Le chemin de la servitude
Le mensonge le plus éhonté proféré par des cercles intéressés à diffuser des fausses rumeurs sur la politique européenne de la Suisse est l’affirmation selon laquelle l’accord-cadre institutionnel entre la Suisse et l’Union européenne, qui est désormais sur la table, est la «voie bilatérale la plus sûre». La Suisse peut et doit construire la relation bilatérale avec l’UE sur un pied d’égalité, et rejeter cet accord afin de ne pas tomber dans la servitude.
L’idéalisation des relations suisses avec l’Union européenne sous la forme de cette «voie royale bilatérale» a toujours eu un côté trop apprêté, trop enjolivé. Et comme beaucoup d’histoires qui parlent de rois, on tombe rapidement dans le conte. Le fait suivant est de notoriété publique: il y a exactement 10 ans, l’Union européenne, impatiente face à l’adhésion à l’UE que laissait entrevoir notre diplomatie, adhésion qui ne se traduira finalement pas dans les faits, déclarait terminée la voie bilatérale.
À la mi-décembre 2008, le Conseil de l’UE a demandé sur un ton aussi autoritaire que tranchant l’adaptation «dynamique» des accords bilatéraux au droit européen qui ne cesse d’être développé ainsi qu’une nouvelle contribution à la cohésion. La voie bilatérale a atteint ses limites, disait-on à l’époque.
Un accord colonial oppressant
Le présent accord-cadre prévoit à l’article 10 une soi-disant «adaptation dynamique» du droit suisse au droit européen. Cette adaptation est toutefois de facto un alignement automatique et unilatéral sur le droit UE. C’est juste: l’accord-cadre prévoit des possibilités théoriques de référendum et même un tribunal arbitral, mais ce même tribunal devrait également décider sur la base des tribunaux de l’UE, tandis que les référendums pourraient avoir des conséquences fâcheuses (sanctions) s’ils ne devaient pas aller dans le sens de l’Union européenne. Ce mécanisme de sanctions («des mesures de compensation») prévoit expressément à l’article 10 alinéa 6 la possibilité d’une guillotine, laquelle peut se traduire par la suspension des conventions bilatérales («la suspension de tout ou partie d’un ou des accords concernés»). Décision prise par des tiers et non pas autodétermination, asservissement et non pas égalité des droits: l’accord institutionnel n’est donc nullement une voie royale. Oliver Zimmer, suisse et professeur d’histoire à Oxford, résume la situation comme suit dans la NZZ: «Celui qui considère l’accord cadre avec l’UE comme un compromis pratique soit la politique de l’autruche, soit il a perdu son boussole politique.»