Sans les CFF, sans les transports publics par rail au sens large, la Suisse ne serait pas la Suisse. Notre petit pays est dans le monde sans aucun doute le pays du rail par excellence. Notre réseau est extrêmement dense et son organisation des horaires est enviée dans le monde entier. Globalement, sa fiabilité et sa ponctualité sont très bonnes. Cela fait sans doute pâlir d’envie bien des voisins, à commencer par la France qui est malheureusement confrontée à des difficultés énormes en termes de grèves et de démantèlement des infrastructures dans les régions.
Mais tout ceci a un prix en Suisse. Avec un réseau très finement maillé et qui doit se jouer de multiples contraintes topographiques, linguistiques et politiques ainsi qu’avec une utilisation croissante, le pays dépense des sommes toujours plus importantes pour les transports par rail.
1,25 millions de personnes sont transportées chaque jour en moyenne. Le trafic a plus que doublé depuis 1980. Les nouvelles offres d’infrastructures de rail 2000 ou les fameux systèmes de S-Bahn dans les grandes agglomérations ont fait exploser l’utilisation du rail ces dernières décennies.
L’augmentation massive de la population, principalement du fait de l’immigration, a bien évidemment aussi contribué à faire augmenter le nombre d’utilisateurs du rail, comme c’est le cas pour toutes les autres infrastructures. Rappelons que la Suisse comptait 6.3 millions d’habitants en 1980 et que nous sommes plus de 8.5 millions à ce jour. Plus de deux millions de personnes en plus en moins de 40 ans, c’est énorme.
Les CFF sont la principale entreprise active dans le domaine des transports ferroviaires. Propriété de la Confédération à 100%, l’entreprise jouit néanmoins d’une grande liberté entrepreneuriale. Malgré cela, il est nécessaire que les pouvoirs publics injectent massivement des fonds afin de faire tourner l’entreprise.
En 2018, près de 3,5 milliards de francs, alors que la Direction a récemment annoncé un « bénéfice » de plus de 500 millions. Je vous avoue que parler de bénéfice alors que l’entreprise est hautement subventionnée par les pouvoirs publics est un peu étrange. C’est en tous cas discutable et il serait bon de changer de langage. Plus important encore que le langage, il faudrait s’atteler sérieusement et durablement à faire en sorte d’améliorer le degré de couverture des coûts.
Les CFF ne doivent pas économiser auprès de son personnel qui est en contact avec les passagers et non plus auprès des clients
Il faut donc soit augmenter les recettes ou diminuer les dépenses. La question du prix des billets et abonnements est importante, puisque l’offre est toujours meilleure. Certaines voix disent que les billets sont chers. Mais le sont-ils vraiment au regard de ce que coûte la mobilité individuelle ? Qu’en est-il des abonnements ? Il faut aussi parler des dépenses de personnel qui augmentent sans cesse. Il serait temps de questionner certains fonctionnements. Pas forcément au front chez les usagers ou le personnel d’entretien, mais dans la centrale et le management. Je rappelle aussi la débâcle de la caisse de pension qui a déjà coûtés des sommes faramineuses et où il est exclu d’encore injecter de l’argent public.
L’exemple de l’Hôpital neuchâtelois, qui a réussi à diminuer les frais de personnel sans réduire les prestations au contact du patient pourrait peut-être inspirer les CFF.
Des réductions du prix des billets tels qu’annoncées avec les résultats 2018 me paraissent certes sympathiques mais tout de même un peu déplacées alors que l’on constate tout de même des problèmes de prestations dont la qualité diminue, des pannes informatiques et autres retards. Il faut aussi revoir certains choses en matière d’acquisitions, notamment du matériel roulant. Je ne vais pas revenir en détail sur les immenses difficultés avec les trains Bombardier, mais cet exemple montre à quel point de mauvais choix peuvent provoquer des coûts qui font au final monter la facture des pouvoirs publics.
Oui au service public mais pas pour n’importe quel prix
Les CFF doivent pouvoir faire mieux avec moins de dépenses et ainsi augmenter leur degré de couverture des coûts, sans que le personnel au front doive se serrer la ceinture ou que le client doive souffrir de prestations de moindre qualité. Il faut aussi être prudents avec les nouveaux investissements. L’étape d’aménagement 2035 de l’infrastructure ferroviaire est en discussion au Parlement. L’UDC la soutient dans son principe, mais demande de toujours garder à l’esprit que chaque kilomètre de rail supplémentaire coutera en entretien et en exploitation. Nous devons faire attention de ne pas léguer à nos enfants une infrastructure surdimensionnée qu’ils ne pourront plus financier à terme. Ceci d’autant moins que la mobilité va très fortement évoluer ces prochaines décennies avec les voitures autonomes ou partagées, qui vont avoir pour conséquence que le trafic routier restera attractif ou le deviendra encore plus. Attention aux mauvais investissements !
Pour ce qui est du trafic régional, il faut aussi garder à l’esprit qu’il ne peut pas se développer à l’infini. Entre 2008 et 2016, les moyens annuels sont passés de 750 à 920 millions. Dans la période actuelle 2018-2021, nous dépassons le milliard de francs annuel alloué par le budget de la Confédération. On a un peu le sentiment que les cantons et les communes commandent et que la Confédération paie presque sans limite. Or, beaucoup de lignes voient leur taux d’occupation stagner ou se développer à peine, à côté de certaines lignes surchargées, mais qui relèvent souvent du trafic grandes lignes.
Nous devons prendre acte que créer une offre surdimensionnée partout ne va pas faire monter les gens dans le train en masse. Il ne s’agit pas ici de demander un démantèlement, et surtout pas dans les régions non urbaines, mais de savoir garder une juste mesure. Le service public partout, oui, mais pas un développement pléthorique à n’importe quel prix !
Ces dernières décennies, la Suisse a investi des dizaines de milliards de francs dans une infrastructure fantastique, il nous appartient de la maintenir et d’en améliorer le fonctionnement et la couverture des coûts pour le bien de tous. L’UDC restera donc attachée au pays du rail qu’est la Suisse, mais exige de tous les acteurs de la branche d’avoir soin des deniers publics.