Le procédé de l’administration fédérale des finances qui consiste à modifier le dossier de consultation peu après l’avoir envoyé aux milieux consultés et de ne pas distribuer encore une fois la…
Rapport explicatif concernant l’application des recommandations révisées du Groupe d’action financière sur la lutte contre le blanchiment de capitaux (GAFI)
Remarque préliminaire
Le procédé de l’administration fédérale des finances qui consiste à modifier le dossier de consultation peu après l’avoir envoyé aux milieux consultés et de ne pas distribuer encore une fois la version corrigée est proprement inadmissible aux yeux de l’UDC. Il n’est pas acceptable que des textes mis en consultation soient discrètement modifiés après coup. L’UDC est d’ailleurs intervenue à ce propos auprès de la Chancellerie fédérale.
L’UDC rejette la proposition d’application des recommandations révisées du GAFI. Il s’agit d’une action totalement déplacée et témoignant d’une attitude d’obéissance anticipée à l’égard de directives internationales. La place financière suisse en subirait de graves inconvénients. Avec cette proposition, le Département fédéral des finances dépasse largement l’objectif visé en se soumettant par avance à des directives internationales qui ne sont même pas encore appliquées au niveau international.
I. Remarques générales
L’activisme du Département fédéral des finances ne manque pas de nous inquiéter. Depuis quelque temps, ce département multiplie les procédures de consultation (par exemple, la création de la FINMA et des moyens de sanction qui en découlent) sous le prétexte de lutter contre les abus et de renforcer la surveillance du secteur financier. Le fait est que ces projets ont tous pour effet de restreindre massivement la liberté d’action de la place financière suisse. L’UDC soutient évidemment la lutte contre les abus et, plus particulièrement, contre le blanchiment d’argent sale. Cette surveillance permet d’assurer l’intégrité du secteur financier helvétique. Toutefois, cette intervention de l’Etat doit être utile à une place financière qui est d’une importance centrale pour l’économie du pays et ne pas viser à sur-réglementer ces activités. Or, les propositions faites ces derniers temps en matière de législation financière semblent plutôt servir l’administration que le secteur financier.
Aujourd’hui déjà, la branche financière est la plus réglementée de toute l’économie suisse. Les fournisseurs de prestations financières font dans leur propre intérêt de gros efforts pour empêcher des abus de toutes sortes. Nous avons en Suisse des organisation d’auto-réglementation performantes qui fonctionnent à la satisfaction des investisseurs et qui leur offrent une protection maximale. Rien ne justifie donc pour le moment une nouvelle intervention de l’Etat sous la forme d’une réglementation qui restreint encore la liberté d’action des fournisseurs de prestations financières. Si la Suisse veut continuer de disposer d’une des places financières leaders dans le monde, la politique doit au contraire s’efforcer d’accroître la marge de manœuvre des instituts financiers. Or, le Département fédéral des finances fait exactement l’inverse en publiant au rythme de deux fois l’an sous le prétexte fallacieux de la lutte contre les abus des projets de loi qui lient les mains des fournisseurs de prestations financières et qui compromettent la compétitivité de la place financière suisse par rapport à ses concurrentes internationales. En analysant de plus près ce zèle régulatoire, on arrive forcément à la conclusion que le DFF cherche avant tout à augmenter les rentrées fiscales et que l’exploitation de nouvelles ressources fiscales compte davantage pour lui que la pérennité d’une économique financière florissante et la sphère privée des citoyens honnêtes.
La lutte contre le blanchiment d’argent d’origine criminelle est d’une importance capitale pour la Suisse. Des efforts considérables ont été entrepris dans ce secteur ces dernières années et d’importants projets de loi ont été mis en place. Cette évolution est salutaire aux yeux de l’UDC. Toutefois, la lutte contre le blanchiment d’argent sale doit assurer le bon fonctionnement de la place financière en empêchant les abus et non pas en restreignant la liberté des citoyens honnêtes. Le projet mis en consultation menace d’entraver le fonctionnement de la place économique suisse à tel point que celle-ci perdrait sa compétitivité par rapport à ses concurrentes étrangères. En soupçonnant d’emblée tout le secteur financier et les branches annexes de blanchir de l’argent d’origine criminelle, le législateur impose des réglementations aussi onéreuses que rigides. Ce développement doit être évité à tout prix. Comme cela est d’ailleurs écrit dans le dossier mis en consultation, la Suisse a déjà fortement progressé dans l’application des lignes directrices du GAFI. Aucune place financière importante au monde n’est soumise à des instruments de contrôle contre les abus aussi sévères que celle de la Suisse. Alors que la Suisse s’apprête déjà à traduire dans la loi les directives GAFI révisées, ses concurrentes directes comme, par exemple, le Luxembourg n’ont même pas encore appliqué les directives GAFI originales. Aussi, tout durcissement à l’heure actuelle de la législation suisse contre le blanchiment d’argent sale aurait-il pour principal effet de défavoriser la Suisse par rapport à ses concurrentes.
