Exposé

Les attaques de l’UE contre notre souveraineté sont intolérables

La notion de souveraineté de l’Etat décrit la capacité d’un Etat de se déterminer lui-même grâce à son indépendance et son autonomie. La souveraineté est le contraire d’une situation de dépendance. La

Jean-Pierre Graber
Jean-Pierre Graber
conseiller national La Neuveville (BE)

La notion de souveraineté de l’Etat décrit la capacité d’un Etat de se déterminer lui-même grâce à son indépendance et son autonomie. La souveraineté est le contraire d’une situation de dépendance. La souveraineté étatique ne comprend pas seulement la souveraineté par rapport à l’extérieur (indépendance de l’Etat), mais aussi l’autodétermination dans les questions touchant à la conception de l’Etat. Le respect réciproque de la souveraineté étatique est la condition centrale à l’existence de relations internationales.

La situation est claire au niveau du droit public
La situation est donc claire en termes de droit public: aucun Etat n’a le droit de réclamer d’un autre Etat qu’il modifie son droit dans un certain sens. La souveraineté étatique doit être respectée réciproquement. Ou, comme l’a formulé fort pertinemment un collègue il y a quelques jours: entre voisins civilisé on ne pratique pas la diplomatie de la canonnière.

Ce principe s’applique aussi aux cas où un Etat subit un désavantage concurrentiel par rapport à un autre. Donc, si la Suisse interdit de fumer sur tout son territoire et si la branche touristique en souffre, elle n’a pas le droit d’exiger de ses voisins de légiférer de manière analogue. Si la Suisse impose un moratoire dans le domaine du génie génétique et si, pour cette raison, des entreprises quittent le pays, elle ne peut pas en tirer prétexte pour exiger le même moratoire dans les autres pays afin de ne pas être désavantagée dans la concurrence.

Argumentation insensée de l’UE
La Suisse a signé en 1972 un accord de libre échange avec l’UE. L’objectif de cette convention était de créer un espace de libre-échange AELE-CEE pour les produits industriels. Du point de vue du droit international public, il s’agissait très clairement d’un traité de libre-échange tout à fait normal et non pas d’un contrat d’intégration. Cet accord interdit le prélèvement de droits de douane sur les produits concernés ainsi que des limitations quantitatives et toute autre mesure ayant les mêmes effets. Le Tribunal fédéral a lui aussi toujours qualifié dans sa jurisprudence l’accord de libre-échange de pur accord commercial, donc de convention qui, contrairement au traité de l’UE, ne crée pas un marché intérieur unique avec une réglementation interétatique de la concurrence, mais qui met uniquement en place une zone de libre-échange. Cet accord n’a jamais eu et n’a toujours pas le moindre rapport avec la concurrence fiscale de la Suisse.

Il est proprement incompréhensible que cette interprétation, qui, trente ans durant, n’a jamais donné lieu à la moindre critique, puisse aujourd’hui être considérée soudainement comme contraire au droit. Sur le plan juridique, il est évident que l’accord ne peut pas être modifié unilatéralement. Cela signifie aussi qu’une notion, qui n’a surgi qu’ultérieurement avec le développement du droit UE, ne peut pas être déterminante aujourd’hui. Le reproche de l’UE selon lequel les allègements fiscaux équivalent à des subventions publiques est d’autant plus absurde. Ces allégations sont cousues de fil blanc: l’unique but de Bruxelles est évidemment de supprimer une concurrence malaimée et de contraindre la Suisse de s’adapter au taux d’imposition élevé de l’UE.

Attaque contre le système étatique suisse
La liberté de concevoir de manière autonome le régime constitutionnel est un élément central de la souveraineté étatique. Par opposition au régime d’autres Etats, le système gouvernemental suisse se distingue par sa forte empreinte fédéraliste, libérale et démocratique. Ce contexte explique aussi le système fiscal suisse qui repose sur les principes fédéralistes et sur la concurrence intercantonale. La définition autonome de la charge fiscale fait partie de l’indépendance cantonale et communale. Les cantons se distinguent non seulement par le niveau de leurs tarifs fiscaux, mais aussi par la manière de calculer le revenu imposable. Dans une démocratie directe comme celle de la Suisse, les lois fiscales cantonales sont approuvées par le peuple.

