Dysfonctionnements dans la politique d’asile suisse

par Rita Fuhrer, conseillère d’Etat, Auslikon (ZH)

Le rapport sur la sécurité 2003 vient d’être publié. On y apprend notamment que 79% de la population considèrent le contrôle de la proportion d’étrangers vivant en Suisse comme élément essentiel de la sécurité intérieure du pays. Il est évident que le règlement du problème de l’asile est au cœur de cette préoccupation du public. Or, nous sommes encore très loin d’une solution. Le Conseil fédéral et les autres partis politiques n’ont certes reculé devant aucun moyen pour combattre la dernière initiative UDC sur l’asile, mais la même année, où le peuple a rejeté d’extrême justesse notre initiative, le nombre de demandes d’asile déposées en Suisse a augmenté de 26,6% par rapport à l’année précédente. Et cela bien qu’il n’y eût plus de conflit ouvert sur notre continent ou d’autres raisons justifiant une vague de réfugiés. Par rapport à la population de la Suisse, nous recevons sensiblement plus de demandes d’asile que les pays voisins. Et le fait que plus de 90% des requérants – pour certaines origines même plus de 95% – ne satisfont pas aux critères pour l’octroi de l’asile montre bien que quelque chose ne fonctionne pas correctement dans ce système.

En fait, c’est une véritable migration qui a lieu sous le titre de l’asile. La Suisse est envahie par des personnes qui, en vertu du droit des étrangers, n’obtiendraient jamais une autorisation de séjour chez nous. Et, le plus souvent, il s’agit de personnes très mal qualifiées, inaptes à l’intégration ou n’ayant aucune volonté de s’intégrer. Bien sûr, ces hommes et ses femmes vivent chez eux dans des conditions plus diffi-ciles que les habitants de notre pays. Mais il ne s’agit ni de réfugiés, ni de persécutés. Et le fait qu’ils déposent tout de même une demande d’asile après avoir réuni souvent des moyens financiers considérables pour financer leur voyage montre bien que la perspective d’un refus de leur demande ne les effraie nullement. Bien au contraire, on sait depuis longtemps qu’en exploitant tous les moyens de droit on peut rester des années en Suisse, qu’en taisant sa véritable identité et en refusant de coopérer on peut empêcher une expulsion et que l’on a de bonnes chances de pouvoir rester définitivement en Suisse sous un titre prétendument « humanitaire » à condi-tion de s’accrocher assez longtemps. N’oublions pas non plus que le taux de criminalité atteint chez les requérants d’asile un multiple de ce qu’il est pour l’ensemble de la population étrangère résidant en Suisse. Ce constat ne concerne pas la petite minorité de personnes réellement persécutées qui méritent protection, mais il y a parmi les requérants trop d’éléments criminels qui abusent grossièrement de l’asile suisse. Voilà pourquoi notre pays doit enfin cesser d’être attractif pour des personnes qui n’ont aucune qualité de réfugié. Concrètement, cela signifie que la Suisse doit

– renforcer les contrôles à la frontière;

– accroître la responsabilité de la Confédération dans la procédure d’asile, car c’est la Confédération qui est compétente pour légiférer dans ce domaine;

– déterminer immédiatement l’identité des requérants d’asile, car leur renvoi ul-térieur n’est possible que si on sait d’où ils viennent; en outre, nous avons besoin de mesures de contraintes plus dures à l’égard des personnes qui dissimulent leur identité et refusent de collaborer à l’enquête des autorités;

– accélérer les procédures;

– exclure du système de l’assurance sociale les requérants jusqu’à ce que les autorités aient pris une décision positive;

– renvoyer effectivement les personnes dont la demande a été refusée.

Voilà la seule manière de briser le cercle vicieux des demandes d’asile en hausse constante et des problèmes d’exécution qui en découlent. Je suis persuadée que l’on saura très vite qu’il ne sert à rien de déposer une demande en Suisse si on ne répond pas aux critères de l’asile. Les exemples d’autres pays me confirment dans cette conviction.

Dans le cadre de son programme d’assainissement, la Confédération entend baisser les coûts du secteur de l’asile et multiplier notamment le nombre de refus d’entrer en matière sur les demandes. L’idée est juste, mais je m’oppose vigoureusement à la manière dont entend procéder la Confédération. Le problème n’est pas simplement juridique quand on exclut un requérant de la législature sur l’asile après avoir refusé d’entrer en matière sur sa demande. En réalité, l’intention de la Confédération doit être interprétée comme suit:

– la Confédération ferme les yeux devant les problèmes réels. Il est illusoire de croire qu’un grand nombre de personnes dont la demande a fait l’objet d’un refus d’entrer en matière quittent ensuite volontairement le pays. Si cela était, aujourd’hui déjà les requérants dont la demande a été refusée sortiraient de Suisse.

– le projet du Conseil fédéral entraîne un transfert des coûts de la Confédération aux cantons. En effet, même après un refus d’entrer en matière sur leur demande, les requérants ont droit à une assistance minimale, principe qui est d’ailleurs ancré dans la Constitution fédérale. La nouveauté est tout simplement que la Confédération remet le financement aux cantons et s’en sort avec une pe-tite indemnité forfaitaire. Et cette même Confédération défend le principe que l’assistance minimale comprend l’assurance-maladie. Difficile de s’enfoncer plus profondément dans les contradictions: d’un côté, on refuse d’entrer en matière et on s’attend à ce que les requérants refusés quittent gentiment le pays, de l’autre côté, on leur offre une assurance-maladie obligatoire. Une attitude correcte de la Confédération consisterait à définir une assistance minimale dépendant de la bonne volonté des requérants à collaborer avec les autorités, puis à participer aux coûts de cette aide.

– la Confédération entame un pur exercice alibi en faisant tout simplement disparaître de la statistique de l’asile les personnes dont la demande d’asile a fait l’objet d’un refus d’entrer en matière. A son niveau, la Confédération aura résolu son problème puisque ces requérants d’asile seront sortis de sa statistique. Par contre, le problème reste entier dans les cantons et les communes, car ces personnes continueront d’y séjourner de manière clandestine, sans papier et sans contrôle des autorités. Et les habitants sont doublement furieux, car la Confédération prétend que le problème de l’asile est résolu alors qu’ils vivent exactement le contraire dans la vie quotidienne.

Je me suis engagée à fond l’an passé pour l’initiative sur l’asile et j’ai été très heureuse de la voir acceptée dans le canton de Zurich. En fait, il est tout simplement effrayant de constater que les problèmes qui parlaient à l’époque en faveur de l’acceptation de l’initiative persistent aujourd’hui dans toute leur ampleur. Le principal problème, c’est que l’immense majorité des requérants d’asile ne répondent d’aucune manière aux conditions fixées pour l’obtention de l’asile. Et qu’une fois leur demande dûment rejetée, il est extrêmement difficile, voire impossible de les renvoyer du pays. Ce problème persistera et continuera de s’alourdir si la Confédération refuse d’assumer ses responsabilités pour des raisons financières.

 
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