La version orale du discours fait foi
par Franz Grüter, conseiller national, vice-président de l’UDC Suisse, Eich (LU)
Messieurs les Conseillers fédéraux, Messieurs les anciens Conseillers fédéraux, Monsieur le Président, Chers Délégués, Chers Hôtes,
Lancée par 130 organisations de défense des droits de l’homme et de l’environnement, l’initiative populaire « Entreprises responsables » exige une meilleure protection des êtres humains et de leur environnement. Ses auteurs entendent placer les entreprises en Suisse ainsi que leurs fournisseurs dans le monde entier devant leurs responsabilités. *
A priori, cet objectif paraît raisonnable. Qui donc pourrait s’opposer aux droits humanitaires et à la protection de l’environnement? Mais en y regardant de plus près, on constate que ce projet passe complètement à côté de sa cible.
A propos de tir à la cible: les initiateurs ont évidemment la société Glencore dans leur collimateur, mais en réalité ils tirent sur toutes les PME suisses. Car cette initiative ne vise pas seulement quelques grands groupes industriels, mais frappe CHAQUE entreprise suisse. Le texte de l’initiative ne contient que le mot « entreprise ». Il n’y est jamais question de groupes industriels. Le titre de « Initiative multinationales responsables » utilisée par les initiateurs dans leur propagande constitue une désinformation consciente des citoyennes et citoyens suisses.
Les auteurs de ce projet se comportent comme autrefois les puissances coloniales: ils veulent imposer au monde entier la conception suisse du droit.
C’est une attitude que nous autres, gens de l’UDC, nous connaissons bien: l’UE et ses juges cherchent également à placer leurs lois au-dessus de la législation suisse. Nous nous y opposons évidemment de manière véhémente. Mais à l’inverse nous ne pouvons pas non plus nous comporter de la sorte à l’égard du reste du monde. Nous ne voulons pas de juges étrangers, mais nous ne voulons pas non plus être des juges étrangers dans d’autres Etats!
Je vous le dis tout net: cette initiative est extrêmement dangereuse pour notre économie. Elle aurait pour conséquence une avalanche de procédures judiciaires lancées des quatre coins du monde contre des sociétés suisses. Les avocats américains se frottent déjà les mains. Ils feraient sauter les bouchons de champagne en cas d’acceptation de l’initiative. Idem pour les ONG qui vivent confortablement de l’industrie de l’aide au développement et de la protection de l’environnement.
Non seulement les entreprises, mais aussi leurs fournisseurs et sous-traitants auraient quasiment une jambe dans une salle de tribunal à chaque fois qu’ils commencent à déployer une activité globale. Cette initiative issue de la gauche écologiste exige en effet qu’une procédure judiciaire puisse être intentée en Suisse à chaque fois que les standards légaux suisses ne sont pas respectés à quelque part dans le monde.
Il s’ensuivra forcément une vague de plaintes contre les entreprises sises en Suisse. Qui plus est, le fardeau de la preuve serait inversé. En clair: le plaignant ne devrait plus faire la preuve que l’entreprise incriminée à commis une faute, mais l’entreprise devrait prouver son innocence. Incroyable, mais vrai!
Imaginez un instant ce que signifie l’inversion du fardeau de la preuve dans la vie privée. Votre voisin vous accuse d’avoir volé les pommes de son arbre et vous seriez contraint de prouver que vous n’êtes pas coupable. Et comme votre voisin habite au Kenya, le procès aurait lieu en Afrique. Cela vous paraît absurde? Sans doute, mais c’est ainsi que fonctionne ladite « Initiative multinationales responsables ».
Cette initiative est surtout l’expression du mépris total des systèmes judiciaires et des juridictions des autres pays. Curieuse mentalité que celle des auteurs de ce projet: les tribunaux des autres pays ne les intéressent absolument pas; seuls comptent à leurs yeux les tribunaux suisses. La Suisse s’érigerait en instance judiciaire et morale mondiale. En quelque sorte, le tribunal du district de la Broye devrait trancher des litiges judiciaires qui se déroulent au Congo, au Brésil ou partout ailleurs dans le monde.