Les principaux concurrents de la Suisse au sein de l’UE mettront encore plusieurs années pour appliquer les directives GAFI. Pour l’UDC, il est dès lors totalement déplacé d’appliquer par anticipation des règles en Suisse dont on ne sait même pas si elles vont effectivement être concrétisées sur le plan international. L’UDC demande donc au Département fédéral des finances de commencer par présenter une vue d’ensemble de l’application des directives GAFI (les directives originales et les directives révisées) au niveau international, puis de présenter un projet d’application en Suisse qui tienne compte aussi bien des besoins du secteur financier helvétique que des éventuels engagements internationaux de la Confédération. Dans tout les cas, il est totalement aberrant de vouloir imposer des réglementations qui dépassent les directives GAFI. Ce procédé est inutile et constitue une discrimination volontaire du secteur financer suisse par rapport à ses concurrents.
II. Principales critiques apportées au projet mis en consultation
Aucune nécessité d’intervenir
Il n’y a aucune raison valable d’intervenir aujourd’hui, car la Suisse est très avancée, en comparaison internationale, dans l’application de mesures contre les abus et la place financière suisse est plus active que n’importe laquelle de ses concurrentes étrangères dans le combat contre le blanchiment d’argent d’origine criminelle. La Suisse peut parfaitement se permettre d’attendre quelques années sans pour autant prendre du retard sur les autres places financières en termes de lutte contre le blanchiment.
Zèle excessif des autorités
Dans certains domaines, le projet mis en consultation va même plus loin que les directives GAFI révisées . Ces excès bureaucratiques sont totalement inutiles et affaiblissent la place financière suisse. L’UDC demande que l’autorité régulatrice se limite à édicter des règles cadres pour le bon fonctionnement du marché financier et qu’il renonce à toutes les interventions qui restreignent inutilement les acteurs suisses sur ce marché.
Peines à inscrire dans le CPS et non dans le droit administratif
Le projet mis en consultation mélange de manière problématique les normes pénales et administratives. Il n’est pas acceptable de préciser des normes pénales vagues par des normes relevant du droit administratif. Aussi, les dispositions concernant la contrebande organisée doivent-elles être révisées au niveau du Code pénal suisse (CPS) et non pas dans le droit administratif. Cela dit, on n’est guère surpris de voir le DFF, lui-même autorité administrative, tenter ainsi d’élargir ses compétences. Dans l’intérêt d’une législation pénale uniforme et transparente, les normes pénales doivent être fixées dans le droit pénal et non pas dans le droit administratif.
Onéreuse sur-réglementation
Contrairement à ce qui est dit dans le dossier de consultation, ce projet entraîne des coûts supplémentaires pour le secteur financier. Les importantes dépenses de contrôle imposées aux intermédiaires financiers par une législation helvétique de plus en plus tatillonne vont encore augmenter et défavoriser le secteur financier suisse par rapport à ses concurrents étrangers. L’UDC s’oppose à toute charge supplémentaire imposée aux fournisseurs de prestations financières et demande que les acteurs financiers suisses soient placés sur pied d’égalité par rapport à leurs principaux concurrents étrangers.
Solution inutile et impraticable pour assurer la transparence des actions au porteur
La solution proposée concernant les actions au porteur dépasse aussi largement l’objectif visé. Les directives GAFI visent les sociétés de domicile. Or, la législation suisse en vigueur tient largement compte du risque d’abus représenté par ces sociétés en imposant – contrairement à de nombreuses places financières concurrentes plus libérales en la matière – la déclaration de l’identité des ayants droit économiques de la fortune déposée par la société de domicile. Il ne faudrait tout de même pas que le projet d’obliger les actionnaires dominants de s’enregistrer contraigne les fournisseurs de prestations financières, qui entretiennent des relations commerciales avec de telles sociétés anonymes, à inscrire dans leurs documents d’identification également les conditions de propriété de ces clients.
