En fait, les compétences en matière de naturalisation ordinaire sont clairement définies: la Confédération et les cantons fixent les conditions à l’octroi du droit de cité, la décision finale appartient aux communes qui peuvent librement désigner l’organe chargé de cette procédure. Leur décision est définitive. C’est en tout cas ce que veut la Constitution fédérale.
Le 9 juillet 2003, le Tribunal fédéral a adopté deux arrêts qui ont ému toute la Suisse. Ainsi, la cour suprême du pays affirme que les naturalisations sont des actes administratifs et doivent donc à ce titre être motivées. Une telle motivation n’étant pas possible lors des décisions prises dans l’urne, celles-ci sont contraires à la Constitution. Du coup, une initiative populaire de l’UDC de la ville de Zurich pour des naturalisations dans l’urne a été déclarée non valable et les recours de cinq candidats à la naturalisation, des ressortissants d’ex-Yougoslavie dont les demandes avaient été refusées à Emmen, ont été admis.
Le 12 mai dernier, le Tribunal fédéral a en outre donné sa bénédiction à la nouvelle réglementation adoptée par le canton de Schwyz concernant les naturalisations par les assemblées communales. Dans ce canton, il faudra à l’avenir déposer une demande dûment motivée de non-naturalisation, faute de quoi les candidats au droit de cité suisse sont naturalisés sans vote. En d’autres termes, les décisions des assemblées communales sont tolérées – contrairement aux votes dans l’urne – mais leur liberté est fortement restreinte. Le souverain devra à l’avenir motiver des refus de naturaliser. En cas de recours, il appartiendrait aux juristes de décider si la motivation est pertinente ou non.
Depuis ces décisions mémorables du Tribunal fédéral, le chaos est complet dans les communes suisses quand il s’agit de naturaliser des étrangers. La commune d’Emmen, par exemple, renonce provisoirement à toute naturalisation aussi longtemps que la situation juridique n’est pas claire. Dans certains cantons, des conseillers d’Etat interviennent sans gêne et sans base légale aucune dans les procédures de naturalisation des communes. Dans certains cas, ils se heurtent à des résistances, dans d’autres les autorités communales cèdent.
Dans la commune lucernoise de Buttisholz, la demande de naturalisation d’une ex-Yougoslave a été refusée sur recommandation du Conseil communal par l’assemblée communale avec une majorité de deux voix seulement. La candidate au droit de cité suisse a d’ores et déjà annoncé qu’elle fera recours auprès du Conseil d’Etat.
Un autre exemple de cette insécurité du droit provient de ma commune voisine de Littau où une demande de naturalisation a également été refusée par le conseil des habitants lors d’un vote à bulletins secrets. Malgré plusieurs appels du président de la commune, aucun membre du conseil des habitants n’a accepté de motiver publiquement son refus. On ne sait pas si c’est par crainte de représailles ou pour ne pas porter atteinte à la sphère privée du demandeur.
Les naturalisations en masse sont programmées d’avance
Avec ses dernières décisions en matière de naturalisation, le Tribunal fédéral a bouleversé l’ordre démocratique de ce pays et il s’est très clairement mêlé de politique. Le principe constitutionnel selon lequel la décision en matière de naturalisation appartient à la commune, qui peut choisir librement, est violé par cette jurisprudence du Tribunal fédéral. La démocratie de notre pays en pâtit. De surcroît, ce jugement ouvre toutes grandes les portes aux naturalisations en masse, à la grande joie des partis de gauche qui espèrent en tirer un nouvel électorat puisque bon nombre de ces nouveaux citoyens risquent bien de tomber à charge des institutions sociales suisses. Comme si on pouvait régler d’un trait de plume les problèmes posés par une surpopulation étrangère grandissante en déclarant tout simplement suisses quelques dizaines de milliers d’étrangers. Y compris des criminels comme cela s’est produit en ville de Lucerne. Il s’agit de toute évidence d’une tentative de dissimuler la réalité d’un problème minimisé depuis de nombreuses années. Mais pour ce faire, il faut commencer par enlever du pouvoir aux citoyens.
Ces tentatives de destituer le souverain ont déjà suscité des oppositions. Le 13 septembre 2003, l’assemblée des délégués de l’UDC a décidé sur l’alpage d’Aelggi (OW) de lancer une initiative populaire pour garantir la souveraineté des communes dans les questions de naturalisation. Vous la connaissez et vous l’avez, je l’espère, tous signée. Sinon vous avez la possibilité de vous rattraper aujourd’hui. Concrètement, cette initiative vise un double but.
