Droit de timbre ou comment moissonner avant les semailles

Le droit de timbre d’émission est un impôt particulier qui ne peut que choquer les agrariens que nous sommes. L’UDC est un parti proche de la terre, nous savons donc bien qu’il faut respecter le cycle des saisons si nous voulons profiter des fruits de la nature.

Céline Amaudruz
Céline Amaudruz
conseillère nationale Genève (GE)

Avec le droit de timbre, on met quasiment au sens propre la charrue avant les bœufs. En bonne logique, on sème, on veille sur la future récolte et au final, on moissonne. Pendant que le blé pousse, on dispose des épouvantails pour chasser les oiseaux avides de grain nouveau. Ce n’est qu’au moment des moissons que l’agriculteur sait ce qu’il va mettre au grenier, c’est à ce moment-là que l’impôt devrait être perçu, sur la récolte.

Le droit de timbre fait l’exact inverse, il tape là où ça fait le plus mal, avant les semailles, directement dans le sac de semences. Et pour chaque grain de blé que l’Etat prélève, c’est un épi qui manquera lors des moissons. Ainsi, avec cet impôt à rebours du bon sens, l’Etat ne s’octroie pas une part de la future récolte, il la met en péril en contrariant le travail du paysan.

Nous avons la chance de pouvoir compter sur un tissu économique très diversifié, ce qui lui permet de résister en cas de crise comme celle que nous traversons aujourd’hui. Cela doit à la compétence de notre main d’œuvre, à l’innovation de nos entreprises et à la qualité de nos produits. La fiscalité attractive que nous pratiquons en Suisse ajoute à ces avantages et fait de notre pays un site intéressant pour les investisseurs. Hélas, notre situation suscite des jalousies. Les facilités fiscales dont bénéficient les entreprises vont considérablement s’amenuiser eu égard aux nouvelles règles internationales en préparation. Nous allons devoir nous adapter aux futurs standards OCDE qui prévoient un taux plancher fiscal de 15% pour les entreprises. Actuellement, le taux suisse moyen est de 14,9%, certains cantons étant largement en-dessous comme Zoug avec 11,9% ou Genève avec 14%. Notre pays ne sera plus aussi attractif pour les investisseurs qu’il ne l’est aujourd’hui alors que la capacité de financement constitue un préalable pour la naissance et le développement de toute entreprise. Certes, le droit de timbre ne s’applique qu’à partir du seuil d’un million mais il dissuade l’investissement dans la mesure où il est prélevé avant même que le premier franc n’ait été engagé.

Il est évident que la perspective d’être taxé sur du capital qui n’a encore rien rapporté n’est pas particulièrement enthousiasmante et ne peut que compliquer la vie des entreprises naissantes ou le refinancement de celles qui manquent de fonds propres suite à une crise économique. Par simple information, on pourrait considérer que seules les multinationales sont concernées par le droit de timbre mais on aurait tort. En fait, près de 90% des entreprises touchées par cet impôt sont des PME. On parle ici de sociétés de moins de 250 employés, formant plus de 99% des entreprises marchandes en Suisse et générant deux tiers des emplois chez nous. Le droit de timbre fragilise donc directement les travailleurs en compromettant l’avenir des entreprises qui les emploient.

En pratique, alors qu’il faudrait accueillir l’investisseur avec gratitude, on commence par lui demander de l’argent pour qu’il puisse ensuite investir chez nous. Comme message de bienvenue, il y a mieux. Le droit de timbre d’émission constitue un impôt présomptueux car il véhicule l’idée qu’investir en Suisse est un privilège qui se paie. Nous sommes parmi les meilleurs, c’est vrai et nous pouvons nous en féliciter mais cela ne doit pas nous conduire à l’arrogance.

Le droit de timbre constitue une marque de défiance vis-à-vis des entrepreneurs suisses. L’Etat anticipe une future gamelle en se servant avant que l’argent ne soit mis au service de l’entreprise. On met moins d’huile dans le moteur sous prétexte qu’il pourrait serrer, accentuant ainsi précisément les risques de tomber en panne. Le droit de timbre est un impôt dangereux, un boulet que trainent nos entreprises alors que dans le reste du monde, la concurrence n’est pas entravée comme elle l’est ici.

