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éditorial

Un jeu indigne avec la sécurité de la population

Les partis du centre gauche, y compris le PLR, ont refusé la semaine passée au Conseil national de garantir légalement les moyens financiers nécessaires à la réforme de l'armée. Ils mettent ainsi en jeu la sécurité de la population.

Adrian Amstutz
Adrian Amstutz
conseiller national Sigriswil (BE)

Les partis du centre gauche, y compris le PLR, ont refusé la semaine passée au Conseil national de garantir légalement les moyens financiers nécessaires à la réforme de l'armée. Ils mettent ainsi en jeu la sécurité de la population. Durant le week-end, on a appris dans les médias le véritable motif de ces manœuvres de diversion: le Conseil fédéral projette d'ores et déjà un budget militaire de 4,4 milliards de francs par an au lieu des 5 milliards que les groupes parlementaires de droite ont juré il y a une semaine vouloir imposer au gouvernement. Une fois de plus, on cherche à économiser sur le dos de l'armée, donc au détriment de la sécurité de la population, alors qu'on ajoute sans cesse de nouveaux millions à l'aide au développement, à la promotion de la culture ou encore à une politique d'asile qui ne fonctionne pas.

Au sein de la Commission de politique de sécurité du Conseil national, les représentants des partis de droite étaient encore d'accord: un plafond financier contraignant devrait être fixé pour le projet de réforme militaire présenté sous le titre de "développement de l'armée". Une somme minimale de 5 milliards de francs serait donc inscrite dans la loi militaire. Puis est venue la volte-face: au plénum du Conseil national, le PLR et une grande partie des parlementaires PDC se sont tout à coup écartés de ce compromis qui aurait au moins permis la constitution d'une armée performante avec un effectif cible de 100 000 militaires. Les conseillers fédéraux de ces partis sont sans doute intervenus au préalable pour tenter de ménager leur propre budget au détriment de celui de l'armée.

La sécurité n'est plus garantie

Pour répondre à la menace actuelle avec des guerres ouvertes à quelques heures d'avion de la Suisse (Ukraine, Syrie) et un danger de terrorisme à l'intérieur du pays, l'UDC estimait en réalité qu'un effectif cible de 140 000 militaires et un budget annuel de 5,4 milliards de francs étaient indispensables. Un effectif cible 100 000 militaires et un budget minimal garanti de 5 milliards de francs représentaient pour le groupe parlementaire UDC une ligne rouge en dessous de laquelle il n'accepterait en aucun cas d'aller. Une armée encore plus réduite ne pourrait en effet plus remplir son mandat constitutionnel, c'est-à-dire la protection du pays et de ses habitants.

Un effectif de 100 000 militaires correspond au public des deux concerts AC/DC qui se sont déroulés il y a deux semaines au stade du Letzigrund à Zurich. Sur ces 100 000 militaires, seuls les deux tiers seraient des troupes combattantes. Rappelons que pour la poursuite de trois terroristes après l'attentat au début de l'année à Paris, les forces de sécurité françaises ont eu recours à 80 000 personnes. 10 000 soldats sont toujours engagés pour protéger les objets les plus importants. Conclusion: cela fait longtemps que le débat sur la conception de la défense nationale suisse s'est écarté du terrain d'une politique responsable pour laquelle la sécurité du pays et des habitants est la tâche essentielle de l'Etat.

Ne pas toujours commettre les mêmes fautes

Il n'est pas tolérable que l'on décide une fois de plus de réformer l'armée sur le papier, mais que l'on ne garantisse pas définitivement les moyens financiers nécessaires à la réalisation de cette réforme. Dans les classements internationaux selon les dépenses pour la défense nationale, la Suisse se place aujourd'hui aux derniers rangs. Alors que les dépenses dans d'autres domaines ont doublé, voire triplé, les moyens financiers réservés à la défense nationale sont largement inférieurs à leur niveau de 1990. Au lieu de six milliards de francs comme il y a 25 ans, le budget militaire pour l'année en cours se monte à environ 4,7 milliards. Pendant cette même période, les dépenses pour la sécurité sociale ont passé de 6,9 à 22 milliards de francs et celles pour la formation et la recherche de 2,9 à 7,3 milliards. Et le chaos de l'asile provoqué par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga nous coûte chaque année des milliards.

Les dernières réformes de l'armée ont déjà échoué parce que les moyens financiers promis n'ont finalement pas été mis à disposition. La politique commande une architecture de sécurité pour notre pays, mais elle refuse de la payer. Il s'agit là purement et simplement d'une escroquerie au détriment de la sécurité de la population. Enfin, la crainte des partis du centre devant un référendum de la gauche est une très mauvaise conseillère. Il est tout à fait acceptable que le peuple se prononce quand sa propre sécurité est en jeu.

Tout le monde doit annoncer la couleur

Pour l'UDC, il est évident qu'il existe une limite inférieure en dessous de laquelle on ne peut plus assumer la responsabilité politique. Le conseiller fédéral Ueli Maurer doit lui aussi se poser cette question. Ce sont les partis du centre qui l'abandonnent dans cette mauvaise passe. Lui non plus ne peut pas remplir son mandat s'il ne dispose pas des moyens financiers dont il a besoin. Les partis du centre gauche ont franchi cette limite la semaine passée. La gauche veut affaiblir l'armée et l'indépendance de la Suisse pour pousser notre pays dans les bras d'alliances internationales. Quant aux partis du centre, ils sont manifestement prêts à sacrifier la sécurité de leur pays pour financer leurs propres intérêts. La balle est revenue dans le camp du Conseil des Etats, si bien qu'il existe encore une chance que la majorité du parlement revienne à la raison.

Adrian Amstutz
Adrian Amstutz
conseiller national Sigriswil (BE)
 
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