce à des années de patient travail diplomatique. Par sa faute, la Suisse doit essuyer des reproches de partialité dans des régions en crise, comme par exemple au Proche-Orient. C’est dire que la Suisse n’y a plus voix au chapitre. L’enthousiasme avec lequel Calmy-Rey pousse la Suisse à se mêler des affaires d’autres pays et son acharnement à faire intervenir l’armée suisse hors des frontières agacent à l’étranger et provoquent des tensions politiques en Suisse.

La faiblesse de la diplomatie suisse – confirmée une fois de plus par l’affaire libyenne – est aussi le résultat d’une désastreuse politique du personnel et d’une conduite totalement incompétente de l’administration. Le copinage et le favoritisme qui règnent dans les domaines diplomatique et consulaire affaiblissent la capacité d’intervention de nos représentations à l’étranger. Par ses restructurations sans méthode, la conseillère fédérale a, par exemple, réussi à mettre sur la touche l’autrefois puissante Direction de la coopération et du développement. Le bilan de Calmy-Rey est maigre. Sur le site internet du DFAE on voit au premier plan une photo montrant la conseillère fédérale en compagnie de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton. Une rencontre qui n’a eu d’autre effet que d’enrichir l’album de photos personnel de Calmy-Rey.

Conclusion: avant de réclamer bruyamment la démission de Merz, on ferait mieux de s’interroger sur l’aptitude de Madame Calmy-Rey à exercer la fonction de ministre des affaires étrangères.

 
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