Non au bradage du droit de cité suisse

Jasmin Hutter
Eichberg (SG)

Pour la troisième fois déjà après 1983 et 1994 les citoyennes et les citoyens sont appelés aux urnes le 26 septembre prochain pour décider d’un projet de naturalisation facilitée des jeunes étrangers. Disons-le d’emblée: ce dernier projet est une vaste tromperie. C’est pour cette raison, d’ailleurs, que le groupe UDC l’a combattu au parlement fédéral.

De quoi s’agit-il?

Ces deux projets visent à faciliter encore une fois la naturalisation des jeunes étrangers de la deuxième génération alors que les étrangers de la troisième génération recevraient même automatiquement le passeport suisse.

L’objectif des partisans de cette réforme est clair: augmenter massivement le nombre de naturalisations en Suisse afin d’abaisser – du moins dans la statistique – la proportion d’étrangers résidant dans notre pays. Il ne s’agit évidemment là que d’un bricolage qui ne résout absolument pas le problème de fond. C’est par le biais de la loi sur les étrangers et de la loi sur l’asile que nous devons agir. Les milieux qui soutiennent ces projets de naturalisation préfèrent la solution de la facilité qui passe par des naturalisations en masse.

Les définitions des deuxième et troisième générations sont trompeuses

L’objectif est donc de faciliter la naturalisation de la deuxième et de la troisième générations d’étrangers. Il faut commencer par se demander ce que signifie « deuxième » et « troisième » génération. Et c’est là, précisément, que les choses s’enveniment.

Je vous pose la question, Chers Délégués: que signifie pour vous « deuxième génération ». Je crois connaître votre réponse: la deuxième génération, ce sont les étrangers nés et élevés en Suisse. C’est logique, mais vous avez tort. Du moins aux yeux du Conseil fédéral qui définit la deuxième générations comme celle des étrangers qui ont effectué au moins cinq années de scolarité obligatoire en Suisse.

Et que signifie « troisième génération »? Là encore, votre réponse me paraît évidente. La troisième génération, ce sont les enfants de parents qui sont nés et qui ont grandi en Suisse. Encore faux. Dans la définition du Conseil fédéral et du parlement, la troisième génération ce sont les enfants dont un parent au moins a effectué cinq années de scolarité obligatoire en Suisse. Vous le voyez bien: nous sommes confrontés à des définitions totalement nouvelles de la deuxième et de la troisième génération.

Quelles sont les conséquences de ces redéfinitions? Voyons l’exemple suivant: un garçon d’ex-Yougoslavie âgé de 11 ans arrive en Suisse et y fréquente pendant 5 ans l’école obligatoire. A 18 ans, cet homme bénéficiera d’une naturalisation facilitée puisqu’il répond aux critères de la deuxième génération. Un an plus tard, il épouse une femme de son pays d’origine et les deux décident de fonder une famille en Suisse. Ils ont des enfants qui sont alors considérés comme la troisième génération si bien qu’ils reçoivent un passeport suisse à la naissance. Aucune importance si leur mère ne connaît rien à la Suisse et ne parle aucune langue nationale! Le passeport suisse est généreusement offert indépendamment de la durée pendant laquelle un des deux parents a séjourné en Suisse. Voulons-nous effectivement cela? Je dis non!

Non aux naturalisations en masse!

Je dis non à ces deux projets de naturalisation qui vont beaucoup trop loin et qui visent en fin de compte à autoriser des naturalisations en masse. Je m’oppose à ce bradage du droit de cité suisse.

Pendant que la Suisse s’apprête à naturaliser automatiquement des jeunes étrangers – ce qui est en totale opposition avec notre tradition démocratique – d’autres pays, comme l’Irlande, durcissent leur législation sur la naturalisation. Il y a deux semaines, 80% des Irlandais ont accepté une modification de leur constitution qui supprime l’attribution automatique du droit de cité. Il s’agit de stopper les abus et de mettre fin à un véritable tourisme en matière de droit de cité, ont affirmé les auteurs de cette réforme. La même argumentation vaut évidemment pour nous. Notons également que les autres pays européens ne connaissent pas non plus d’automatisme en matière de naturalisation.

Ces deux projets de naturalisation ont été développés sous l’égide de l’ancienne conseillère fédérale Ruth Metzler et ils ont nettement subi l’influence du droit UE: Ruth Metzler souhaitait en effet ardemment faire adhérer la Suisse à la convention européenne sur la nationalité. C’est dire aussi que ces deux textes ne correspondent d’aucune manière à la conception suisse de la démocratie. Je suis évidemment d’accord que des étrangers dont les parents sont venus en Suisse et qui sont nés et qui ont grandi en Suisse puissent bénéficier d’une naturalisation facilitée – à condition qu’ils le souhaitent effectivement. Mais comme citoyenne de ce pays que j’aime je veux pouvoir décider qui peut également devenir citoyen suisse. Offrir le droit de cité suisse dans un paquet cadeau? Je dis non, parce que ma patrie vaut plus que ça.

Voilà pourquoi il est évident pour moi qu’il faut voter deux fois non à ces projets de naturalisation. J’espère qu’il en est de même pour vous.

Jasmin Hutter
Eichberg (SG)
 
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