Monsieur le président du parti,
Messieurs les Conseillers fédéraux,
Mesdames et Messieurs,

Le fait qu’un État contrôle ses frontières et y exerce ses droits souverains fait partie de la nature même d’un État. Dans le respect du droit en vigueur, il décide qui peut entrer ou non et dans quelles conditions.

Lorsque nous parlons de protection des frontières, nous ne devons pas seulement nous concentrer sur les frontières de la Suisse.

La protection des frontières commence bien avant. La protection des frontières commence dans le pays d’origine. Dès qu’un migrant se met en route, il est extrêmement difficile de l’arrêter. La plupart des migrants finissent par arriver dans le pays de leur choix, peut-être après X tentatives.

Ces mouvements migratoires sont organisés. Aucun migrant n’est assis quelque part à Kandahar en se disant que ce serait bien de traverser la frontière suisse à Buchs. La migration d’aujourd’hui est toujours synonyme de trafic criminel et donc d’exploitation, de souffrance humaine et d’appât du gain inconsidéré.

Abandonnons ici l’idée du passeur qui, pour des motifs nobles, conduit des familles entières, de nuit et par temps de brouillard, par des sentiers de montagne étroits, vers le pays du salut. La migration actuelle est composée de jeunes hommes que des passeurs criminels font passer à travers l’Europe via des téléphones portables, à distance de sécurité.

Je ne dis pas que ces personnes n’ont aucune raison de migrer. Ils viennent d’une pauvreté extrême, leurs familles paient de grosses sommes d’argent aux gangs criminels et on leur promet le paradis en Europe.

La route vers l’Europe est souvent très dangereuse et nous savons tous avec quel manque de scrupules la vie des migrants est mise en danger.

Une fois arrivé à la frontière extérieure de l’UE, il s’agit de surmonter les éventuels obstacles. Pour la Suisse, en tant qu’État membre de l’espace Schengen, les frontières extérieures de l’UE constituent ses propres frontières, raison pour laquelle elle participe activement à Frontex.

Alors que nous connaissons tous les images de la fortification de la frontière américano-mexicaine, d’autres fortifications ont également été érigées aux frontières extérieures de l’UE, sans que le public n’y prête attention, par exemple en Hongrie avec la Serbie ou, avec le financement de l’UE, en Grèce avec la Turquie.

Mais même avec de telles fortifications, vous n’empêchez pas durablement la migration. Vous pouvez tout au plus canaliser le flux migratoire, le ralentir et le rendre plus coûteux. Pour chacune de ces fortifications, on a trouvé des moyens de les franchir, par le haut, ou par le bas et si nécessaire par la force, par des passeurs.

Arrivés à notre frontière nationale, les migrants ont devant eux la frontière suisse, longue de 1’935 km. Cette frontière peut être franchie à 2’086 endroits, du sentier de randonnée à l’autoroute. Cela sans compter le terrain intermédiaire, environ un passage par kilomètre de frontière.

Chaque jour, environ 2.2 millions de personnes et 1.1 million de véhicules traversent légalement la frontière suisse.

Pour savoir si c’est beaucoup ou peu, jetons un coup d’œil aux chiffres des États-Unis. Nous y voyons 1.7 million d’entrées et de sorties et 450’000 véhicules par jour. La petite Suisse a donc un trafic frontalier plus intense que l’un des plus grands pays industrialisés du monde.

Il n’est pas nécessaire de contrôler en permanence l’ensemble des frontières nationales. La migration irrégulière est dirigée par des passeurs. Aucun passeur ne guidera les migrants n’importe où à travers la frontière si ce n’est pas nécessaire. Une grande partie de la migration se fait par train : Si les trains sont contrôlés à Buchs et Chiasso, on peut déjà intercepter une grande partie de la migration irrégulière. Les autres lieux sont contrôlés afin que les mouvements d’évitement soient détectés à temps.

Les contrôles systématiques aux frontières n’entraînent pas nécessairement des kilomètres de bouchons. En raison de la migration de transit irrégulière, l’Allemagne a introduit depuis l’année dernière des contrôles systématiques à la frontière avec la Suisse. Les contrôles sont concentrés, des priorités sont définies et une présence est marquée. Les effets sont perceptibles mais restent limités.

Le vrai problème, Mesdames et Messieurs, ce ne sont pas les contrôles aux frontières, mais ce qu’il advient des migrants refoulés après leur interception.

Les chiffres suivants le montrent :

  • En 2023, environ 50’000 tentatives d’entrée illégale ont été constatées.
  • Sur ce nombre, seules 8’000 personnes ont pu être remises aux autorités étrangères, c’est-à-dire là d’où elles étaient venues.
  • Ou, en d’autres termes, 42’000 personnes constatées n’ont pas pu être renvoyées vers l’État de sortie et ont pu entrer ou transiter librement. Comment en est-on arrivé à cette situation ? C’est une combinaison de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’interprétation des traités par nos voisins et de leur négligence administrative.
  • Ces 42’000 personnes peuvent toujours déposer une demande d’asile à la frontière. Cela a été fait dans 6’000 cas au maximum.
  • Si nous déduisons ce chiffre des 42’000 entrées effectives, nous avons un peu moins de 36’000 personnes qui transitent librement par notre pays. L’Autriche et l’Italie s’en réjouissent, car cela soulage leur système d’asile ; la France et l’Allemagne imposent en réaction des contrôles systématiques aux frontières avec la Suisse.

Voilà, Mesdames et Messieurs, le vrai problème. Tant qu’une personne qui n’est pas autorisée à entrer sur le territoire et qui n’a pas déposé de demande d’asile pourra entrer et transiter librement, notre pays sera une invitation pour les passeurs criminels et la migration irrégulière qu’ils soutiennent.

Dans ce contexte, il ne sert à rien d’augmenter les effectifs des gardes-frontières, d’installer des caméras ou d’ériger des clôtures. Il ne suffit pas d’intercepter les personnes, il faut pouvoir leur refuser l’entrée de manière efficace.

Les contrôles aux frontières peuvent-ils contribuer à rendre la Suisse plus sûre ? La réponse est clairement OUI, si complétée par d’autres mesures.

En 2016, nous avons connu une situation migratoire tendue à la frontière sud. Après une visite à Rome avec le conseiller fédéral Ueli Maurer, l’Italie a repris tous les migrants refoulés en l’espace de deux semaines. Bien sûr, cela a été en partie un jeu du chat et de la souris. Bien sûr, certaines personnes ont essayé jusqu’à huit fois, toujours sous d’autres identités. Et bien sûr, certaines personnes ont réussi à un moment donné à contourner les contrôles.

La différence avec aujourd’hui, c’est que les renvois se faisaient à la frontière et que l’Italie réadmettait ces migrants à 100 %.

En matière de protection des frontières, il faut du souffle. Il faut pouvoir supporter la frustration. Il faut être conscient qu’il n’y a pas de solutions parfaites ni de panacée. Surtout, il faut agir, pas seulement regarder.

Le contrôle des frontières est l’un des éléments permettant de maîtriser la migration irrégulière. La panacée tant attendue n’existe pas. Il faut utiliser tous les moyens de manière coordonnée.

Je conclus mon propos comme suit :

  1. Il est impossible de contrôler chaque entrée et chaque sortie.
  2. Le problème fondamental est que les renvois vers les pays voisins ne fonctionnent pas.
  3. Les contrôles aux frontières ne résolvent pas à eux seuls le problème de l’immigration irrégulière et il est impossible de s’en passer. Ils sont une pièce du puzzle. D’autres mesures sont nécessaires et on ne peut renoncer à aucune d’entre elles.
 
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