Les médias se plaisent aujourd’hui à critiquer les conseillers nationaux proches de l’agriculture.
Les médias se plaisent aujourd’hui à critiquer les conseillers nationaux proches de l’agriculture. A les croire, ces élus auraient accaparé des subventions supplémentaires et auraient fait échapper l’agriculture aux efforts généraux d’économie. Il s’agit là pour le moins d’une vision déformée des choses qui ignore une bonne part des réalités de la politique financière.
Premièrement: en fin de compte, on ne fait aucune économie
Plusieurs médias ont même réussi la prouesse d’annoncer le débat budgétaire de cette année sous le signe d’une économie de 700 millions de francs voulue par le Conseil fédéral. Ils se sont proprement fait avoir par la propagande du Département fédéral des finances. La Confédération ne fait en réalité aucune économie, du moins n’en fait-elle pas dans le sens courant du terme. En réalité, elle dépense nettement plus que l’année précédente. Selon les décisions du Conseil fédéral, le budget des dépenses 2015 progresse de 879 millions de francs par rapport à celui de l’année en cours. Et après les débats du Conseil national, ce montant passe à un milliard de francs. Les prétendues "économies" se réfèrent en fait à une correction des dépenses prévues au plan financier de l’année dernière. Ces coupes étaient nécessaires simplement pour respecter les exigences du frein à l’endettement. Pour présenter correctement la situation, il faudrait dire que l’augmentation des dépenses a été un peu moins forte que prévu. Ce sont précisément ces déformations de la réalité qui alimentent la légende socialiste des "économies tuant l’Etat". La réalité est que les dépenses fédérales ont explosé depuis 1990: elles ont plus que doublé durant cette période.
Deuxièmement: si effectivement on fait des économies, c’est sur le dos de l’agriculture et de l’armée
On a du mal à trouver des médias qui se sont donné la peine de présenter en détail l’évolution des dépenses fédérales dans les différents domaines entre 2014 et 2015. On les comprend: la réalité des chiffres s’accorde mal avec une image qu’on aime à donner. En effet, le Conseil fédéral prévoyait des coupes notables dans deux domaines seulement: l’agriculture (-133 millions de francs ou -3,6%) et la défense nationale (-150 millions ou -3,1%). Dans les secteurs Finances/Impôts (-12 millions ou -0,1%) et Transports (-8 millions ou -0,1%), les réductions sont insignifiantes alors qu’on assiste à de solides taux de croissances dans les positions Sécurité sociale (+597 millions ou +2,7%), Formation et recherche (+156 millions ou +2,2%), Relations internationales (+132 millions ou +3,7%) et Autres dépenses dont fait notamment partie la protection de l’environnement (+299 millions ou +4,6%). La situation devenue typique depuis quelques années se poursuit donc. A la suite des décisions du Conseil national, le secteur agricole reste approximativement au même niveau que l’année précédente. La correction que l’on voulait apporter à cette position du budget paraît d’autant plus choquante quand on la compare au développement d’autres domaines comme l’aide au développement où les dépenses continuent d’exploser.
Les réalités du budget 2015 dans la version du Conseil fédéral: comme à son habitude prise depuis quelques années, le gouvernement ne voulait réduire les dépenses que dans l’agriculture et la défense nationale!
Troisièmement: le personnel politique a échoué en politique financière
Dans un souci de justice, il faut bien noter que personne ne s’est couvert de gloire dans ce processus budgétaire. La marge de manœuvre que le frein à l’endettement laisse à la politique sera exploitée sans doute jusqu’au dernier centime d’ici à la fin de ce débat. Il ne restera plus de marge ni pour des crédits additionnels, ni pour des excédents structurels dont la Confédération aurait pourtant besoin dans la perspective de plusieurs projets futurs. On est loin au niveau fédéral d’une planification financière stratégique. Tout cela n’est que du bricolage. La seule mention que méritent les travaux de préparation du budget 2015 est "non réussi". Même le consensus minimal de la droite acquis en commission de ralentir au moins la croissance des dépenses pour l’aide au développement n’a pas tenu le coup au plénum du Conseil national. Nous tous, nous devrions revoir nos positions.