Le système d’asile dans les cantons n’est pas loin de l’implosion !
Si la Confédération ne peut pas fournir rapidement des réponses valables à nos questions, la patience de nombreux partenaires et surtout celle d’une grande partie de la population sera à bout. Je crains alors que l’on assiste à une diminution de la tolérance, voire à une xénophobie ouverte et que la cohésion du pays soit menacée.
Il y a 6 questions clés :
La manière dont nous menons la politique d’asile ne peut plus être poursuivie de la sorte. Nous envoyons de mauvais signaux et sommes donc trop attractifs en tant que pays.
La tradition humanitaire de la Suisse n’est pas en cause. Celui qui doit craindre pour sa vie trouvera un accueil en Suisse. Le regroupement familial doit également être possible (mais uniquement pour les enfants mineurs et les conjoints et uniquement en cas d’indépendance financière). Il faut toutefois endiguer l’afflux de personnes qui n’ont aucune chance de pouvoir rester ici et qui pèsent souvent sur le système pendant de nombreuses années. Les possibilités de recours doivent également être réduites et accélérées. Il faut éviter de créer de facto un « statu quo » lorsqu’une procédure s’étend sur 4 ou 5 ans. Et c’est la politique, ou le canton, qui est le « méchant » si la personne doit quitter la Suisse.
Les personnes avec un permis N ou même sans permis du tout surchargent le système. Nos efforts d’intégration sont très souvent réduits à néant et les moyens mis en œuvre sont trop larges. Il faut des décisions plus rapides afin de savoir qui peut rester et qui ne le peut pas.
Les cantons sont à bout de souffle. Nous sommes contraints d’ouvrir des hébergements collectifs dans des lieux qui ne s’y prêtent pas vraiment. Nous le faisons quand même, car nous n’avons pas d’autre choix. Certains cantons ont déjà eu recours au droit d’urgence. Pour les personnes qui restent plus longtemps, il faut des logements lorsque les gens ont atteint un certain degré d’intégration. Mais le marché du logement est asséché.
Aujourd’hui déjà, nous n’avons pas assez de médecins, pas assez d’enseignants, mais de plus en plus d’enfants de langue étrangère. Et nous savons que seule une minorité de réfugiés et de personnes admises à titre provisoire s’en sortent sans aide sociale ; même s’ils sont en Suisse depuis de très nombreuses années. (On sait également que de nombreux déboutés s’arrangent aussi avec l’aide d’urgence). Les besoins en infrastructures deviennent également une charge importante : je pense ici par exemple aux besoins supplémentaires en énergie, aux besoins supplémentaires en bâtiments scolaires et à la logistique des transports.
Nous risquons de créer un système d’asile injuste si le statut de protection S n’est plus valable. Nous avons besoin maintenant des bases pour savoir ce qui va se passer. Nous ressentirons encore longtemps la guerre et ses conséquences et toutes les personnes admises ne repartiront pas.
Combien de temps encore la population acceptera-t-elle ces charges ?
La population locale a besoin de signes clairs indiquant que la Confédération a la situation en main. Sinon, je vois la cohésion de notre pays menacée. La Confédération ne peut pas déléguer SES tâches aux cantons. Notre État ne fonctionne pas ainsi ! Les rôles sont clairement répartis.
Mesdames et Messieurs, je sais que tous les cantons se posent ces 6 questions. La Confédération doit y répondre !
J’ai accompagné chaque question de mes explications et réflexions, afin qu’il soit clair que je ne « panique » pas, mais que je m’oriente vers les réalités. Et ces réalités, je les vis comme un très grand défi.
La situation de l‘asile dans le canton de Berne
Dans le canton de Berne, il y a encore 2 ans, nous gérions 10 hébergements collectifs pour les réfugiés et les personnes admises à titre provisoire et 5 hébergements pour les mineurs non accompagnés. Aujourd’hui, il y a 30 hébergements collectifs et 14 pour les mineurs non accompagnés. Il s’agit donc d’un triplement et ce en l’espace de 2 ans seulement.
Dans le canton de Berne, 7’730 personnes avec un statut de protection S et 6’400 personnes supplémentaires issues de l’asile régulier vivent à la mi-juin sous la responsabilité du canton. 85% reçoivent l’aide sociale de l’asile. Parmi les personnes originaires d’Ukraine, 1’250 exercent une activité professionnelle, contre 1’280 pour les autres pays.
Nous nous préparons à accueillir environ 1’200 à 1’500 personnes supplémentaires. Selon les prévisions du SEM, les mois chauds de l’été et de l’automne verront une vague de migration en constante augmentation.
Si nous ne trouvons plus d’hébergement collectif en surface, nous devrons ouvrir les abris de protection civile.
Je l’ai maintenant constaté à plusieurs reprises : l’humeur générale de la population est très instable lorsqu’il s’agit d’avoir des demandeurs d’asile dans le voisinage immédiat.
La population a peur et beaucoup se sentent moins bien traités que les migrants.
L’humeur peut changer très rapidement.
Je l’ai déjà dit clairement au début : nous ne sommes pas loin d’une implosion du système d’asile suisse.
Ce n’est guère difficile à comprendre :
Considérons le marché du logement : dans le canton de Berne, nous avons un taux de logements vacants d’environ 1.5%. Le logement se fait déjà très rare, le volume de construction est limité et les prix augmentent. Nous sommes en train de vivre dans le canton un exemple unique de ce qu’il adviendra si nous n’endiguons pas l’afflux.
Sur les 7’700 personnes bénéficiant du statut de protection S, près des trois quarts vivent déjà dans leur propre logement. Environ 1’500 logements ont été trouvés. L’offre de logements libres s’amenuise donc de plus en plus.
Nous constatons également depuis des mois que le nombre de demandeurs d’asile mineurs non accompagnés a fortement augmenté (c’est pratiquement un phénomène nouveau). Je sais à quels problèmes et difficultés ces personnes sont confrontées dans leur pays d’origine. Cependant, j’entends régulièrement dire que des mineurs sont envoyés chez nous par leur famille afin d’envoyer de l’argent chez eux le plus rapidement possible. Ces jeunes sont soumis à un stress important et cela les met dans des situations difficiles lorsqu’ils découvrent, après leur arrivée, qu’il n’est pas possible de gagner de l’argent immédiatement en Suisse. Ces mineurs non accompagnés ont entrepris un long voyage difficile, non volontaire, et constatent que les idées et les souhaits ne correspondent pas à la réalité. Que se passe-t-il avec ces jeunes ? Ils sont tout de même exploités ! Sur le sol suisse ! Cela me préoccupe beaucoup.
Pour conclure, je réitère une fois encore les principales préoccupations du point de vue du canton de Berne :
Nous prenons nos tâches très au sérieux dans le canton de Berne. Nous investissons beaucoup dans l’intégration, l’acquisition de la langue et l’entrée sur le marché du travail. Nous mettons notre système de santé et nos écoles à disposition. C’est tout à fait juste. Mais si nous voulons continuer à offrir le gîte et le couvert aux personnes qui y ont droit d’une part et, d’autre part, être un îlot de sécurité pour les « personnes menacées dans
leur vie et leur intégrité corporelle », il faut agir immédiatement dans les domaines que je viens d’esquisser ! Merci beaucoup !