Monsieur le Président,
Monsieur l’ancien Conseiller fédéral Christoph Blocher,
Messieurs les Conseillers nationaux et Conseillers aux Etats,
Chers représentants des autorités, de l’armée et de la police,
Chers Confédérés.
Mesdames et Messieurs,
Vous m’auriez demandé il y a un an si nous serions réunis ce jour à Morschach, tout près de la prairie du Grütli, ce berceau magique de notre Confédération, devant un magnifique feu de montagne qui est en partie en tout cas un feu de joie, vous m’auriez demandé si je croyais que le Conseil fédéral puisse enterrer unilatéralement l’accord institutionnel et rompre les négociations avec Bruxelles, alors je vous aurais répondu:
Impossible. Jamais. Ce serait malheureusement trop beau pour être vrai.
Oui, jamais je n’aurais cru notre gouvernement capable d’une décision aussi courageuse. Compte tenu de mes expériences au Palais fédéral, j’aurais parié que les internationalistes et eurofanatiques de la Berne fédérale mettent tout en œuvre pour faire passer – de préférence sans votation populaire – ce traité qui aurait fait de la Suisse un sujet de l’UE.
Vous pouvez donc imaginer que le 26 mai dernier, il y a quatre semaines, j’avais du mal à croire mes yeux et mes oreilles en apprenant que le Conseil fédéral avait officialisé la rupture des négociations. Était-ce vraiment ce même Conseil fédéral qui pendant sept ans, a marchandé et vanté sans relâche ce rattachement institutionnel, cette soumission de la Suisse à cette erreur de construction fondamentale qu’est l’UE, comme la voie royale et pleine d’avenir pour notre pays ?
Ce curieux et réjouissant mercredi, j’éprouvais deux sentiments, un grand et un petit. Le grand sentiment : j’étais surpris, bluffé, mais aussi enthousiasmé par un gouvernement qui avait enfin fait preuve de courage, par Guy Parmelin, président de la Confédération, et Ignazio Cassis, conseiller fédéral, qui, tout à coup, ont présenté de manière parfaitement claire les réflexions qui ont mis fin à ce funeste accord-cadre.
Pour cette raison, ce feu de montagne est aussi un feu de joie pour moi, un feu de joie et de gratitude de voir le Conseil fédéral défendre avec courage les droits de la liberté et les droits humanitaires de notre peuple et de nos cantons.
La joie est grande, mais elle ne doit pas nous aveugler.
Car à côté de ce grand sentiment, j’en éprouvais aussi un petit, une sorte de bruit parasite que je ne parvenais pas à étouffer. Un sentiment de doute, de scepticisme, de méfiance. La volte-face gouvernementale quasiment supersonique, si on la mesure à l’habituelle lenteur de la politique fédérale, était et est toujours trop belle pour être totalement vraie et définitive.
Je n’ai pas débouché une bouteille de champagne ce soir-là et je n’avais pas envie de feu d’artifice. Pourtant, croyez-moi, cette rupture des négociations aurait dû m’inciter à faire la fête, car c’est précisément pour empêcher cet accord-cadre que je suis entré en politique et dans l’UDC. Durant mon activité de rédacteur en chef en Allemagne, je m’énervais déjà de voir les politiciens et ambassadeurs suisses s’agenouiller à l’étranger afin de demander pardon pour les décisions du peuple suisse. J’ai rencontré par la suite à Berne un grand nombre de ces politiciens fatigués de la Suisse. Ils étaient tous pour l’accord institutionnel, ce qui est à mon avis déjà une raison suffisante pour s’y opposer.
Pourquoi pas de champagne, pas de fête ? Et pourquoi le politicien que je suis ne démissionne-t-il pas alors que cet accord semble être irrémédiablement enterré ? Mission accomplie ? Malheureusement non. Les motifs du Conseil fédéral ne sont pas honnêtes. Le danger n’est pas écarté. Nous avons gagné une bataille, mais non pas la guerre. Cinq conseillers fédéraux sur sept n’ont pas refusé l’accord par conviction sérieuse. Ils avaient tout simplement peur du peuple. Ils ont constaté que l’opposition dépassait de plus en plus le cadre de l’UDC. Alors ils ont coupé court pour s’épargner un Waterloo, un échec complet dans l’urne.
