Chères concitoyennes, chers concitoyens !
Chers invités !
Aujourd’hui, nous célébrons le 731ème anniversaire de la fondation de notre pays et je vous remercie chaleureusement de m’avoir invité à le célébrer ici, avec vous, à Yverdon-les-Bains. Un italophone parmi les francophones, c’est un premier signe fort, témoin de l’esprit, de la cohésion et de la diversité de notre Suisse.
L’acte fondateur de notre pays est le Pacte fédéral de 1291 ; ce dernier témoigne de l’expression de la volonté des premiers Confédérés de s’affirmer et d’être indépendants. Il pose ainsi la première pierre de la Confédération et trace les grandes lignes des principes qui aujourd’hui encore façonnent notre communauté.
Ce Pacte commence par invoquer Dieu et place les Suisses sous Sa protection. Ce Pacte fédéral est également une alliance de protection entre les trois vallées d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald contre « la malice des temps ». Les signataires du Pace affirment leur volonté de prendre leur destin en main et de ne tolérer aucun juge étranger sur leurs terres. Ils promettent aussi de se prêter une assistance mutuelle.
Beaucoup de choses se sont passées depuis lors, mais cette idée fondatrice est restée essentiellement la même depuis 731 ans. Voilà pourquoi le 1er août est un jour de gratitude. Ce jour est aussi l’occasion de renouveler l’alliance de protection scellée par nos ancêtres. « Un pour tous, tous pour un ! » Engageons-nous ensemble pour un avenir sûr et libre !
Notre pays n’est pas en manque de défis ; je pense aux défis économiques, aux prix élevés et à l’inflation qui peu à peu réduisent notre pouvoir d’achat comme Peau de Chagrin et impactent particulièrement les personnes socialement les plus faibles, la classe moyenne et les artisans ; je pense aux défis institutionnels et au bradage de notre neutralité, qui pourtant nous a préservés des guerres les plus sanglantes et qui nous a garanti la paix et la prospérité depuis plus de 200 ans. Mais je pense aussi et surtout aux grands défis de la politique énergétique.
L’échec de la Stratégie énergétique 2050 est aujourd’hui clair, tout comme les difficultés de la Berne fédéral de garantir un approvisionnement énergétique sûr et abordable. Nous nous sommes détournés du pragmatisme suisse pour nous lancer à la poursuite d’utopies et aujourd’hui, nous en payons le prix.
Un pays qui veut être libre doit pouvoir miser sur son indépendance ; un pays qui veut être en sécurité doit pouvoir compter sur ses propres forces. Ces affirmations sont particulièrement vraies lorsqu’on parle de domaines stratégiques dont dépend le bien-être de toute la population.
La liberté n’existe pas sans autodétermination.
L’autodétermination n’existe pas sans indépendance.
Nos ancêtres l’avaient bien compris et c’est la raison pour laquelle ils se sont unis et ont juré de s’apporter une aide mutuelle.
La Suisse est un pays ouvert sur le monde ; il suffit de constater les chiffres récents, qui font état d’une Suisse à 9 millions d’habitants dans un avenir imminent, en raison de l’immigration. Cette évolution nous amène inéluctablement à réfléchir à notre avenir, que cela soit en termes d’infrastructures, de mobilité, de construction, d’approvisionnement énergétique ou d’approvisionnement alimentaire.
Tous ces éléments, couplés de surcroît à la situation mondiale actuelle, suscitent une certaine inquiétude, en moi comme en de nombreux Suisses. Nous ne voulons pas l’ignorer, même et surtout en ce 1er août 2022. Après deux ans de pandémie ayant engendré d’éprouvantes restrictions, la guerre en Ukraine et les conflits interminables dans le Donbass ne nous laissent pas indifférents et assombrissent également notre avenir.
Ne serait-il donc pas d’autant plus important que la Suisse reste neutre et indépendante ? Qu’elle ne fasse pas partie du conflit mais de la solution à ce conflit ? Qu’elle puisse offrir ses bons offices en tant que médiateur crédible, contribuant ainsi au cessez-le-feu et à mettre fin aux souffrances des populations en guerre ? Cela n’est pourtant possible que si nous prenons au sérieux notre neutralité et si nous expliquons et défendons sa valeur, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos frontières.
Cela m’amène à un dernier point, qui pour moi est très important : notre démocratie est nourrie de débats vivants ; durs sur le fond mais toujours loyaux. Plus une question politique fait débat, plus les positions sont marquées, plus les citoyens peuvent se forger une opinion. Nous vivons des temps où les esprits s’échauffent et ou nos opinions se durcissent mais notre respect mutuel ne doit pas en être compromis pour autant.
Cette démocratie directe, si caractéristique de qui nous sommes, est une démocratie de confrontation et de participation. Un pays dont la population peut voter sur des sujets aussi nombreux, même comme, par exemple, le fait de savoir s’il faut oui ou non couper les cornes des vaches, c’est un pays extraordinaire.
Un pays, en revanche, dont la population est réduite au silence, c’est une dictature.
Nous sommes nés libres, dans un pays démocratique et neutre et j’espère sincèrement que nous pourrons le rester et pas seulement lors des 365 prochains jours. Si la Suisse a réussi à survivre et à se développer depuis 731 ans maintenant, c’est parce qu’elle a toujours su tirer des leçons de son histoire ; elle a toujours gardé en tête ses racines et cette alliance des premiers camarades Confédérés qui consistait à vivre en sécurité et libres, à se défendre les uns les autres et à se protéger mutuellement.
Permettez-moi dès lors de conclure par le serment du Grütli, dans sa version certes poétisée par Friedrich Schiller mais qui n’en reste toutefois pas moins conforme au sens et à l’esprit du Pacte fédéral de 1291 :
« Nous voulons être un seul peuple de frères, sans être séparés par l’adversité ou le danger. / Nous voulons être libres comme l’étaient nos pères, plutôt que de vivre dans la servitude. / Nous mettrons notre confiance en Dieu tout-puissant et nous ne craindrons pas la puissance des Hommes. »