Majorité des cantons : ce traité international doit impérativement être soumis à la double majorité

Le 2 février 2024, c’est-à-dire il y a tout juste un an, on pouvait lire dans les médias que 24 cantons avaient approuvé le mandat de négociation du Conseil fédéral pour un nouvel accord avec l’UE. Comme chacun sait, ces négociations ont été provisoirement closes fin décembre. Seul le canton de Schwyz s’était permis de rejeter ce mandat de négociation, Nidwald s’étant quant à lui abstenu. En tant que Conseil d’Etat schwytzois, nous nous sommes notamment prononcés contre la reprise dynamique du droit, le mécanisme de règlement des différends avec la participation de la Cour de justice européenne, le système des mesures de compensation et les nouvelles contributions à la cohésion.

André Rüegsegger
André Rüegsegger
Conseiller d’État Brunnen (SZ)

C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles c’est justement un conseiller d’État du canton de Schwyz qui s’adresse à vous aujourd’hui. Une autre raison est que l’on ne sait toujours pas si la majorité des cantons s’appliquera lors des votations populaires sur les nouveaux traités européens. Cette question est particulièrement importante pour nous, petits cantons.

C’est pourquoi je suis heureux d’être ici aujourd’hui et de pouvoir vous transmettre les meilleurs vœux de la Suisse primitive.

Esprit de résistance et quête de liberté

En tant que l’un des cantons fondateurs de notre pays, le canton de Schwyz a toujours pu, voire dû, jouer un rôle de pionnier. L’aspiration irrépressible à la liberté et à l’autonomie, couplée à une bonne dose de conscience de soi et de volonté de résistance, ont largement contribué à la naissance de notre Confédération. Que nous ayons conquis et préservé la liberté au fil des siècles et que les cantons aient également pu conserver leur position souveraine.

Mais ces vertus ont aussi largement contribué à l’évolution récente de notre pays, dans la mesure où Schwyz et d’autres cantons conservateurs ont, par leur vote, fait échouer plus d’une bêtise dans les urnes.

Sans vouloir faire dans l’exagération, ce n’est peut-être pas un hasard si seul le canton de Schwyz s’est clairement prononcé contre le nouvel accord dès le début. Tout en sachant que celui-ci entraînerait inévitablement une perte de souveraineté importante pour notre pays et ses citoyens, ce que nous ne pouvons jamais accepter dans notre état fédéraliste et de démocratie directe !

Il s’agit de faire ce qui est juste

Dans la vie, mais aussi en politique, il faut parfois un peu de colonne vertébrale pour défendre sa position, même si l’on se retrouve d’abord dans une minorité. Je peux vous dire que les majorités d’en face sont souvent le résultat d’un confort personnel ou d’un manque de force, comme je l’ai constaté au cours de mes 13 années d’activité gouvernementale. On préfère s’aligner sur la majorité, concoctée par des tireurs de ficelles qui poursuivent souvent des intérêts personnels. Et c’est ainsi que l’on peut passer rapidement et en toute tranquillité au « déjeuner debout » commun.

Lors de la prise de position sur le mandat de négociation de l’UE, le Conseil d’Etat du canton de Schwyz ne s’est pas laissé intimider par le fait que sa position était minoritaire. Cela n’a jamais posé de problème à notre parti, l’UDC. N’oublions pas, chers collègues et compatriotes, que dans notre travail politique, il ne s’agit pas de gagner un prix de popularité, de faire bonne figure dans la presse ou d’être invité à un maximum d’apéros. Il s’agit de faire ce qui est juste par conviction personnelle et par amour pour notre pays et de gagner des majorités pour cela !

Les cantons perdront leur souveraineté

Je suis optimiste quant au fait que la position minoritaire initiale du canton de Schwyz et de nous autres, UDC, finira par déboucher sur une opinion clairement majoritaire de la population suisse, qui mettra un terme à ces accords coloniaux et mettra enfin un terme à la tragédie qui dure depuis des années avec l’UE : Nous ne voulons pas de perte de souveraineté, pas de droit étranger, pas de juges étrangers et pas de paiements supplémentaires et plus importants à l’UE ! Nous restons un pays autonome, indépendant et libre, qui décide lui-même et comme il l’entend de ses lois, de sa politique et de son destin.

