Que veut en réalité l’initiative populaire « services postaux pour tous »? La réponse est très simple: un nouvel impôt, c’est-à-dire un impôt postal.
Mais commençons par le début. En 2002, les syndicats, alliés pour l’occasion aux organisations de la protection des consommateurs, ont déposé une initiative qui formule les exigences suivantes:
• la desserte de base en matière de services postaux doit être garantie;
• la poste doit offrir un réseau complet d’offices postaux sur tout le territoire de la Confédération;
• les personnes directement concernées doivent participer à toute décision visant à fermer un office postal;
• la Confédération doit financer les coûts non couverts du réseau postal.
Où en sommes-nous aujourd’hui?
Cette initiative date de 2002. Entre-temps, la situation a passablement changé. La nouvelle loi sur la poste et son ordonnance d’application satisfont dans une large mesure les revendications des initiateurs, donc des milieux de gauche. Mais le financement de ces revendications se fait d’une autre manière que ne le demande l’initiative.
Services postaux
Selon la loi en vigueur, la poste doit produire un service universel qui ne se distingue en rien des services que le consommateur suisse apprécie depuis des décennies. La poste doit continuer de distribuer le courrier et traiter des paiements. Elle doit le faire au moins cinq jours par semaine. Cette exigence des initiateurs est donc déjà satisfaite.
Offices postaux
Selon la nouvelle loi, la poste doit entretenir un réseau d’offices postaux auquel ont accès tous les groupes de la population de toutes les régions du pays. En réalisant son projet « Ymago », la poste a déjà réagi à cette exigence. A côté du service postal traditionnel, la poste offre quatre nouvelles prestations:
• sur mandat de la poste, des magasins de village, centres communaux, gares ou offices du tourisme offrent une agence postale. Grâce à ce modèle, les clients profitent même d’horaires d’ouverture plus longs.
• les très petits offices postaux deviennent des filiales de grands offices. Ils sont subordonnés administrativement et doivent ouvrir leurs guichets jusqu’à 4 heures par jour. Les clients disposent donc toujours d’un service sur place.
• le postier assure un service à domicile pendant ses tournées. Il vend des timbres, prend les lettres et paquets et effectue même des paiements.
• enfin, les services postaux peuvent également travailler au moyen de bureaux de poste mobiles. Ces bus circulent selon un horaire fixe et desservent les communes deux fois par jour. A ce propos, certains d’entre nous se souviennent peut-être encore de l’époque où un bus Migros venait au village.
L’exigence d’un service postal couvrant tout le territoire du pays est donc également remplie. Dans toute la vallée de la Muotha, nous avions autrefois six offices postaux. Il n’y en a plus qu’un seul aujourd’hui, mais cela n’a rien changé à l’attractivité et la beauté de cette vallée. Je vous invite d’ailleurs vivement à nous rendre visite. Blague à part: toute notre vallée, y compris Stoos et la commune d’Illgau, n’ont plus qu’un office postal. La desserte de base y est néanmoins assurée grâce à un service à domicile complet avec lequel nous avons fait d’excellentes expériences et que nous apprécions beaucoup.
Droit de participation
L’ordonnance d’application de la loi sur la poste donne aux communes un droit de participation en cas de suppression d’un office postal et son remplacement par un service postal sous une autre forme. Le Conseil fédéral a en outre institué une commission qui veille à ce que la poste respecte toutes ses obligations. Je me réjouis de constater que mon ancien et très estimé collègue au Conseil national, Hanspeter Seiler, siège dans cette commission. Ainsi, nous avons l’assurance que les intérêts des régions périphériques et de montagne y sont efficacement défendus. Cette exigence des initiateurs est donc également satisfaite.
Financement
Mais comment la poste va-t-elle financer tous ces services alors qu’elle est concurrencée de plus en plus sévèrement par des entreprises privées, mais aussi par les nouvelles technologies de communication? La nouvelle loi accorde à la poste un certain monopole. Le traitement et l’envoi des lettres et colis jusqu’à 1000 grammes lui sont réservés. Grâce au produit de ce service réservé, la poste peut financer son réseau d’offices. Le Conseil fédéral envisage certes d’abaisser cette limite de poids à 100 g à partir du 1er janvier 2006, mais à la condition uniquement que le financement de la desserte de base demeure assuré.
Inversement, les syndicats et milieux de gauche demandent dans leur initiative que la Confédération supporte tous les coûts non couverts de la desserte postale de base. Cette disposition ouvre la voie à tous les excès puisque la poste pourrait ainsi offrir toutes les prestations possibles et imaginables et les faire ensuite financer par la Confédération en les faisant passer pour des services de base. Ce système d’indemnisation, nous le connaissons dans les chemins de fer. A eux seuls, les CFF ont reçu entre 1999 et 2001 des indemnités pour un montant de 1,8 milliard de francs – et cela chaque année!
Ce système d’indemnisation est nuisible à la transparence et empêche les adaptations indispensables. Basée sur des revendications purement syndicales, l’initiative « services postaux pour tous » vise précisément à empêcher ces adaptations afin de sauvegarder les intérêts des syndicats. Et ce processus devrait être financé par l’argent des contribuables. Car, faut-il le rappeler, ces indemnités ne sont pas simplement versées par la Confédération. Elles sont en réalité tirées de la poche des contribuables. Le service public, la desserte de base, ce ne sont pas simplement des prestations de l’Etat; ce sont des prestations que les contribuables doivent finalement payer. Et je ne peux pas admettre que dans ce pays les syndicats puissent décider de ce que les contribuables doivent payer!
Je vous prie donc, Chers Délégués, de refuser l’initiative populaire « services postaux pour tous ».