Faut-il rappeler que le Conseil fédéral a explicitement accepté le mécanisme institutionnel de soumission qui aurait fait de l’UE le législateur de la Suisse ? Qu’il a accepté que Bruxelles lui pose cette boucle nasale et que si l’UE avait été moins arrogante et un peu plus portée au compromis dans les négociations finales, le Conseil fédéral aurait fini par signer ce traité de type colonial ? Ce n’est pas ou du moins ce n’est pas entièrement la sagesse retrouvée de notre gouvernement, mais c’est bien plus l’entêtement de Bruxelles qui a fait échouer cet accord avec son train de droit étranger, de juges étrangers et de clauses de la guillotine.
Mesdames et Messieurs, nous devons rester vigilants. L’indépendance de la Suisse et les droits démocratiques du souverain ne sont protégés qu’en apparence et provisoirement. L’élite politique de la Berne fédérale n’a d’yeux que pour Bruxelles. La raison en est simple : plus d’UE égale plus de pouvoir et plus d’argent pour les politiciens, mais moins de pouvoir et moins de prospérité pour le peuple. En Suisse, les citoyens détiennent presque tout le pouvoir alors que les politiciens n’en ont que très peu. Voilà pourquoi de nombreux élus politiques suisses aiment tant l’UE.
Pour quoi nous battons-nous ? Pourquoi défendons-nous notre magnifique Suisse ? Parce que nous savons que la Suisse est un pays unique dans lequel le pouvoir politique est aux mains du peuple, dans lequel vous, Mesdames et Messieurs, pouvez décider de tout ce qui vous concerne directement. Et c’est parce que les citoyens de ce pays fixent eux-mêmes les lois qui régissent leur vie, la Suisse a les meilleures lois, la Suisse se porte mieux que tous les Etats de l’Union européenne.
Il s’agit de tenir à l’œil trois adversaires principalement.
Le premier siège à Bruxelles. L’UE a grand besoin d’argent et la Suisse avec ses votations populaires – la dernière fois contre la loi sur le CO2 – est une épine dans le pied de l’Union européenne.
Le deuxième adversaire siège à Berne. Dans une récente interview, le conseiller fédéral Cassis a évoqué qu’il pouvait parfaitement imaginer une réédition de l’accord-cadre institutionnel. Vous le voyez bien : ils feront une nouvelle tentative.
Le troisième adversaire siège dans les villes. Nous assistons à un « Kulturkampf », à une opposition des cultures en Suisse. La ville contre la campagne. Les villes sont rouges et vertes. Elles veulent plus d’Etat, plus de redistribution, plus d’UE, moins de liberté. Les villes détiennent les médias. Elles sont arrogantes, se croient supérieures aux campagnes et cherchent à leur instiller leur poison rouge-vert.
Quant à nous, nous constatons : l’air des villes supprime la liberté; l’air des campagnes rend libre. La liberté habite à nouveau à la campagne : autodétermination, responsabilité individuelle, bon sens humain, absence des excès de la politique des genres. Oui, c’est vrai : les villes tentent même de nous imposer, sans excepter les enfants dans les écoles, la manière dont nous devons parler et écrire.
Une seule réponse à donner à ces agissements : non, en aucun cas.
Vous, Mesdames et Messieurs, vous formez actuellement la dernière ligne de défense de la Suisse contre les modes stupides des politiciens et contre les villes rouges et vertes.
Ce feu en montagne ne peut donc être un feu du premier août avancé. C’est un feu de joie et de gratitude, certes, mais plus encore un feu d’avertissement rappelant que notre magnifique Suisse, qui n’existe qu’une fois, a toujours été menacée et qu’elle reste menacée et que notre Suisse n’existera qu’aussi longtemps que les Suissesses et les Suisses ne perdent le courage, la force, la détermination, la confiance en Dieu et l’assurance nécessaires pour défendre notre pays contre tous les dangers.
Nous autres, Chers Amis et Confédérés, nous sommes unis au-delà de toutes les différences et divergences d’opinions par un constat marquant, par un sentiment profond : nous savons que c’est une joie et un honneur de s’engager pour la Suisse, la plus ancienne et la plus performante organisation d’entraide du monde!