En toute honnêteté, nous devons admettre – tant du côté des opposants que de celui des partisans euphoriques du nouveau traité – que son contenu exact et son application finale ne sont pas encore connus. Mais je peux vous prédire avec une probabilité proche de la certitude que les dispositions finales ne seront pas meilleures ou à l’avantage de la Suisse que ce qui a filtré ou été interprété jusqu’à présent.

Il faut donc s’attendre à ce que les cantons et leurs banques cantonales, les entreprises d’approvisionnement en énergie et les assurances immobilières restent dans la ligne de mire des accords de l’UE au titre des régimes d’aide d’État. Mais nous voulons également nous en tenir à ces institutions et acquis des cantons qui ont fait leurs preuves et ne pas les porter en offrande à Bruxelles.

Des « astuces » contre la démocratie

Globalement, l’enjeu est donc très important. Des intérêts majeurs de notre pays sont en jeu : son essence, son bien-être, ses libertés, son autonomie. In fine, chacun d’entre nous est pleinement concerné par ces traités.

C’est pourquoi il semble évident, selon le bon sens, que ce traité soit impérativement soumis au peuple pour décision, et ce avec la sanction supplémentaire de la majorité des cantons. Pour moi, en tant qu’avocat, l’interprétation juridique des articles 140 et 141a de notre Constitution fédérale plaide également en faveur de l’application de la majorité du peuple et des cantons. En effet, le contenu et la signification ou l’effet matériel de ces traités se situent clairement au niveau de la Constitution et de l’adhésion à des communautés supranationales. Il est donc grotesque de la part des partisans des nouveaux traités de l’UE de vouloir le contester pour contourner la majorité des cantons, tout en prétendant que le sort de la Suisse en dépend.

Le fait que l’on envisage de soumettre le nouveau traité uniquement, voire tout au plus, à la majorité du peuple est un affront à notre démocratie et prouve par quels « tours de passe-passe » elle est remise en question par certaines élites politiques. Et, très simplement, on peut se demander : si ces traités sont si bons pour la Suisse, pourquoi a-t-on peur de les faire voter par le peuple et les cantons ?

La majorité des cantons a une force d’expression autonome

C’est précisément ce qui correspondrait aux pratiques politiques et démocratiques en vigueur jusqu’à présent dans ce pays. Notre système fédéraliste repose justement sur le fait que les questions fondamentales ne sont pas uniquement décidées par le poids des grands cantons, mais que les petits cantons peuvent également avoir leur mot à dire grâce à leur voix cantonale.

La votation sur l’adhésion à l’EEE en 1992 a montré de manière édifiante que la majorité du peuple et celle des cantons ont une force d’expression propre : alors que seule une faible majorité de la population (50.3 %) s’est prononcée contre, le verdict des cantons a été très clair (16 contre 7). De tels signaux et sensibilités en provenance des régions ne doivent pas être simplement ignorés, Mesdames et Messieurs, dans l’intérêt éternel de la cohésion, de la cohésion et de la cohabitation pacifique dans notre pays !

Je ne crains pas qu’un rejet de ces traités nuise durablement à notre pays, car nos relations politiques et économiques ne se limitent pas à l’UE ; nous sommes plutôt un pays interconnecté au niveau mondial et nous voulons le rester. D’ailleurs, l’UE n’aura ni la force ni l’unité interne de mettre sérieusement en danger les relations économiques avec son 4e partenaire commercial. En tant que Suisse, nous ne devons pas toujours nous figer comme le lapin devant le serpent dans cette lutte d’intérêts et nous faire plus petits que nous ne le sommes !

Un mode de résistance conséquent contre les traités européens

C’est pourquoi j’appelle tout le monde à continuer à s’opposer à ces traités européens dans un mode de résistance pacifique, convaincant et cohérent. Nous ne renoncerons pas à notre souveraineté, à notre indépendance et à notre liberté, et c’est ensemble que nous gagnerons cette bataille dans l’intérêt de notre beau pays, dans le respect de ce que nos ancêtres ont durement acquis et dans l’amour de nos descendants, qui veulent eux aussi vivre dans une Suisse libre et souveraine.

André Rüegsegger
André Rüegsegger
Conseiller d’État Brunnen (SZ)
 
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