Cette initiative repose sur l’idée mégalomaniaque selon laquelle la Suisse peut imposer au monde entier son standard juridique.
C’est une évidence: le monde est loin d’être parfait. Mais en y regardant de plus près, vous constaterez que la majorité des problèmes ont pour origine des dysfonctionnements des Etats. Prenez la crise Russie-Ukraine, voyez la Syrie, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Afghanistan ou le Pakistan. Elle est longue, la liste des pays où les droits humanitaires fondamentaux sont mal protégés. En cas d’acceptation de cette initiative, des entreprises suisses ne pourraient quasiment plus travailler dans ces pays.
Posons-nous sérieusement la question: est-ce raisonnable de contraindre des entreprises ayant leur siège en Suisse de se retirer des pays en voie de développement parce que cette initiative leur impose des risques trop élevés, donc les forcer de céder leur place à des sociétés russes ou chinoises? Croyez-vous sincèrement que les habitants de ces pays se porteraient mieux ainsi?
Cette initiative impose aux entreprises suisses des risques qui le rendent vulnérables. Ils devront se retirer des régions à risques élevés ou mettre fin à leur collaboration avec les sous-traitants du lieu. Les pays les plus pauvres du monde en seraient les premières victimes. Ils perdraient des emplois et de la prospérité. Du coup, les mêmes milieux que ceux dont est issue cette initiative demanderaient des milliards de francs supplémentaires pour l’aide au développement. Et, comme de coutume, les contribuables suisses paieraient la facture de ces idées gauchistes.
Il faut rappeler une fois de plus dans ce contexte que les entreprises suisses ont aujourd’hui déjà un comportement exemplaire et qu’elles assument parfaitement leurs responsabilités dans le monde entier. Bien sûr, il existe comme partout des brebis galeuses. Des dysfonctionnements ne peuvent pas toujours être empêchés, mais leurs auteurs sont placés devant leurs responsabilités – également par les tribunaux des pays où ils agissent. De plus, les sociétés fautives sont fréquemment clouées au pilori, ce qui est au moins aussi efficace qu’un procès.
Encore une fois: nous exigeons que les entreprises suisses se comportent correctement, mais vouloir imposer la Suisse comme gendarme moral dans le monde entier relève d’une arrogance extrême. Notre pays serait le seul à se doter d’une telle loi.
En cas de refus de l’initiative par le peuple, le contreprojet adopté par les chambres fédérales entrerait automatiquement en vigueur. Son contenu: les entreprises doivent régulièrement faire rapport sur les risques que représentent leurs activités internationales pour les êtres humains et l’environnement et sur les mesures qui ont été prises pour empêcher ces risques.
Cette obligation de rendre compte va même plus loin que les objectifs de l’initiative et englobe les domaines suivants:
Mesdames et Messieurs les Délégués, pour toutes ces raisons je vous prie de dire
NON à la discrimination des entreprises suisses,
NON à la tentative de faire de la Suisse le gendarme du monde,
NON à ce que la Suisse joue les juges étrangers dans d’autres pays,
NON à l’américanisation de notre système légal,
NON à un projet qui se retourne finalement contre l’homme et son environnement,
NON tout simplement à un projet aussi arrogant qu’absurde!
Extraits du texte de l’initiative et du site internet des initiateurs:
*ces obligations s’appliquent aux entreprises contrôlées ainsi qu’à toutes leurs relations commerciales (trad.);
* le contrôle qu’une entreprise exerce sur une autre entreprise dépend de la situation effective; un contrôle peut aussi s’exercer moyennant une position de force économique (trad.).
https://konzern-initiative.ch/wp-content/uploads/2018/05/20170915_erlaeuterungen-de.pdf