Droit d’autodétermination des communes
D’abord, les citoyennes et les citoyens de chaque commune doivent pouvoir décider librement si la décision de naturalisation doit être prise par le souverain lors d’une assemblée communale ou dans l’urne ou encore par le conseil communal, le conseil général ou une commission élue par le peuple. Ces personnes connaissent le mieux les conditions spécifiques et les besoins de leur commune et peuvent le mieux juger qui elles souhaitent accueillir en tant que membre de plein droit de leur communauté et qui elles ne préfèrent pas recevoir.
Le simple bon sens indique que la naturalisation d’étrangers contre la volonté d’une majorité des habitants provoque des sentiments d’hostilité que l’on veut justement éviter. Cette manière de faire rend un bien mauvais services aux étrangers qui souhaitent s’intégrer pleinement dans la communauté suisse et en assumer sincèrement toutes les obligations et tous les droits. Les traditions et émotions liées à la naturalisation ne peuvent pas simplement être balayées par des arguments juridiques.
Libre expression des opinions
En outre, cette initiative vise à ancrer au niveau constitutionnel le principe selon lequel une décision prise démocratiquement ne doit pas être justifiée ou motivée. Voilà la seule manière de garantir l’expression fidèle et sûre de la volonté des citoyens, pour reprendre les termes de l’article 34, alinéa 2 de la Constitution fédérale qui n’a semble-t-il pas suffi au Tribunal fédéral. Toute les élections et votations populaires reposent sur le même principe. Lors des élections aux chambres fédérales, par exemple, nous élisons aussi des candidats que nous ne connaissons pas et pourtant il ne viendrait à l’idée de personne de nous reprocher un acte arbitraire.
Il n’existe pas de droit à la naturalisation. Les deux articles concernant la naturalisation figurent dans le chapitre « Nationalité, droits de cité et droits politiques » de la Constitution fédérale et non pas dans le chapitre « Droits fondamentaux ». Aucune convention internationale ne qualifie le droit de cité de droit élémentaire de l’homme qui serait superposé au droit national ou constitutionnel. La Suisse respecte parfaitement les droits de l’homme en ce qui concerne les étrangers vivant sur son territoire.
La Suisse, une nation fondée sur la volonté de ses citoyens
Le passé l’a prouvé: les communes savent parfaitement traiter les questions de naturalisation. La Suisse reste une nation fondée sur la volonté de ses citoyens. Elle a été créée dans la volonté de faire cohabiter librement des hommes et des femmes de cultures et de langues différentes. Sa structure fédéraliste doit assurer un maximum d’autonomie et de liberté aux individus tout comme aux groupements linguistiques. La Constitution fédérale du 18 avril 1999 réaffirme clairement ce principe. Dans un natione fondée sur la volonté de ses citoyens, chacun a le droit de se demander si une personne qui souhaite rejoindre cette nation partage effectivement les valeurs de celle-ci et les applique concrètement dans sa vie de tous les jours. Et chacun peut répondre librement par oui ou par non à cette question.
La motivation de l’arrêt du Tribunal fédéral selon laquelle une naturalisation est un acte administratif soumis au recours est une tentative lamentable de miner la légitimité du souverain de participer au développement de l’Etat de droit. Les citoyens qui se rendent à l’urne expriment leur volonté de participer à la construction de leur pays. Ouvrant la voie au droit de vote et d’éligibilité, la naturalisation est donc bien plus qu’un acte administratif. C’est un acte éminemment politique.
Conclusion
Notre démocratie directe, dont nous sommes fiers à juste titre, a été sévèrement ébranlée par quelques lecteurs de lois. Les droits du peuple ont été foulés au pied. Or, nous disons non au bradage des droits des citoyens. Nous n’avons pas besoin d’une justice qui s’arroge le droit de déclarer justes ou fausses les décisions du peuple – et encore moins d’une justice qui se permet d’écrire elle-même les lois. L’admission d’étrangers dans notre communauté civique n’est pas seulement une procédure administrative que l’on peut laisser aux fonctionnaires et aux juges. Elle est l’affaire d’un peuple libre, des communes et des cantons. Le peuple doit pouvoir décider librement qui il entend accueillir de plein droit dans sa communauté et qui il refuse de recevoir. Il en était ainsi depuis des siècles et il doit en rester ainsi à l’avenir.
Voilà ce que nous devons faire comprendre à toutes et à tous, avec notre initiative populaire « pour des naturalisations démocratiques », mais aussi en faisant rejeter massivement les deux projets de naturalisation le 26 septembre prochain. Chacun doit y contribuer de toutes ses forces dans les semaines à venir.