La suppression du droit de timbre d’émission est une nécessité absolue compte tenu de ce qui se passe dans le monde. On pourrait même y voir un impératif constitutionnel dans la mesure où la Constitution précise à son article 2 chiffre 2 que la Confédération favorise la prospérité commune, ce que l’impôt dont nous parlons met précisément en péril.

Evidemment, la gauche hurle au scandale, évoquant un nouveau cadeau fait aux riches. Elle se trompe, comme souvent mais ce n’est pas étonnant. La gauche a l’habitude de dépenser l’argent qui n’a pas encore été gagné, elle trouve donc logique de taxer ce même argent lorsqu’il n’a pas encore travaillé. Voyons un peu ses arguments.

Les Verts prétendent qu’en « supprimant ce droit, on ne génère ni investissements, ni emplois. Seules 2’200 entreprises y sont soumises, les 588’000 autres PME en Suisse n’en profitent pas. » On reste pantois devant une telle méconnaissance de notre tissu économique. Il n’y a guère en Suisse d’entreprises qui fonctionnent de manière autarcique, subvenant de manière interne à leurs propres besoins. Combien de grandes marques donnent-elles du travail à des sous-traitants qui ne sont effectivement pas concernés par le droit de timbre mais qui doivent leurs commandes aux sociétés qui le sont ? En tant que Genevoise, je crois connaitre assez bien le monde de l’horlogerie et peux vous dire que derrière un label prestigieux, on trouve de nombreuses PME travaillant sur l’un ou l’autre composant du produit fini.

Travail.Suisse estime « indécent de favoriser encore plus les grandes entreprises et les riches actionnaires alors que les bas et moyens revenus, de nombreux indépendants et plusieurs branches ont été touchés de plein fouet par la crise de Covid-19 et continueront encore longtemps à en ressentir les effets. » Précisément, la crise Covid fragilise notre tissu économique, c’est bien pour cela que la suppression du droit de timbre s’impose maintenant, lorsque les entreprises en ont le plus besoin. Et pour le reste, les indépendants cités par Travail.Suisse n’ont-ils pas intérêt à avoir des clients ?

La parole maintenant à Cédric Wermuth, co-président du Parti socialiste : « La majorité de droite veut de nouveaux cadeaux fiscaux pour les grandes entreprises. Les conséquences sont claires : nous allons toutes et tous en payer le prix. Avec ce référendum, nous pouvons arrêter ce hold-up. Une fois de plus, il s’agit de faire des cadeaux aux grandes entreprises et de laisser le reste de la population payer l’addition. »

Pour Monsieur Wermuth, le reste de la population serait donc constitué de personnes qui vivent aux crochets de l’Etat et qui seraient prétéritées par le fait que ce même Etat aurait moins à leur donner. Non, heureusement tel n’est pas le cas. Le reste de la population, ce sont pour l’essentiel des hommes et des femmes responsables qui souhaitent travailler et vivre du fruit de leur travail. Ce sont des hommes et des femmes qui réclament une économie prospère à laquelle ils participent et dont ils profitent. Ce sont nous toutes et tous qui nous levons largement avant huit heures pour aller gagner ce que Monsieur Wermuth a tant de plaisir à dépenser en faveur de sa clientèle.

En fait et contrairement à ce que la gauche prétend, la suppression du droit de timbre d’émission est un soutien en faveur de notre tissu économique confronté à une concurrence internationale de plus en plus féroce. C’est un geste de confiance envers nos entrepreneurs dont on anticipe non plus l’échec mais bien la réussite. C’est un geste envers nous, citoyennes et citoyens qui contribuons par notre travail à la prospérité de notre pays.

Et pour conclure, j’aimerais dire à Monsieur Wermuth que s’il craint de voir l’Etat se priver de 250 millions de francs, il devrait commencer par ne pas en proposer 2 milliards à l’Union européenne.

Céline Amaudruz
Céline Amaudruz
conseillère nationale Genève (GE)
 
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