L’arrêté fédéral sur la politique familiale est un projet dont les conséquences sont difficilement perceptibles. Jusqu’à présent, c’était clair : la famille est une affaire privée. La…
L’arrêté fédéral sur la politique familiale est un projet dont les conséquences sont difficilement perceptibles. Jusqu’à présent, c’était clair : la famille est une affaire privée. La responsabilité de l’éducation et des soins aux enfants incombe aux parents. Ils ont des droits et des devoirs spécifiques. En cas de problème, les premières responsables sont les communes, dans lesquelles des commissions des affaires sociales traitent les différents besoins. Il existe ci et là des actes juridiques cadres cantonaux. L’article proposé change la donne : les affaires familiales seront déclarées affaires fédérales. À première vue, le projet paraît sympathique et inoffensif : qui ne souhaite pas que la Confédération tienne compte « des besoins des familles » ? Ne devrait-il pas être possible de combiner obligations familiales et activité lucrative ?
Or ce n’est pas de cela qu’il s’agira le 3 mars. Ce qui semble concis est en réalité dangereux et cher : l’arrêté fédéral dont il est ici question vise à étendre considérablement l’État social. Les nouvelles compétences de la Confédération, de grande envergure, se révèleront onéreuses pour les contribuables : le nombre de droits pouvant être dérivés du nouvel article constitutionnel est si important que les conséquences financières prendront une ampleur insoupçonnée.
L’État s’occupe de tout
On se demande, à juste titre, ce qui est encore privé de nos jours. La loi réglera bientôt jusqu’au moindre recoin de notre vie privée. On s’aperçoit que des domaines relevant autrefois strictement de la vie familiale passent sous la compétence des organes étatiques. Que vaut aujourd’hui la protection de la vie privée et familiale, telle qu’elle est garantie par notre Constitution fédérale ? Le difficile équilibre entre liberté et sécurité est ici flagrant. Autrefois, les libertés garanties par la loi étaient perçues comme des droits de défense contre les ingérences étatiques. La société de confort actuelle se caractérise cependant par une mentalité de plus en plus revendicatrice. Ainsi, la liberté des médias n’est plus vue comme une protection contre les interventions étatiques visant la presse et la télévision mais comme un mandat de prestations adressé à l’Etat, sous le titre de « service public », l’obligeant à mettre à disposition des programmes aussi complets que possible. À croire que le meilleur moyen de protéger la liberté personnelle serait que l’État prenne le plus grand nombre possible de décisions à la place des citoyens. Dans les domaines du sport, de la culture et de la religion, les services étatiques ont également une influence croissante. Grâce à des flux financiers importants, personne ou presque ne proteste contre les ingérences croissantes des fonctionnaires. Et maintenant, on voudrait même faire de la famille une affaire d’État.
La prise en charge globale des individus par l’État semble être devenue l’idée directrice de l’État-providence. Pour veiller au bien-être des tout-petits, l’État devrait à l’avenir mettre à disposition une « offre appropriée de structures d’accueil extrafamiliales et extrascolaires ». La Confédération veut en outre définir les « principes applicables à la promotion de mesures permettant de concilier vie de famille et exercice d’une activité lucrative ». Les conséquences financières de l’article sur la famille sont graves. Si les instances de l’ONU recommandent de dépenser un pour cent du produit intérieur brut pour la prise en charge extrafamiliale des enfants en âge préscolaire, cela représente pour la Suisse une charge financière de 5,5 milliards de francs. Nous dépensons à ce jour environ un cinquième de ce montant. Mais la formation, la prise en charge et l’éducation des enfants doivent-elles vraiment être totalement réglées par l’État ? La bureaucratie étatique croissante dans le domaine familial est malsaine, si ce n’est absurde. Nous ne nous souvenons que trop bien de l’obligation de requérir une autorisation pour garder des enfants. Si le Département de la justice était alors parvenu à s’imposer, l’accueil des enfants serait aujourd’hui réglé jusqu’au moindre détail : les voisins, les amis, les oncles et les tantes auraient besoin d’une autorisation étatique pour pouvoir surveiller régulièrement leurs nièces et neveux ou les enfants des voisins. Ce n’est qu’après le tollé provoqué que le DFJP a finalement retiré l’ordonnance correspondante. Et on voudrait poursuivre sur la même voie.
La bureaucratie étatique empêche beaucoup de choses. Si des crèches privées ne sont pas construites, la raison n’est souvent pas à rechercher dans un manque de volonté entrepreneuriale. Ce sont plutôt des charges légales exagérées, une attitude bureaucratique des services compétents, sans oublier les restrictions à la concurrence provoquées par les crèches étatiques subventionnées, qui vouent les initiatives privées à l’échec. Une dérégulation apporterait davantage aux familles que de nouveaux articles de loi.
Les politiciens veulent légiférer
Depuis des siècles, nous combattons le même mal fondamental : lorsque les politiciens veulent agir, ils font des lois. Cela permet de montrer aux électeurs qu’on n’est pas resté les bras croisés. C’est également dans ce contexte que s’explique l’histoire de l’article sur la famille : parce que les parlementaires voulaient « améliorer la situation » ils ont « étoffé la Constitution d’un nouvel article ». Nombre d’entre eux n’avaient pas idée des conséquences financières, de la restriction de la sphère privée et de la centralisation croissante que cela représentait. Albert Einstein aurait dit un jour : « Pour être un membre irréprochable d’un troupeau de moutons, il faut avant tout être un mouton. » Ceux qui ont cette vision d’avenir pour la Suisse pourront voter oui le 3 mars. Mais ceux qui veulent protéger la famille et qui tiennent à notre système étatique basé sur la responsabilité individuelle et des structures décentralisées voteront non à l’article sur la famille. L’accroissement massif de l’État social et ses onéreuses conséquences sont une voie erronée, que nous ne nous aventurerons pas à prendre.