La conception du système suisse émane d’un raisonnement libéral: chaque canton et chaque commune ne doit pouvoir prélever que les impôts, taxes et redevances dont il ou elle a besoin pour assumer ses tâches publiques. C’est au niveau des communes et des cantons que les besoins en moyens financiers peuvent être définis le mieux. La réglementation fédéraliste garantit par la même occasion le contrôle par les citoyens de la charge fiscale qui leur est imposée et qu’ils peuvent influencer ou fixer moyennant leurs droits de participation démocratiques.

Finalement, le prélèvement d’impôts est avant tout une intervention de l’Etat dans la propriété privée. Pour cette raison, donc pour protéger les citoyens contre des prélèvements excessifs de l’Etat, il est usuel en Suisse d’imposer des taux d’imposition maximaux dans la Constitution. Et pour empêcher l’imposition multiple du même objet, les cantons appliquent une interdiction de la double imposition. On le voit bien: ces principes aussi sont diamétralement opposés aux discussions sur des taux d’imposition minimaux au sein de l’UE.

La conception du système fiscal suisse se base sur les principes de l’ordre constitutionnel de notre pays. Une attaque contre ce système équivaut donc à une mise en question du système étatique suisse et de notre souveraineté. La Suisse ne peut en aucun cas accepter cela.

Nombreuses facilités fiscales et exceptions dans l’UE
La Suisse est exemplaire dans l’application du droit international public. Donc, avant de s’attaquer à la souveraineté helvétique, l’UE serait bien inspirée d’examiner la situation qui prévaut chez elle: la moitié de l’Europe offre des tarifs spéciaux aux entreprises – souvent même nettement plus bas que les tarifs suisses. Chypre propose une multitude de possibilités de se libérer de l’impôt et passe pour être un site idéal quand il s’agit de sortir les bénéfices du pays. Malte également se vante d’être un site offshore. La Slovaquie applique un taux d’imposition unique de 19% et les Etats baltes offrent aux nouveaux venus un système de taxe zéro. La Grande-Bretagne applique des règles de routing sans impôt pour les holdings et possède de surcroît des îles offshore. Candidate à l’adhésion, la Macédoine attire les sociétés par une exemption de 10 ans de l’impôt sur les bénéfices, un taux d’imposition unique des bénéfices extrêmement bas (10%) et 0% d’impôt sur les bénéfices réinvestis.

Le fait est que la situation financière de nombreux Etats membres de l’UE s’est dramatiquement détériorée depuis la conclusion de l’accord de libre-échange en 1972. Il manque de l’argent toujours et partout en Europe. Dans cette situation, la concurrence fiscale de la Suisse est particulièrement malvenue: d’une part, parce que la situation en Suisse offre aux entreprises une alternative intéressante par rapport à de nombreux grands pays européens au bord de l’abîme; d’autre part parce que l’imposition modérée de la Suisse exerce une évidente pression concurrentielle sur les pays européens voisins.

Dans le domaine des subventions publiques, les membres de l’Union européenne ne sont certainement pas des exemples à suivre. En Allemagne par exemple, l’Etat subventionne dans une proportion pouvant aller jusqu’à 50% du montant des investissements les nouvelles scieries installées dans les provinces de l’ancienne Allemagne de l’Est. Est-ce là le régime de concurrence que vise l’UE ou fait-on tout simplement deux poids et deux mesures à Bruxelles?

Quand l’UE tente d’influencer le système fiscal de la Suisse, elle méprise en réalité la souveraineté étatique de notre pays. Il ne faut en aucun cas céder à cette attaque contre le fédéralisme et contre notre système étatique basé sur la démocratie directe. Notre système fiscal n’est pas négociable.

La concurrence fiscale est non seulement une qualité essentielle d’une place économique, donc le fondement de la prospérité suisse, mais aussi l’expression de la souveraineté financière cantonale imposée par notre régime fédéraliste. Comme le système constitutionnel suisse en général, la fiscalité repose sur les principes du fédéralisme et de la concurrence intercantonale. La mise en question de cette réglementation équivaut à une attaque contre le système étatique suisse et notre souveraineté.

L’UDC rejette catégoriquement toute immixtion de l’UE dans nos affaires intérieures. Elle attend du Conseil fédéral de la fermeté, de la détermination et une position claire dans cette situation: la concurrence fiscale intercantonale n’est pas négociable!

Jean-Pierre Graber
Jean-Pierre Graber
conseiller national La Neuveville (BE)
 
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