A chaque fois que l’on parle de ladite initiative pour l’internement, on entend toujours la même argumentation: les intentions des auteurs de l’initiative – il s’agit notamment de femmes directement touchées par ce problème – sont louables parce que ce projet a sensibilisé de larges milieux à ce grave problème et révélé des lacunes dans le Code pénal. Mais, poursuivent généralement les politiques bien établis, la solution de ce problème doit être laissée aux professionnels, donc aux juristes, aux politiques et aux spécialistes. Les non professionnels ont fait leur travail en sensibilisant le public, mais ils sont dépassés quand il s’agit de formuler une solution à cette problématique complexe. Et de conclure que la révision du Code pénal engendrée par l’initiative est plus complète que l’initiative elle-même.
Que veut l’initiative?
L’initiative ne demande absolument pas le remplacement du Code pénal en vigueur. Le récent renforcement des dispositions pénales doit être salué et l’initiative ne le remet nullement en question. Par contre, l’initiative exige une précision dans un domaine étroitement limité du Code pénal, mais qui peut avoir des conséquences très graves dans la pratique. Elle demande l’internement à vie des délinquants violents ou sexuels jugés extrêmement dangereux et non amendables. Cette initiative donne la priorité absolue à la protection de la population, notamment à celle des enfants, face aux expériences de libération anticipée et de congé que l’on serait tenté de faire avec des malfaiteurs violents et dangereux qui sont jugés inguérissables.
Il s’agit d’une catégorie numériquement très faible de délinquants qui ont cependant provoqué des souffrances énormes. Les fameux spécialistes, politiques et juristes, qui qualifient les non professionnels de dépassés par la complexité de ce problème, auraient pu, durant les décennies passées, assurer la protection de la population contre ces dangereux délinquants sexuels et violents. Ils ne l’ont pas fait. Il a donc bien fallu que ces non professionnels, notamment des parents de personnes victimes de tels malfaiteurs, agissent et récoltent – sans le soutien d’un parti politique – plus de 190’000 signatures pour réveiller enfin ces fameux spécialistes et politiques.
La protection actuelle est insuffisante
Durant le débat politique sur cette initiative, plusieurs de ces crimes atroces commis par des délinquants sexuels et violents non amendables ont été révélés. On sait aujourd’hui qu’il ne suffit généralement pas d’un seul crime violent grave pour que son auteur soit interné. On attend souvent le deuxième, voire le troisième acte de violence ou assassinat avant d’agir, même si – ce qui est facilement contrôlable – l’expertise psychiatrique établie après le premier crime sexuel ou violent relevait déjà qu’une récidive ne pouvait pas être exclue dans un contexte semblable. Des délinquants manifestement inguérissables ont bénéficié de congés et même de libérations anticipées. A peine relâchés, certains ont commis de nouveaux crimes et fait de nouvelles victimes.
Il est certes possible que sous la pression de ces événements et de cette initiative, les autorités concernées soient devenues plus prudentes aujourd’hui. Mais seule cette initiative garantit que les délinquants violents et inguérissables soient réellement internés à vie – et sans congé!
La responsabilité des autorités
L’initiative ne permet la reconsidération d’un cas d’internement à vie que s’il est clairement établi que le délinquant ne constitue plus un danger pour la société. Toutefois, l’instance qui, à la lumière de ces nouvelles connaissances, accepte une libération doit assumer la totale responsabilité des éventuelles conséquences de son acte, donc d’une possible récidive.
Cette réglementation constitue la seule manière de donner la priorité absolue à la protection du public contre des délinquants sexuels et violents jugés extrêmement dangereux et non amendables. La sécurité de la population doit passer avant les expériences de congé ou de libération anticipée comme elles ont malheureusement été faites dans le passé même avec des criminels inguérissables.
Une barrière contre des idéologies irréalistes
On prétend aujourd’hui que cette initiative enfonce des portes ouvertes. On a pu lire dans le journal dominical « SonntagsZeitung » que le directeur de l’établissement où est détenu Werner Ferrari, assassin de plusieurs enfants, avait annoncé à son pensionnaire qu’il ne devait plus jamais compter sur une libération. Que cette question soit permise: depuis quand chez nous les directeurs d’établissements pénitentiaires décident-ils de l’internement ou de la libération d’un criminel? La décision qui a permis de donner congé à l’assassin du Zollikerberg portait-elle la signature du directeur de la prison? Non, ce furent des instances politiques qui ont pris cette décision. En l’occurrence, le directeur de la justice du canton de Zurich de l’époque, aujourd’hui conseiller fédéral. La responsabilité de cette erreur incombait à des instances politiques, à des politiques aveuglés par l’idéologie et qui croient que seule une « société injuste » transforme les hommes en criminels, que seules des « structures répressives » d’une « société dominée par les plus forts », donc jugée antilibérale, produisent des malfaiteurs. Certes, les adeptes de cette idéologie se montrent discrets aujourd’hui, mais ils continuent d’exister en grand nombre.
C’est précisément contre ces tendances néfastes que l’initiative veut protéger la société. Elle impose une barrière légale claire aux interprétations idéologiques et irréfléchies que les autorités pourraient donner à des expertises parfaitement claires. Les autorités qui continueront de préférer leur idéologie aux conclusions d’une expertise devront assumer la responsabilité de leur choix. Cette perspective sera une très utile dissuasion.
Lacune dans le Code pénal
C’est un fait: l’initiative pour l’internement a fortement influencé ces dernières années le débat sur le Code pénal. Une mesure d’internement – aussi à l’encontre d’autres délinquants que ceux visés par l’initiative – est aujourd’hui prononcée plus facilement qu’il y a dix ou quinze ans. L’initiative ne changera rien à ce fait. Cela dit, le Code pénal continue de présenter une lacune extrêmement grave face aux délinquants violents et sexuels dangereux: même la loi pénale révisée n’admet une mesure d’internement, également à l’encontre de délinquants violents et sexuels jugés extrêmement dangereux et non amendables, que si le malfaiteur a commis un acte puni d’au moins dix ans de réclusion.
10 ans de réclusion! Mesdames et Messieurs, même si l’expertise psychiatrique établie sur un délinquant arrive à des conclusions inquiétantes, même si elle souligne clairement le risque de récidive du malfaiteur, il est extrêmement rare qu’un délinquant ayant commis son premier crime, fût-il d’ordre sexuel, soit puni d’une peine de réclusion de dix ans ou plus!
En d’autres termes, même si le pronostic établi par l’expert concernant un délinquant violent ou sexuel dangereux est très négatif, il faudra que cet individu commette un deuxième crime et fasse une deuxième victime, par exemple, un enfant traumatisé à vie ou une personne tuée dans des conditions atroces, pour que la priorité soit donnée à la sécurité du public par rapport aux intérêts du condamné.
Le réalisme nous contraint certes d’admettre qu’il n’est guère possible d’empêcher un délinquant de la catégorie visée par l’initiative de commettre son premier crime. Mais il faut veiller rigoureusement et sans compromis à ce que ce délinquant ne puisse pas commettre un deuxième crime tout aussi grave. C’est le minimum que le législateur doit à la société.
Le Code pénal actuel ne satisfait pas à cette exigence. Seule l’initiative permet de combler cette lacune extrêmement grave. Une raison largement suffisante pour la soutenir.