Le fait est incontestable: l’économie suisse a besoin de main-d’œuvre étrangère. Sans elle, la Suisse n’aurait pas atteint sa position actuelle. C’est bien pour cette raison qu’elle a toujours…
Thomas Matter, chef d’entreprise, Meilen (ZH)
Le fait est incontestable: l’économie suisse a besoin de main-d’œuvre étrangère. Sans elle, la Suisse n’aurait pas atteint sa position actuelle. C’est bien pour cette raison qu’elle a toujours accueilli généreusement, mais de manière contrôlée, des travailleurs étrangers. L’économie et l’agriculture pouvaient recruter du personnel en fonction de leurs besoins et, contrairement à aujourd’hui, dans le monde entier. Dans le cadre d’un processus parfaitement rodé, la Confédération et les cantons fixaient les plafonds de l’immigration en tenant compte des besoins de l’économie. Les entreprises recevaient en règle générale facilement les autorisations pour engager du personnel étranger. Et si la Confédération, craignant une surchauffe économique, freinait légèrement les permis de séjour – ce fut par exemple le cas dans les années septante et nonante – les milieux économiques ont bien dû reconnaître après coup la justesse de ces interventions qui ont permis d’éviter des licenciements. Cette politique était finalement utile à l’ensemble de l’industrie suisse.
Aucun pays ne pratique la totale libre circulation des personnes
En principe, une libre circulation des personnes au niveau mondial ne déplairait pas aux libéraux que nous sommes. Chacun pourrait vivre et travailler où cela lui plaît et où il trouve un emploi. Mais ce système ne peut fonctionner que si tous les pays du monde connaissent les mêmes conditions de prospérité, de liberté, d’économie de marché et de sécurité sociale. Aussi longtemps que persistent des différences aussi énormes que celles constatées aujourd’hui, une libre circulation des personnes sans limite est impensable. Aucun pays au monde ne pratique aujourd’hui une totale libre circulation des personnes. Des pays aux politiques économiques spécialement libérales comme les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, le Japon ou la Nouvelle-Zélande ont même mis en place un contrôle particulièrement sévère de l’immigration.
Le premier accord de libre circulation des personnes avec les quinze « anciens » Etats UE réunissait des pays aux performances économiques comparables. Depuis, l’UE s’est développée comme une « masse illimitée » en accueillant également les Etats d’Europe de l’Est. L’adhésion des pays balkaniques et de la Turquie figurent d’ores et déjà à l’agenda de Bruxelles. Contrairement aux promesses faites par la Berne fédérale, les citoyens suisses n’ont même pas le droit de voter séparément sur ces projets.
Il va de soi que la libre circulation des personnes a des avantages pour les entreprises suisses qui peuvent ainsi choisir leurs collaborateurs parmi 500 millions de citoyens UE. Il serait cependant temps de se rappeler que chaque entreprise assume aussi une responsabilité face à son pays et sa population. Il est important que les travailleurs étrangers quittent à nouveau le pays lorsqu’ils ont perdu leur emploi. Il n’est pas acceptable de simplement les abandonner au système social. Même en des périodes de forte conjoncture économique, le chômage-socle reste à 3% et il va certainement bientôt atteindre 5%. Les jubilations à propos d’un prétendu assainissement de l’AVS grâce à l’immigration sont pour le moins prématurées. Car les étrangers atteindront eux aussi l’âge de la retraite et leurs rentes devront être financées par toujours plus d’immigrants.
La Suisse n’a jamais souhaité la libre circulation des personnes
Il faut le rappeler une fois de plus avec toute la clarté nécessaire: la libre circulation des personnes n’a jamais été souhaitée par la Suisse, ni par son économie d’ailleurs. Elle a été exigée par l’Union européenne. Il existe en effet de très nombreuses et bonnes raisons pour les citoyens UE de s’installer en Suisse: salaires, stabilité monétaire, santé publique, formation, prestations sociales, sécurité et qualité de vie, autant de domaines dans lesquels la Suisse dépasse largement presque tous les autres pays. En outre, le prétendu « miracle de l’emploi » ne se produit pas dans les secteurs créant des plus-values économiques, mais pour l’essentiel dans le domaine public, c’est-à-dire, la santé, le social et la formation. C’est précisément en ma qualité de chef d’entreprise que je considère de manière critique cet aspect de la libre circulation des personnes.
Limiter l’immigration grâce à l’initiative UDC
Que faut-il faire? Les conditions de travail sont si attrayantes en Suisse que nous trouverons toujours de la main-d’œuvre étrangère prête à vivre et à travailler dans notre pays. Nous devons donc reprendre le contrôle de l’immigration, la gérer et la limiter. L’initiative UDC « contre l’immigration de masse » veut redonner à la Suisse les moyens de contrôler l’immigration en fixant chaque année des plafonds pour le nombre d’autorisations de séjour. Il faut également veiller à ce que ce principe ne puisse pas être contourné. Pour cela, le texte de l’initiative exige que toutes les catégories d’étrangers soient comprises dans les mesures de limitation, donc par exemple aussi les frontaliers.
Nous voulons aussi inscrire dans la Constitution que l’immigration doit avant tout servir les intérêts économiques globaux de la Suisse. Les Suissesses et les Suisses doivent avoir la priorité sur le marché du travail. Les salariés étrangers disposant d’une offre d’emploi ou les indépendants étrangers doivent pouvoir faire état d’une base économique solide. Seules peuvent immigrer les personnes qui ont une source de revenu suffisante et autonome. Un grand avantage de cette règlementation est de ne plus discriminer les non-Européens. Il est en effet parfaitement possible qu’un spécialiste américain réponde mieux aux besoins d’une entreprise qu’un Est-Européen qui a actuellement la préférence. Les chefs d’entreprise disposent ainsi d’une marge de manœuvre plus large pour engager, dans l’intérêt de toute l’économie nationale, les professionnels les plus qualifiés du monde entier. Si le peuple et les cantons acceptent ce projet, le comité d’initiative s’engagera au niveau législatif pour que la main-d’œuvre demandée reçoive rapidement et de manière non bureaucratique les autorisations de séjour nécessaires, mais aussi pour que ces mêmes immigrants soient contraints de quitter tout aussi rapidement le pays en cas de perte de leur emploi.