La plus grande catastrophe en Suisse depuis le début du XIXe Siècle survint le 2 septembre 1806, lorsqu’un éboulement de centaines de millions de mètres cubes de roche depuis le Rossberg anéanti le village de Goldau, emportant les vies de 457 personnes.
Cet évènement, survenu il y a plus de 200 ans fut la plus grande catastrophe que la Suisse ait connue. Depuis, des centaines de guerres et deux guerres mondiales ont ravagé l’Europe, plusieurs millions de personnes ont péri dans cet enfer et des villes entières ont été réduites en cendres. Mais la Suisse, elle, n’a plus jamais connu d’évènement pire que l’éboulement de Goldau.
Pourquoi ? Parce que notre pays s’est accroché fermement et avec cohérence à sa neutralité armée perpétuelle. Parce qu’elle ne s’est pas mêlée des affaires d’autrui, parce qu’elle ne s’est pas laissé entraîner dans les conflits d’autres puissances et parce qu’elle n’a pas agi comme « censeure bienveillante » à l’encontre d’autres pays. Miracle, destin clément ou bienveillante providence, nous ne connaissons pas la raison exacte de cette intégrité mais il y a une chose que notre expérience historique nous permet de dire : ce n’est pas un hasard.
La période de paix presque incroyablement longue rencontrée par la Suisse est aussi et surtout la conséquence de notre ordre étatique, de la stratégie de survie d’un petit Etat. Rien qu’en raison de l’expérience de nombreuses générations avant nous, il est absolument irresponsable que la Suisse (ou plutôt ses politiciens et ses diplomates) fasse aujourd’hui partie du Conseil de sécurité de l’ONU. Conformément à la charte de l’ONU, ce Conseil décide de sanctions non-militaires (c’est-à-dire l’arme de la faim) ainsi que d’interventions militaires. Or, de tels pouvoirs sont incompatibles avec la neutralité suisse et notre indépendance étatique.
Le Conseil fédéral et une majorité des partis veulent disposer du droit de guerre ou de paix aux côtés des superpuissances disposant du droit de veto
En tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU, la Suisse perdra sa crédibilité de pays neutre et médiateur, alors qu’en cette période de menace de guerre, nos « bons offices » seraient particulièrement de mise. Le Conseil de sécurité de l’ONU prend des décisions sur la base de rapports de force politiques majoritaires ; ce ne sont ni les valeurs humanitaires, ni les valeurs démocratiques qui jouent un rôle déterminant. Il est faux de croire qu’une adhésion au Conseil de sécurité de l’ONU puisse servir à la réalisation des intérêts de la Suisse en termes de politique étrangère, bien au contraire ! Certains Etats questionnent d’ores et déjà notre neutralité et demandent à Berne – par écrit – quelle est sa crédibilité. Nos craintes sont réelles : suivez l’évolution actuelle du conflit entre la Russie et l’Ukraine pour le comprendre.
Le Conseil fédéral et une majorité de partis et de parlementaires veulent absolument ce siège de deux ans au Conseil de sécurité de l’ONU. Ils veulent participer aux décisions de guerre, de paix et participer à l’usage de l’arme de la faim (les sanctions), aux côtés des 5 superpuissances qui disposent du droit de veto dans leur « palais de verre » de New-York.
Cela signerait l’arrêt de mort de la neutralité et la rupture avec 500 ans d’Histoire réussie de maintien de la distance ; cela constituerait une menace considérable pour la sécurité nationale. Celui qui provoque une guerre avec d’autres fait partie de cette guerre.
Selon la décision de nos diplomates, les fronts de guerre se déploient soudain au cœur de notre pays
Cette course mégalomaniaque sur le fil du rasoir de la géopolitique pourrait également faire voler notre pays en éclat de l’intérieur. La Confédération est devenue un Etat multi-ethnique. Les Kurdes, les Tamouls, les Turcs et les Nord-Africains forment une véritable poudrière. Selon les décisions qui seront prises par nos diplomates à New-York, les fronts de guerre pourraient alors se déployer au cœur même de la Suisse.
L’ambition, la vanité et le désir puéril de jouer dans la cour des grands menacent de fouler au pied la neutralité, fondement unique de la paix et de l’ouverture au monde de la Suisse. Personne n’a besoin d’une Suisse bruyante au milieu du capharnaüm mondial. Quand tout le monde est à couteaux tirés avec tout le monde, nous avons besoin d’un havre de paix politique, d’une oasis de compréhension : la Suisse. La neutralité, c’est se tenir à l’écart ; écouter et comprendre plutôt que condamner et menacer.
Si la Suisse entre effectivement en guerre par le Conseil de sécurité de l’ONU, alors 38 avions de combat ne suffiront pas. Celui qui veut aider à la paix dito oui à la neutralité armée et non au siège suisse au Conseil de guerre des superpuissances à New-York.