Il est évident que le Conseil fédéral ne soutient pas l’agriculture, pire, il entreprend tout ce qui est son pouvoir pour l’affaiblir. La session spéciale qui a eu lieu en décembre dernier sur…
Il est évident que le Conseil fédéral ne soutient pas l’agriculture, pire, il entreprend tout ce qui est son pouvoir pour l’affaiblir. La session spéciale qui a eu lieu en décembre dernier sur demande de l’UDC a toutefois permis de relancer cette thématique au Conseil national. Plusieurs motions et d’autres interventions parlementaires en faveur de l’agriculture ont été acceptées contre la volonté du Conseil fédéral. Par exemple, l’initiative parlementaire pour la souveraineté alimentaire qui a passé avec succès l’examen des deux chambres législatives.
La récente décision du DFE, département dirigé par la conseillère fédérale Doris Leuthard, de réduire les droits de douane sur la farine juste avant la récolte de blé illustre bien l’obstination du Conseil fédéral à casser les prix à la production. Cette attitude est intolérable et révèle l’hypocrisie du DFE et de l’OFAG qui par ailleurs ne cessent de clamer leur attachement à l’agriculture et à une production nationale de denrées alimentaires. Ces abaissements des droits de douane tout comme l’éventuel aboutissement des négociations sur un accord de libre-échange agricole avec l’UE signifieraient la fin pour de nombreux paysans et exploitations agricoles.
Dans un marché agricole complètement ouvert et libéralisé, les denrées alimentaires sont produites là où c’est le moins cher. Il n’y a rien de plus logique et de plus normal. Mais les paysans suisses n’auraient aucune chance dans une telle guerre des prix et des coûts. Les exploitations agricoles suisses ne disposent que de petites surfaces; les investissements sont coûteux, les salaires et charges salariales annexes élevés. Les prescriptions régissant la production agricole – notamment concernant la protection des animaux et de l’environnement – sont beaucoup plus sévères en Suisse qu’à l’étranger. Tous ces facteurs réduisent massivement la compétitivité internationale des paysans suisses.
L’ouverture du marché et le libre-échange agricole voulus par le Conseil fédéral écarteraient forcément l’agriculture suisse au profit des importations bon marché et augmenteraient notablement la dépendance de la Suisse de l’étranger. Les arguments qui parlent en faveur du libre-échange dans d’autres secteurs et branches économiques ne s’appliquent pas à l’agriculture et à la production alimentaire. Le degré d’auto-approvisionnement de la Suisse ne cesse de baisser. Il est déjà tombé à 59%. Une raison supplémentaire pour encourager et soutenir l’agriculture nationale.
La regrettable discussion sur les prix prétendument trop élevés des denrées alimentaires suisses part de bases complètement fausses, mais le Conseil fédéral et une partie du lobby commercial l’entretiennent soigneusement au détriment de l’agriculture. Si on suivait ces milieux, le revenu agricole tomberait à un niveau interdisant toute survie économique.
En fin de compte, la population suisse ne profiterait pas d’une baisse des prix, car on se contenterait d’importer des matières premières bon marché de l’étranger, mais la transformation continuerait de se faire en Suisse, donc à un coût élevé. Il faudrait sans doute importer uniquement des produits finis et supprimer l’industrie alimentaire de transformation et tous ses emplois pour que les prix des aliments baissent effectivement en Suisse. Mais il y aurait alors un autre prix à payer, c’est-à-dire la dépendance complète de l’étranger ainsi que la suppression de branches entières et de nombreux emplois. La conseillère fédérale Doris Leuthard se contente de prêcher aux paysans qu’ils n’ont une chance de survie qu’en produisant des aliments de qualité qui peuvent être vendus à un prix élevé; de l’autre côté elle tente de faire croire à la population suisse que le libre-échange agricole est utile et nécessaire pour faire baisser enfin les prix prétendument trop élevés des denrées alimentaires suisses. Difficile d’être plus contradictoire dans ses déclarations!
Contrairement à ce qu’on nous rabâche en permanence, la politique agricole de la ministre de l’économie sert finalement à préparer le terrain à une adhésion sans accroc à l’UE. Preuve en est aussi l’introduction unilatérale par la Suisse du principe du Cassis de Dijon qui ouvre toutes grandes les portes à l’importation et à l’admission de produits UE alors que les producteurs suisses n’ont pas les mêmes droits sur le marché UE. Une fois de plus la Suisse abandonne toute souveraineté et tout contrôle dans un domaine vital pour chaque pays (par analogie à ce qui se passe avec la libre circulation des personnes). Il faut empêcher cela. Mais non pas moyennant une suspension passagère des négociations comme le propose timidement le PDC, mais par l’arrêt immédiat des négociations sur le libre échange agricole – surtout avec l’UE, mais aussi dans le cadre de l’OMC.