La révision de la loi sur l’asile approuvée par le Parlement prévoit une représentation juridique gratuite (avocat gratuit) pour tous les requérants d’asile. Les conseillers juridiques seraient indemnisés à un tarif forfaitaire. Il est prévisible dès à présent que ce sont avant tout les œuvres d’entraide qui se battront pour décrocher ces mandats. Ce dispositif réduirait les délais de décision et de recours, prétendent ses partisans.
Le droit à une représentation juridique gratuite est garanti par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et la Constitution fédérale suisse (art. 29 al. 3 cst.). Il a été cependant conçu avant tout pour garantir l’accès aux tribunaux aux personnes nécessiteuses. L’attribution d’une représentation juridique gratuite était jusqu’ici toujours liée à un certain nombre de conditions. Les autorités ou les tribunaux doivent examiner chaque cas particulier. A côté des difficultés financières de la personne réclamant son droit, il faut que l’affaire présente une certaine complexité et que la procédure ne soit pas sans chance.
Les conditions de la complexité et de la chance d’aboutir ne seraient certainement pas remplies pour la grande majorité des cas concernant la procédure d’asile. Dans le domaine de l’asile, des représentations juridiques gratuites n’étaient jusqu’ici accordées que pour les procédures de recours (recours contre un refus d’accorder l’asile), mais non pas pour la procédure à proprement parler ou la procédure préliminaire. Actuellement, un observateur délégué par une œuvre d’entraide suisse assiste en général aux auditions pour garantir le respect de la procédure. Car même si le requérant d’asile a certaines obligations minimales de participer à la procédure, l’autorité doit tout de même toujours analyser toute la situation. La personne concernée ne devra formuler des réserves que dans la procédure de recours et les motiver, ce qui peut effectivement justifier la présence d’un représentant juridique gratuit. Ce principe satisfait toutes les exigences de l’Etat de droit. En revanche, la nouvelle représentation juridique gratuite et sans condition pour toute la durée de la procédure privilégie injustement le requérant par rapport à un national réclamant son droit, ce qui n’est évidemment pas dans l’intention de la CEDH et de la Constitution fédérale.
Augmentation du nombre de procédures sans chance
L’application pratique de la loi révisée suscite elle aussi des critiques. Les praticiens de la justice savent très bien qu’une représentation juridique gratuite généralisée provoquera un grand nombre de recours sans chance, ce qui augmentera la charge des tribunaux et prolongera les procédures. C’est dire que l’objectif visé, à savoir l’accélération des procédures, sera complètement raté. En outre, la représentation juridique gratuite sera assurée non seulement par des avocats, mais aussi par des personnes ayant fait des études complètes de droit et s’occupant professionnellement de la représentation de requérants d’asile. Il n’est pas prévu explicitement qu’il doive s’agir de juristes ou d’avocats ayant une formation suisse. Or, aujourd’hui déjà, on doit constater que des juristes et avocats étrangers (africains, notamment) se distinguent par l’ouverture de procédures inutiles et sans aucune chance de succès. Et tout cela aux frais de l’Etat.
Indemnité forfaitaire problématique
Dans le régime juridique suisse actuel, la représentation juridique gratuite est indemnisée en fonction du travail effectif. Si les autorités taillent dans les honoraires des avocats, elles doivent le motiver. Les avocats mandatés par des assurances de protection juridique sont eux aussi indemnisés selon le travail. Ce principe élémentaire garantit l’indépendance des représentants juridiques et la qualité de l’assistance. L’indemnisation forfaitaire, donc indépendante du travail effectif, prévue par la nouvelle loi sur l’asile pour la représentation juridique des requérants risque de poser des problèmes constitutionnels au niveau du règlement de la branche. Ce système est vanté par ses auteurs comme une solution efficace et avantageuse. Cette argumentation est pour le moins étonnante, car le projet de loi ne contient aucune précision quant au montant de l’indemnité forfaitaire. Comme de coutume, la Confédération se montrera plutôt généreuse et elle se basera sans doute sur des durées de travail maximales et non pas minimales des représentants juridiques. Il faut donc s’attendre à des coûts supplémentaires considérables, si ce n’est pas à une explosion des coûts aux frais des contribuables.
Nombreuses disparitions dans la nature et possibilités insuffisantes d‘arrestation
Enfin, il ressort des résultats officiels des centres pilotes que les requérants d’asile dont la procédure a peu de chance d’aboutir disparaissent très souvent dans la nature avant la fin de la procédure d’asile. Ces comportements sont d’autant plus problématiques que depuis le 1er juillet 2015 l’application de l’ordonnance Dublin III a considérablement compliqué les conditions permettant de placer en détention à des fins de renvoi des requérants d’asile Dublin sans chance (il s’agit des requérants entrés en Suisse en provenance d’un Etat Schengen). Les délais maximaux ont en outre été brutalement réduits à six semaines, voir à trois mois pour les requérants récalcitrants, ce qui ne suffit souvent pas pour exécuter un renvoi, si bien que ces personnes doivent être relâchées. Les offices de migration se plaignent aujourd’hui déjà d’un nombre croissant de disparitions de requérants déboutés. Ces personnes ne peuvent plus être renvoyées et finissent tôt ou tard dans la criminalité. Il est évident que le système de la représentation juridique gratuite généralisée aggravera massivement le problème de ces disparitions. L’unique manière efficace d’agir est d’imposer des procédures rapides, de fixer des délais courts pour l’utilisation des moyens de droit et d’expulser immédiatement les requérants déboutés.
Conclusion: la représentation juridique gratuite et sans condition pour tous les requérants d’asile déjà au moment de la procédure préliminaire et principale avec une indemnisation forfaitaire des représentants constitue une nouveauté absolue dans le système juridique suisse. Elle est non seulement inutile et injuste, mais pose des problèmes constitutionnels et au niveau du règlement de la branche des juristes. Elle augmente considérablement les charges, allonge les procédures et provoque des coûts supplémentaires élevés au frais des contribuables. La Suisse deviendrait ainsi encore plus attractive pour les requérants et l’industrie de l’asile serait la principale bénéficiaire de ce système. Voilà des raisons suffisantes pour soutenir le référendum lancé par l’UDC contre cette révision de la loi sur l’asile.