Oskar Gächter, député au Grand Conseil, Heerbrugg (SG)
Les contrôles frontaliers actuels
La discussion sur l’accord de Schengen se déroule alors que le Corps suisse des gardes-frontière assure efficacement la protection des frontières helvétiques. 34’000 délits constatés, 8000 clandestins interceptés et 2000 documents falsifiés repérés, voilà qui illustre bien la qualité du travail de cette unité. Les gardes-frontière ne contrôlent donc pas seulement 3% du trafic de personnes comme cela est fréquemment affirmé dans la presse, mais ils relèvent des irrégularités dans 3% des cas. En d’autres termes, une personne sur trente est interceptée pour une violation du droit. Il s’agit là d’une réelle performance à mettre sur le compte des gardes-frontière.
Pour obtenir la même efficacité avec des contrôles volants à l’intérieur du pays, il faudrait multiplier plusieurs fois l’effectif actuel du personnel des gardes-frontière. Or, à l’heure des économies généralisées, il me paraît douteux qu’un renforcement aussi massif de l’effectif soit politiquement réalisable.
Il est par ailleurs faux de prétendre que les contrôles volants effectués en Allemagne ont permis d’augmenter de 40% le nombre d’interpellations. La police de Bavière, en tout cas, ne confirme nullement cette allégation avancée régulièrement par les partisans de l’accord de Schengen. Le fait est, par contre, que depuis l’adhésion de l’Autriche à l’UE un nombre croissant de clandestins franchissent la frontière ouverte entre l’Autriche et l’Allemagne, sachant fort bien qu’ils y passeront plus facilement que par la frontière gardée entre l’Autriche et la Suisse.
Avec son organisation actuelle, le Corps suisse des gardes-frontière apporte donc une contribution notable à la sécurité intérieure de la Suisse. Ce rôle sera encore renforcé par l’élargissement de l’UE à l’est puisque aujourd’hui déjà plus de la moitié des délits commis en Suisse sont à mettre sur le compte des étrangers, et notamment sur celui des ressortissants d’Europe du Sud-Est et de l’Est.
Système d’information de Schengen (SIS)
Permettez-moi encore une remarque concernant le Système d’information de Schengen dont on ne cesse de vanter l’efficacité. Notons en passant que le Corps des gardes-frontière a aujourd’hui déjà un accès plus ou moins complet à ce système, notamment aux frontières où le contrôle douanier se fait en commun.
Il faut savoir que le SIS ne porte que sur les cas de grande criminalité internationale. Il ne permet pas de combattre la criminalité régionale et transfrontalière. Les recherches de criminels subissent des retards importants parce que les différents pays membres mettent plus ou moins d’empressement à saisir les données.
Conclusions:
• malgré le Système d’information de Schengen, les autorités suisses auront toujours besoin du réseau informatisé national de recherche policière « RIPOL »;
• l’utilisation parallèle de deux systèmes de recherche policière coûte beaucoup de temps, d’argent et de personnel. Les données informatisées ne sont utiles que si elles peuvent être traitées et s’il y a du personnel à disposition pour le faire.
Une dernière remarque à propos du SIS: usager du SIS, l’Autriche a moins de succès à son actif dans la recherche de criminels que la Suisse avec son système national de recherche. Et personne ne sait aujourd’hui si la génération SIS II, annoncée pour 2007, sera réellement fonctionnelle.
Prescriptions de visa communes
Le travail quotidien des autorités douanières montre à l’évidence que la Suisse serait submergée de ressortissants de pays extérieurs à l’UE si elle devait adopter le système de visa Schengen. Les nombreux renvois auxquels les gardes-frontière doivent procéder en sont la preuve manifeste.
Conformément à la loi sur la libre circulation des personnes entrée en vigueur en juin 2002, les membres des familles de personnes qui disposent d’un permis de séjour dans un Etat UE ont le droit d’entrer en Suisse sans visa. Exemple: les parents d’un ressortissant russe domicilié en Allemagne et mariée avec une Allemande.
Conclusion:
• notre réglementation en matière de visas a été sérieusement diluée par l’accord sur la libre circulation des personnes;
• avec l’introduction du visa Schengen, les contrôles aux frontières deviennent une farce, car la majorité des ressortissants de pays extérieurs à l’UE ont réussi à se procurer un visa dans un pays UE;
• la seule solution consisterait donc à participer au contrôle des frontières extérieures de l’UE. Pouvez-vous imaginer qu’un garde-frontière suisse aille surveiller la frontière entre la Hongrie et l’Ukraine?
L’affirmation selon laquelle des prescriptions de visa communes renforcent la compétitivité économique de la Suisse, et notamment de son secteur touristique, sont irréalistes, car
a) des visas exceptionnels peuvent être établis rapidement à la frontière;
b) la compétitivité de notre pays dépend en premier lieu de facteurs totalement différents.
Il faut enfin relever que les autorités douanières suisses n’auraient plus aucune compétence d’autoriser l’entrée ou de procéder au renvoi dans 80 à 90% des cas.
Résumé
L’accord de Schengen n’a pas été conclu pour accroître la sécurité, mais pour ouvrir les frontières intérieures. Toutes les mesures de compensation prises en matière de sécurité sont donc peu crédibles. Je vous invite à consulter la statistique annuelle d’un important passage frontalier. Vous vous rendrez alors compte des problèmes que pose l’arrivée en masse de personnes en situation illégale. L’accord de Schengen, ajouté à la libre circulation des personnes, ferait déborder le vase.
L’accord de Schengen apporte un important déficit en matière de sécurité, parce que
a) l’absence de contrôles aux frontières ne peut être compensée par des contrôles volants à l’intérieur du pays;
b) le SIS n’est de loin pas aussi efficace pour la recherche de criminels qu’on ne le prétend;
c) les prescriptions de visa communes ouvrent toutes grandes les portes à des étrangers indésirables.
La sécurité est un des biens les plus précieux de notre pays et on ne saurait la mettre en péril. On ne voit pas pourquoi la Suisse devrait se soumettre à un « super-système policier européen » alors que le Corps des gardes-frontière et la police des cantons frontaliers garantissent, en collaboration avec les autorités douanières des pays voisins, une surveillance efficace des frontières.