En réponse à la question de savoir si elle était en faveur d’une adhésion de la Suisse à l’UE, Monique Jametti Greiner affirme : « Ich bin zutiefst überzeugt davon, dass wir unsere…
Walter Schmied, conseiller national, Moutier (BE)
En réponse à la question de savoir si elle était en faveur d’une adhésion de la Suisse à l’UE, Monique Jametti Greiner affirme : « Ich bin zutiefst überzeugt davon, dass wir unsere Referendumsdemokratie in der heutigen Form nach einem EU-Beitritt nicht beibehalten können » (Bielertagblatt 14.11.05). [ trad. : Je suis profondément convaincue du fait que notre démocratie référendaire, telle que nous la connaissons aujourd’hui, ne pourrait pas être maintenue suite à une adhésion à l’UE ]. Un tel aveu, venant de la femme qui fut chargée, au nom du Conseil fédéral, de mener à bien les négociations portant sur les accords Schengen/Dublin, ne procède certainement pas d’une démarche inconsidérée mais, tout au contraire, il est l’expressif reflet de la réalité.
L’UDC plaide la collaboration de la Suisse avec l’UE, comme elle le fait également avec tout autre pays ou entité politique, n’oubliant pas que notre pays se situe au sein du continent européen. Mais voilà ! La Suisse vit au rythme de sa démocratie directe. Cette dernière confère à la population des droits de décision et de participation élargis, alors que les élites politiques élues à tous les échelons du pays n’exercent en fait que des rôles de conseillers (Conseillers fédéraux, Conseillers nationaux, Conseillers aux Etats, Conseillers d’Etats, Conseillers communaux, etc.). Il est vrai aussi que certains politiques s’accommodent difficilement d’un tel rôle, et le titre de ministre, tel qu’il tend à être utilisé de plus en plus dans certains départements fédéraux et entrant progressivement dans le langage des médias, relève en fait d’une singulière tentative d’usurpation de pouvoir. En Suisse, la responsabilité des décisions prises incombe donc au peuple et il en est bien ainsi. Le phénomène engendre des répercussions jusque dans les moindres détails et il est heureux de constater, par exemple, que le salaire d’un Conseiller fédéral n’atteint pas celui d’un ministre qui assume dans les pays voisins de réelles compétences.
Il est donc approprié et juste d’affirmer que la Suisse existe bel et bien grâce à sa démocratie directe qui défère au peuple le pouvoir de décision.
La démocratie directe, un art de vivre en Suisse
En cas d’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, le peuple suisse perdrait une bonne partie de ses droits démocratiques dans la mesure où notre pays devrait céder à Bruxelles d’importantes compétences législatives. Plusieurs études ont été faites pour déterminer la proportion d’objets de votation directement ou indirectement touchés par le droit de l’UE en cas d’adhésion.
Or ce qui compte pour les citoyennes et les citoyens, au-delà du nombre des objets soumis à votation, c’est la nature et la signification politique des thèmes sur lesquels elles et ils ne pourraient plus se prononcer. Ainsi il ne ressort pas de ces chiffres le fait que le droit d’initiative populaire à l’échelle suisse, ainsi que celui des parlementaires ou encore celui des cantons, se heurterait bel et bien à la primauté du droit de l’UE. Ces statistiques ne mentionnent pas non plus que pratiquement la moitié des référendums facultatifs seraient ainsi exclus. Le droit quasi naturel qu’ont les Suissesses et les Suisses de participer directement à presque toutes les décisions politiques, ou encore celui de pouvoir empêcher une décision ou de la provoquer par référendum ou par initiative, ces droits seraient largement caducs. Voici ce qu’a déclaré à ce propos le président de la Cour constitutionnelle d’Autriche dans une interview accordée au journal « Kurier » (29.11.2000) : « La République d’Autriche doit oublier le principe selon lequel le droit autrichien part du peuple, donc qu’il est démocratiquement légitimé. »
Le déficit démocratique de l’UE
En Suisse, les citoyennes et les citoyens ne se considèrent pas comme de simples spectateurs de la scène politique, ni n’acceptent d’être pris en otages par la classe politique. Ils veulent déterminer eux-mêmes leur avenir. On ne saurait dès lors accepter qu’en échange de la suppression du droit de participation directe au plan intérieur de notre pays l’on nous gratifie quelques infimes droits de codécision à Bruxelles. C’est précisément dans le même esprit que le Conseiller fédéral Kaspar Villiger déclarait dans son allocution du 1er août 2000 : « Il est vrai que le droit de codécision à Bruxelles compense d’une certaine manière la perte de droits démocratiques. Mais ce sont des autorités et des fonctionnaires qui exercent les droits de codécisions à Bruxelles, alors que la perte de droits démocratiques touche chaque citoyenne et chaque citoyen ». En clair, un droit de codécision concédé à la Suisse, par Bruxelles, resterait l’affaire d’experts suisses et ne serait donc plus du ressort du peuple, lequel serait donc le grand perdant, et ceci sur les deux tableaux : celui de ses droits actuels et celui de ses droits face à l’UE.
