Ledit litige fiscal qui oppose les Etats-Unis à la Suisse – en fait, il serait plus exact de parler de guerre économique – prend des allures de plus en plus menaçantes. Dans l’affaire UBS, la…
Ledit litige fiscal qui oppose les Etats-Unis à la Suisse – en fait, il serait plus exact de parler de guerre économique – prend des allures de plus en plus menaçantes. Dans l’affaire UBS, la Suisse a cédé au chantage et recouru au droit d’urgence pour fournir aux Etats-Unis des données sur des clients bancaires. Depuis, le Conseil fédéral a fait comprendre par son attitude passive et lâche qu’il était prêt à céder dans d’autres affaires du même genre et même à briser le droit suisse. Ces signaux sont désastreux – surtout face à des pays comme les Etats-Unis d’Amérique où le pouvoir et une prétendue morale, qui sert avant tout de paravent aux politiques, ont souvent le pas sur l’Etat de droit.
Le secret protégeant les clients des banques suisses a été affaibli à plusieurs reprises dans le passé alors que le Conseil fédéral manifestait un mépris inquiétant pour les règles de l’Etat de droit. Après l’UBS, les Etats-Unis ont placé d’autres banques dans leur collimateur. Ils ont rechargé leurs canons et finalement décidé de tenter de couler la banque Wegelin.
Il serait grand temps que les négociateurs du Conseil fédéral rappellent avec force à leurs interlocuteurs les principes de l’Etat de droit. Un petit Etat comme la Suisse n’a que le droit pour se protéger et il doit en exiger le respect avec détermination, aussi face aux Etats-Unis. Il faut résister au chantage. Si les informations diffusées ce matin sont exactes, le Conseil fédéral a une fois de plus transmis des données bancaires, cette fois-ci une correspondance courriel d’un collaborateur du Credit Suisse. Il a cédé une fois de plus sans obtenir la moindre contrepartie. Dans ce différend avec les Etats-Unis, la Suisse doit se comporter comme si elle était engagée dans une guerre économique. Elle doit recourir à tous ses moyens, sachant bien que son adversaire en fait autant. L’objectif est clair: nous devons amener les Américains à travailler de manière constructive à une solution, aussi au sein de leur propre gouvernement, afin d’arriver à un accord global qui ait plus de valeur que le papier sur lequel il est écrit.
Le Conseil fédéral doit enfin parler clair et dénoncer ouvertement l’hypocrisie des Etats-Unis qui prétendent poursuivre des délits fiscaux, mais qui ne le font qu’en Suisse alors qu’ils ne touchent pas à d’autres places financières, ou alors en prenant mille précautions. Et l’attitude des Américains dans leur propre pays est pour le moins curieuse: d’une côté, n’importe qui peut faire enregistrer de manière anonyme une société dans l’Etat du Delaware et, de l’autre côté, les fonds considérables déposés à Miami ou à New York, pour l’essentiel de l’argent provenant d’Amérique du Sud, ne font l’objet d’aucune surveillance. C’est pour cette raison que des fonds importants refluent aux Etats-Unis, leurs propriétaires pensant à juste titre qu’ils passeront inaperçus sur la place financière américaine. Voilà sans doute le véritable objectif des Etats-Unis. Cela n’a que peu de rapport avec la moralité et avec la délinquance fiscale, mais cela sert bien plus à renforcer la place financière et bancaire du pays.
Il s’agit donc de négocier durement, de consolider des solutions et des positions en s’inspirant, par exemple, de l’idée lancée par le professeur Janssen d’un « bouclier de protection » pour les banques accusées afin de sauvegarder leur « capacité d’agir opérationnelle ». Le Conseil fédéral, la Banque nationale, la surveillance des marchés financiers et toutes les autres autorités helvétiques concernées doivent défendre la place financière suisse en faisant bien comprendre aux Etats-Unis qu’ils sont prêts à protéger sans compromis les banques suisses.