Le Conseil national a rejeté les initiatives sur l’eau potable et pour l’interdiction des pesticides. A juste titre: ces législations rendraient la Suisse dépendante de l’importation de denrées alimentaires produites dans des conditions douteuses.
Les initiatives populaires « Pour une eau potable propre et une alimentation saine – Pas de subventions pour l’utilisation de pesticides et l’utilisation d’antibiotiques à titre prophylactique » et « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » paraissent séduisantes à première vue. Mais que veulent exactement ces initiatives? Elles exigent un changement fondamental de la politique agricole suisse. A l’avenir, par exemple, les paiements directs ne seraient versés qu’aux exploitations qui n’utilisent pas de pesticides. Les producteurs, qui utilisent des antibiotiques de manière prophylactique ou dont les systèmes de production nécessitent une utilisation régulière d’antibiotiques, seraient également exclus des paiements directs. L’initiative demande aussi que le bétail soit nourri uniquement avec les fourrages produits à la ferme.
Ce sont ces trois points qui changeraient radicalement le système agricole suisse. Selon les initiateurs, la Suisse importe trop de fourrages et, par conséquent, élève trop d’animaux. Ces grands effectifs d’animaux polluent le sol et, finalement, aussi les eaux, affirment les partisans de cette initiative.
Les problèmes sont reconnus et l’agriculture agit
Aujourd’hui, l’agriculture fait tout ce qu’elle peut pour prendre en compte les aspects requis par l’initiative. Les paysans ont, par exemple, réduit de moitié l’utilisation d’antibiotiques au cours des dix dernières années. L’utilisation de pesticides a chuté de 27% pendant les dix dernières années, et celle des herbicides a diminué jusqu’à 45%, ce qui a représenté un effort considérable pour l’agriculture suisse. A noter que ces progrès ont été réalisés bien avant l’entrée en vigueur du plan d’action du Conseil fédéral pour la protection des végétaux. Visant à réduire de moitié les risques et à promouvoir des alternatives à la protection chimique des cultures, ce plan d’action accélérera la baisse de la consommation de ces produits. Au total, le plan d’action comprend 51 mesures dont 13 ont déjà été mises en œuvre.
L’agriculture est sur la bonne voie. Elle a identifié les problèmes et elle agit, comme l’a également compris la majorité de la commission parlementaire. Le Conseil fédéral prévoit dans son projet de Politique agricole 22 des mesures supplémentaires qui contribueront à améliorer la situation. La stratégie du Conseil fédéral concernant la résistance aux antibiotiques est également en cours d’application. Le gouvernement a adopté cette stratégie en novembre 2015. La Confédération est donc déjà active dans cette question et assume ses responsabilités.
L’initiative sur l’eau potable aurait l’effet inverse
Une agriculture sans produits phytosanitaires subirait une baisse importante des récoltes. Divers pronostics annoncent des pertes allant jusqu’à 40%, voire à la totalité des récoltes. L’offre en aliments végétaux et carnés baisserait et les prix augmenteraient. Il faudrait importer davantage de denrées alimentaires pour préserver l’approvisionnement. Un autre effet négatif de l’adoption de l’initiative serait qu’une proportion importante d’agriculteurs intensifieraient leur production à cause de la suppression des paiements directs, si bien que cette initiative aurait l’effet inverse à celui qui est souhaité.
L’initiative pour l’interdiction des pesticides supprimerait des milliers d’emplois
L’initiative populaire « Pour une Suisse sans pesticides synthétiques » va encore plus loin que l’initiative sur l’eau potable. Elle exige l’interdiction de l’utilisation de pesticides synthétiques dans la production agricole, dans la transformation de produits agricoles et dans l’entretien des sols et du paysage. En outre, l’importation à des fins commerciales de denrées alimentaires contenant des pesticides synthétiques ou produites à l’aide de ceux-ci serait être interdite. Cette initiative est particulièrement hostile à l’économie: des milliers d’emplois seraient menacés en Suisse. Le café ne pourrait quasiment plus être importé pour une transformation sur place. Faut-il rappeler que la Suisse le plus grand exportateur de café au monde? L’industrie suisse du chocolat serait également menacée, car elle a besoin de cacao. Il est pratiquement impossible d’obtenir ces matières premières non traitées de l’étranger.
Non seulement l’industrie de transformation, mais aussi l’agriculture elle-même seraient gravement touchées dans de nombreux domaines. La production professionnelle de fruits et de légumes et la culture des champs ne seraient presque plus possibles si l’initiative était adoptée. Ce qui dérange aussi fortement dans cette initiative, c’est que le tourisme d’achat n’est pas couvert. La production suisse devenant massivement plus chère, un nombre croissant de personnes seraient encouragées à faire leurs achats de l’autre côté des frontières.
En fin de compte, ces deux initiatives nuisent à l’agriculture et mettent en danger l’approvisionnement de la population suisse en denrées alimentaires saines et sûres. Ces initiatives sont particulièrement dommageables pour l’économie et mettent en danger des milliers d’emplois en Suisse. Ce n’est pas un hasard si, outre le Conseil fédéral, tous les cantons s’y sont opposés.