L’UE est d’ailleurs consciente des lacunes démocratiques de son organisation. Mais peut-elle réellement s’astreindre à vouloir combler ces manques sans prendre en compte le risque de gripper les rouages et de faire sauter tout la machine ? J’en doute fortement. Peut-on sincèrement imaginer les peuples européens appelés, par exemple, à se prononcer par les urnes sur la réforme de leurs armées ? Et est-il d’autres peuples qui voteraient de leur propre gré les taxes et autres augmentations d’impôts et de TVA à payer ? Trêve de plaisanterie. Ce qui est sûr et certain, c’est que la pratique de la démocratie directe est fonction d’une longue tradition et d’une culture politique vulnérable et sensible exercé au niveau du peuple disposé à endosser pleinement ses responsabilités tout au long du procédé. Un tel système ne s’importe pas, et à fortiori ne se laisse ordonner par une constitution européenne, laquelle vient d’échouer. Un des grands objectifs de cette constitution avait précisément pour enjeu de rapprocher l’UE de ses citoyens et de rendre l’ensemble plus démocratique. Mais le résultat de cette tentative fut plutôt mince. Au moins, le projet de constitution européenne contenait-il la possibilité de lancer une initiative populaire.
Pour ce faire il fallait réunir un million de signatures. Or, dans la réalité, et au regard du droit suisse, il ne s’agissait que d’une forme de simple pétition car, une telle initiative européenne n’aurait pas contraint le législateur à entrer en matière sur la requête des signataires.
Les petits pays n’ont pas voix au chapitre
On affirme souvent que les droits des petits pays membres de l’UE sont fort bien protégés et que, dans les faits, leur voix pèse plus lourd que celle d’un grand Etat. Or, suite à l’élargissement de l’UE aux pays de l’Est, le processus de décision, requérant jusqu’ici l’unanimité des membres, sera progressivement remplacé par un système de décision à la majorité. Indéniablement, ce nouveau procédé renforce considérablement la position des grands pays au détriment des plus petits. En outre, selon un compte-rendu de l’hebdomadaire allemand « Spiegel » (no 19/2000, p. 199), il est à craindre que dans la future UE les fonctions au plus haut niveau seront occupées avant tout par des personnalités nommées par les grands pays. Dans cet article, le ministre finlandais des affaires étrangères se plaint de ce que, dans le domaine de la politique de sécurité par exemple, les postes les plus importants sont réservés au grands pays ou aux membres importants de l’OTAN. Pareil procédé est évidemment aux antipodes de l’idée que les Suissesses et les Suisses se font de la démocratie.
Conclusion
On constate que l’UE demeure un ensemble centralisé, éloigné des principes élémentaires d’intégration des populations concernées. Cela étant, elle évolue à l’opposé de la conception suisse, car notre pays reste fondé sur l’exercice de la démocratie directe. Cette analyse gagne encore en pertinence à la lumière de la nouvelle plate-forme du PSS relative à l’UE et divulguée récemment. Le président du parti socialiste, Hans-Jürg Fehr reconnaît enfin que « l’on n’entre pas dans l’Europe comme on va au cinéma » (LQJ 9.11.05). Voilà qui constitue une nouvelle orientation du langage. A en croire l’élite du parti, le PSS tiendrait aussi à la démocratie directe qui ne serait pas en péril selon M. Fehr car, il suffirait de compléter le droit suisse par un nouveau droit, celui de l’initiative européenne. A l’évidence les europhiles du parti ne se sont pas rendus compte que le droit européen primerait sur le droit suisse et ils ne semblent pas encore avoir découvert que la portée juridique d’une telle initiative ne dépasserait pas celle de la pétition. Mais laissons-les pour l’instant à leurs études. Nous sommes heureux d’apprendre qu’enfin nous allons bientôt disposer d’un partenaire de discussion sur le sujet.
Un fait est aujourd’hui clairement établi : toute décision relative à une éventuelle adhésion de la Suisse à l’UE restera indubitablement un irréversible choix politique entre deux types de sociétés : la démocratie directe d’une part, et une conception étatique ignorant la volonté des citoyens, donc très proche d’un système oligarchique d’autre part. Quant à nous, le choix est fait, et il l’est depuis longtemps.