Contradiction entre l’obligation administrative d’annoncer et les dispositions pénales en la matière
Il ne faut pas que l’extension prévu du catalogue des délits antécédents en matière d’abus sur les marchés financiers – soit notamment le délit d’initié et les manipulations des cours – impose des charges disproportionnées aux fournisseurs de prestations financières. Or, ce risque est réel, malgré la limitation de l’obligation d’annoncer aux délits qualifiés. Il y a en effet de fortes chances pour que cette législation débouche sur de nouvelles tâches de surveillance et de diligence. Le commentaire qui accompagne le projet mis en consultation tente certes de dissiper ces craintes, mais l’argumentation avancée est plutôt lacunaire.
Premièrement, l’article 8 de l’ordonnance contre le blanchiment d’argent sale ne concerne pas le contrôle « ex ante » des transactions, mais vise un instrument informatique pour permettre l’identification « ex post » dans les cas de transactions sortant de l’ordinaire. Deuxièmement, les explications données par le DFF ne mentionnent même pas les effets de la réforme proposée sur l’obligation des banques de caractériser et de surveiller plus étroitement les relations commerciales présentant un risque accru. En particulier, la tentative de suspendre, partiellement du moins, le devoir de diligence et de surveillance renforcées face à des risques accrus par le biais de ce projet est complètement déplacée. Dans le système suisse d’une surveillance dual des banques il est encore plus nécessaire que dans d’autres systèmes d’imposer des règles claires et nettes aux niveaux de l’ordonnance et de la loi.
Conformément à l’article 9 LBA, les intermédiaires financiers doivent donc être libérés de l’obligation d’annoncer lorsque l’autorité compétente a ouvert une enquête. De plus, il est important que les intermédiaires financiers ne soient contraints d’ouvrir une procédure d’examen en cas de délit d’initié potentiel et d’annoncer un éventuel délit que dans des cas précisément défini par le législateur. Enfin, il faut que seuls les titres échangés dans les bourses suisses – aussi dans le commerce international – soient concernés par ces dispositions.
Inutile extension à de nouveaux groupes professionnels
On peut sérieusement douter de l’utilité de l’extension de la LBA à de nouveaux groupes professionnels. Aujourd’hui déjà, l’ensemble du trafic financier est soumis à la loi concernant la lutte contre le blanchiment d’argent (LBA). Contrairement à ce qui est indiqué dans le commentaire qui accompagne le projet mis en consultation, ce dernier dépasse les directives GAFI révisées qui, par exemple, ne concernent pas les bijouteries, les agences immobilières ou encore le commerce d’objets d’art. Il est déplacé de suspecter globalement ces secteurs d’activité de blanchir de l’argent d’origine criminelle.
Les problèmes de l’interdiction d’informer
L’interdiction d’informer dans les cas d’annonce conformément à la LBA a posé des problèmes dans le passé lorsque deux intermédiaires financiers collaborent. Le projet mis en consultation ne lève l’interdiction d’informer que par rapport à la personne qui a le pouvoir de bloquer des éléments de fortune. Il s’arrête donc à mi-chemin. L’interdiction d’informer entre deux intermédiaires financiers ne doit être appliquée que si l’un des deux est suspecté de blanchir de l’argent.
Trop de marge interprétative pour l’administration
Le Département fédéral des finances a volontairement ménagé une grande marge interprétative dans le projet mis en consultation dans le but d’en user elle-même lorsque cette législation sera en vigueur. Ainsi, le Département fédéral des finances se réserve notamment la possibilité de définir la notion « par métier ». Or, dans l’intérêt de la sécurité du droit, des notions législatives aussi centrales doivent être définies dans la loi et ne pas être laissé à l’appréciation de l’administration.
Inacceptable échange d’informations
L’échange routinier d’informations entre les autorités pénales et le service recevant les annonces, d’une part, la CFB, d’autre part, est proprement inacceptable. Cette disposition suggère en effet qu’un intermédiaire financier a automatiquement violé son devoir de diligence à partir du moment où il annonce un cas suspect. Or, c’est le contraire qui est vrai: cette annonce prouve que la disposition contre le blanchiment d’argent fonctionne! L’art. 29 b al. 2 lettre e du projet de révision LBA est donc déplacé.
III. Remarques finales
L’UDC s’est toujours engagée pour l’intégrité, la fiabilité et la stabilité de la place financière suisse. La lutte contre le blanchiment d’argent sale est un élément central de l’intégrité d’une place financière. Toutefois, les mesures imposées par l’autorité doivent être proportionnées et éviter de pénaliser le secteur financier dans la concurrence internationale. Les propositions mises en consultation par le DFF comportent de nombreuses entraves pour la place financière suisse et le branches voisines, mais sans pour autant rendre plus efficace la lutte contre le blanchiment d’argent sale. Ce projet impraticable, hostile au secteur financier et par ailleurs peu efficient doit donc être rejeté catégoriquement.