Exposé

Loi sur l’aménagement du territoire: chronique d’une révision ratée

Le referendum contre la révision de la LAT a abouti avec plus de 69’000 signatures…

Jean-François Rime
Jean-François Rime
conseiller national Bulle (FR)

Le referendum contre la révision de la LAT a abouti avec plus de 69’000 signatures.

Le 15 juin 2012 n’a résolument pas été un jour faste. Ce jour-là en effet, le Parlement a adopté la révision de la loi sur l’aménagement du territoire en votation finale – contre l’avis de l’usam et d’autres organisations économiques, mais surtout contre l’avis d’une très forte majorité du groupe UDC (48 non, 5 oui et 2 abstentions).

Sous la pression de l’initiative pour le paysage dont l’acceptation serait dangereuse, le Conseil fédéral a soumis en toute hâte au Parlement un projet de révision partielle de la loi sur l’aménagement du territoire au titre de contre-projet indirect. Il faut reconnaître au Conseil fédéral le mérite d’avoir élaboré un projet tout à fait modéré, que nous pouvions accepter. En l’occurrence, il s’agissait avant tout de mettre en place des mesures ciblées pour s’attaquer à deux problèmes urgents : le mitage du paysage et la disparition des terres agricoles. La solution consistant d’une part à mieux gérer le développement urbain, d’autre part à encourager les cantons à utiliser les terrains à bâtir.

Au fil des délibérations parlementaires, le projet a été constamment durci, tant et si bien que sur certains points la version définitive va même plus loin que l’initiative rose-verte pour le paysage. Et comme vous le savez, celle-ci prévoit un moratoire de vingt ans sur les zones à bâtir. A cet égard, il est intéressant de constater que c’est le Conseil des Etats qui, par crainte de l’initiative, est parti sur la mauvaise voie et a encore gauchisé le projet. Mais la peur est mauvaise conseillère…

Pour les opposants, trois dispositions sont tout à fait inacceptables:

  • l’obligation de déclasser les zones à bâtir qui dépassent les besoins prévisibles pour les quinze années suivantes. Plus de la moitié des cantons se verraient obligés de déclasser plus de 50% de leurs zones à bâtir non construites, ce qui représente 18 800 hectares pour une valeur de 40 milliards de francs. Qui va payer ? La multiplication des litiges et les hausses d’impôt sont d’ores et déjà programmées. A la fin les tribunaux vont décider.
  • l’obligation de construire dans un délai imparti sous peine de sanctions. Un tel instrument n’a pas sa place dans une économie libérale et porte une atteinte massive aux droits de propriété. Il faut laisser au propriétaire foncier le soin de choisir quand il souhaite construire son terrain ou le vendre. De nombreux chefs d’entreprise doivent disposer de réserves de terrains à des fins d’expansion. Veut-on que l’Etat puisse le leur interdire ? Ou qu’il puisse interdire aux parents de réserver un terrain sur lequel leurs enfants pourront un jour construire ?
  • la taxe sur la plus-value. Le renforcement des prescriptions fédérales en matière de prélèvement des plus-values d’immeubles découlant de mesures prises en vue de l’aménagement du territoire prévoit une taxe d’au moins 20% pour les nouvelles zones. Cette formulation vague ne peut qu’inciter les cantons à fixer des taux et des taxes plus élevés également lors de changements d’affectation. On risque donc d’assister à une augmentation des impôts, des taxes et des émoluments et à l’introduction de nouvelles ponctions. Ce n’est certainement pas ce que vous voulez. Et ce n’est en tout cas pas ce que veut l’usam.

Je le dis et je le répète: l’initiative elle-même ne prévoit pas de mesures aussi contraignantes et hostiles à la propriété. Il n’est donc pas étonnant que ses auteurs se soient réjouis du «cadeau parlementaire» avant de retirer leur initiative sous condition: à savoir que la révision entre en vigueur.
Les opposants voient en l’occurrence des bonnes raisons de combattre le contre-projet indirect et donc de signer le référendum:

  1. pour garantir le droit de propriété 
  2.  pour éviter la contrainte et la mise sous tutelle des citoyens
  3. pour lutter contre l’augmentation des prix des logements
  4. pour empêcher l’introduction de nouveaux impôts
  5. pour stopper le gonflement de la bureaucratie
  6. pour assurer l’espace nécessaire au développement économique
  7. pour éviter la mise sous tutelle des cantons et soutenir le fédéralisme
  8. de nombreux litiges devront être réglés par les tribunaux

Car c’est l’évidence même: la mise en œuvre de ces mesures coercitives, discutables sur le plan de l’aménagement du territoire et hostiles à la propriété, ne manquera pas d’entraîner une nouvelle raréfaction et donc un renchérissement des terrains à bâtir. Nous assisterons forcément à une hausse des prix des logements et des locaux artisanaux de même qu’à une hausse généralisée des prix de l’immobilier. Les perdants ne seront ni les riches ni les spéculateurs, mais bien la grande majorité des locataires et des PME. Et qui paiera le prix de cette révision ratée ? La classe moyenne, une fois de plus ! Quant aux prélèvements des plus-values, ils ne suffiront jamais à financer les déclassements nécessaires. Dans les cantons et communes dominés par des majorités roses-vertes, l’adoption de la révision ouvrira donc grand la porte aux hausses d’impôts, de taxes et de redevances.

Nous ne nous opposons pas à un aménagement raisonnable du territoire : nous sommes nous aussi contre le mitage du paysage et préconisons l’application de réglementations très strictes en matière de construction hors des zones à bâtir. Nous nous engageons en faveur d’une densification de l’habitat et, à ce titre, à déjà lancer un projet de revitalisation des centres des villes et des localités. La révision adoptée par les Chambres fédérales va toutefois beaucoup trop loin. Le projet touche aux fondements mêmes de ce qui fait le succès de notre système politique. Décider de son adoption ne doit donc pas revenir au seul Parlement ; le peuple doit avoir le dernier mot !

Votez NON à la révision de la loi sur l’aménagement du territoire.

Jean-François Rime
Jean-François Rime
conseiller national Bulle (FR)
 
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