éditorial

Le mensonge de Dublin

Un drame se déroule actuellement en politique d’asile suisse. Alors qu’il n’est plus possible depuis quelques semaines de renvoyer des requérants d’asile en Grèce, cette situation semble se…

Martin Baltisser
Martin Baltisser
(AG)

Un drame se déroule actuellement en politique d’asile suisse. Alors qu’il n’est plus possible depuis quelques semaines de renvoyer des requérants d’asile en Grèce, cette situation semble se renouveler avec l’Italie où la Suisse ne peut reconduire qu’un très petit nombre de requérants – et cela bien que les demandes de ces personnes doivent être traitées dans le premier pays d’accueil conformément à l’accord de Dublin. Des représentants des cantons viennent de confirmer pour la première fois ce fait. Depuis quelque temps déjà des rumeurs concernant les difficultés d’application des règles de Schengen se font de plus en plus insistantes à la Berne fédérale. De toute évidence, le Conseil fédéral a volontairement refusé d’informer la population sur ces problèmes. Rien d’étonnant dans ces conditions de voir la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et ses fonctionnaires chercher des locaux en Suisse pour recevoir l’éventuel afflux de personnes en provenance d’Afrique du nord. Et par la même occasion, ces milieux se font très discrets concernant l’application de l’accord de Dublin et le prétendu renvoi des requérants dans le pays du premier accueil.

On se rappelle que l’accord de Dublin, parallèlement à celui de Schengen, avait été glorifié comme un important acquis pour la Suisse. En vertu de ce traité, il incombe au pays, par lequel le requérant est entré en Europe, de traiter la demande d’asile de celui-ci. Ainsi, la Suisse pourrait sans grande procédure renvoyer une foule de requérants vers d’autres pays et ainsi se décharger. C’est du moins ce qui avait été promis à l’époque pour appâter le bon peuple. Il s’avère aujourd’hui que ces promesses n’étaient que de l’air. Le 26 janvier 2011, l’Office fédéral des réfugiés a dû annoncer qu’en raison de la « situation insatisfaisante » en Grèce il ne serait plus possible d’appliquer la procédure de Schengen avec cet important pays d’accueil de requérants d’asile. Le 13 janvier 2011, ce même office avait encore affirmé triomphalement dans sa statistique d’asile 2010 que « la collaboration avec les Etats participant à l’accord de Dublin fonctionne bien ».

Et maintenant l’Italie
Une débâcle semblable se déroule aujourd’hui en Italie, et cela juste à la veille d’importants afflux de réfugiés attendus d’Afrique du Nord. Ce weekend, des représentants ont dévoilé la vérité: aujourd’hui déjà, l’accord de Dublin « ne fonctionne pas correctement » avec l’Italie, a admis la présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police. L’Italie ne reprend qu’un très petit nombre de personnes. Les vols spéciaux ne sont plus acceptés. Ainsi, l’accord de Dublin est pratiquement aboli pour le deuxième axe central emprunté par les requérants d’asile pour arriver en Suisse. Des rumeurs circulaient depuis plusieurs semaines déjà à la Berne fédérale concernant les problèmes rencontrés dans l’application du traité de Dublin. La vérité vient d’éclater au grand jour et il est évident que le Conseil fédéral en était informé depuis quelque temps déjà. Cependant, les principaux responsables ont sciemment retenu ces informations. Un authentique scandale.

La conclusion à tirer de cette lamentable affaire est claire: la politique d’asile suisse de ces dernières années reposait sur des illusions. Des promesses excessives et intenables ont été faites au peuple suisse avant la votation sur les accords Schengen/Dublin. Le traité de Dublin n’a plus aucune valeur. Pour la Suisse, cela signifie tout simplement qu’elle doit mettre fin le plus rapidement possible à l’aventure Schengen et contrôler à nouveau elle-même ses frontières.

Martin Baltisser
Martin Baltisser
(AG)
 
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