Si vous avez compris Ignacio Cassis, c’est qu’il s’est mal exprimé.
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » (Nicolas Boileau 1636 – 1711). Si le théoricien du classicisme français dit vrai, alors l’accord cadre que le Conseil fédéral a promis à l’UE pour la fin 2018 se conçoit très mal car les mots pour le dire n’arrivent pas ou alors sont changés sitôt prononcés.
Baptisé tout d’abord « accord cadre » par l’administration, puis « accord d’intégration » par Didier Burkhalter ou encore « accord institutionnel », avant d’être proclamé « accord d’amitié » par un Jean-Claude Juncker venu toucher son chèque, puis « accord d’accès au marché » dans la bouche d’Ignacio Cassis sur fond de menaces de fermeture de la bourse suisse, cet « accord » commence à ressembler à un caméléon que l’on aurait posé sur un tissu écossais.
C’est quoi, l’accord cadre ?
Pourquoi est-ce si compliqué en apparence et de quoi s’agit-il en vérité ? De rien d’autre que d’obtenir des Suissesses et des Suisses qu’ils acceptent de se soumettre en 2018 aux règles du marché unique dont il n’ont pas voulu en 1992 avec l’EEE : reprise obligatoire du droit multilatéral européen sous le contrôle de la Cour de justice. Le Conseil fédéral a un problème car personne aujourd’hui, hormis le parti socialiste, n’ose plus regretter à voix haute la décision populaire qui a sauvé le pays en 1992 en empêchant le Conseil fédéral d’adhérer à un modèle qui en 25 ans a eu tout le temps de montrer son visage antidémocratique, antiéconomique et antisocial. Au-delà des mots utilisés, l’ « accord » que le Conseil fédéral a promis à l’UE pour la fin 2018 est simple, il a pour objet de mettre fin aux rapports bilatéraux – qui prévalent actuellement entre la Suisse, d’une part, et les membres de l’UE, d’autre part, en tant partenaires égaux en droit et de soumettre la Suisse à la gouvernance multilatérale du marché unique.
Nous ne sommes pas un membre du marché unique de l’UE
Tout le monde sait que la Suisse n’est pas un membre du marché unique, qu’elle n’a pas accès au marché unique et qu’elle ne l’aura toujours pas en signant cet accord cadre, tout le monde sait aussi que la Suisse n’exerce pas de pouvoir de codécision sur les règles du marché unique puisqu’elle n’est pas membre de l’UE. Tout le monde comprend en conséquence que soumettre la Suisse, qui n’en est pas membre, aux mêmes obligations d’obéissance que les membres de l’UE relève de la plus pure absurdité.
En vérité, ce n’est pas d’un « accord » dont il s’agit mais d’un traité colonial, une acceptation du droit de l’UE en tant que droit supérieur contraignant, ce qui implique de renoncer à l’usage de la démocratie directe dans les domaines régis par ce droit. Bien sûr, le Conseil fédéral qui ne peut aborder un tel sujet de manière franche et directe doit camoufler en permanence l’absurdité de sa démarche derrière de nouveaux concepts. Et n’ouvrir de débats que sur des questions de moindre importance : qu’importe la nationalité des juges dès lors qu’ils ne pourront appliquer que du droit étranger ?