Les porteurs de l’initiative dite « sur la justice » estiment que le système d’élection des Juges fédéraux n’est pas bon, en raison notamment du fait que les juges doivent de fait être affiliés à un parti politique. Selon les initiants, ces derniers ne sauraient prendre leurs décisions objectivement, en raison d’un conflit d’intérêts politique. Toutefois, le comité d’initiative n’a aucun exemple concret à fournir sur un jugement qui en Suisse aurait été rendu sur la base d’une influence politique extérieure.
Cette initiative populaire repose sur 4 piliers :
Le Parlement perdrait ainsi toute influence sur les élections à la Cour suprême fédérale. Les fonctionnaires deviendraient donc les seuls habilités à présélectionner des dossiers, par l’appui d’une commission d’experts dont l’objectivité est potentiellement discutable et dont le risque de politisation (et donc d’exclusion d’un candidat ou d’une candidate) est également présent.
La désignation d’un juge ne doit pas être le fruit du hasard
A ce jour, l’élection des juges fédéraux repose sur un stricte système de contrôle : l’examen approfondi des dossiers de candidature est du ressort de 17 Parlementaires fédéraux et l’élection en elle-même dépend de l’Assemblée fédérale, soit 246 Parlementaires fédéraux. Les partis n’ont absolument aucun intérêt à élire de mauvais justes au Tribunal fédéral, au contraire, ils souhaitent désigner des personnes compétentes, disposant d’un bagage solide ou qui se sont fait un nom à travers leur expérience.
L’élection des juges est une responsabilité importante de l’Etat qui ne doit pas être déléguée à l’appréciation du hasard. Avec un tel système, la Cour suprême fédérale perdrait sa crédibilité ; imaginez en effet que la plus haute magistrature de notre pays doivent encaisser des commentaires du genre : « vous avez gagné votre poste à la loterie ». C’est l’autorité même des juges fédéraux qui serait alors mise en cause. Aucun canton, aucun autre pays du monde ne désigne ses autorités judiciaires au hasard.
En Suisse, les juges fédéraux doivent être réélus tous les 6 ans ; cette procédure de réélection n’est appliquée que dans notre pays. Cela ne signifie pas qu’elle est mauvaise, au contraire, cela confirme la légitimité démocratique et institutionnelle des juges, qui doivent être d’autant plus attentifs à leurs responsabilités.
Le projet de tirage au sort des juges fédéraux risque d’engendrer des mandats de juges trop longs – les femmes pouvant rester en fonction jusqu’à l’âge de 69 ans, les hommes 70. En effet, les juges « en bout de course » se verraient alors potentiellement démis de leurs fonctions par le Parlement.
Une désignation des juges par tirage au sort, c’est prendre le risque d’avoir de plus mauvais juges
L’initiative sur la justice critique notamment le fait que la procédure de sélection actuelle ne permet pas au 3e pouvoir d’être suffisamment indépendant de l’influence des partis politiques et du pouvoir politique en général, affirmant que les critères de sélection ne seraient pas suffisamment professionnels. Cela est-il fondé ? Quand on se penche sur les profils des juges actuels, nous constatons que 80% d’entre eux ont traversé tout le cursus judiciaire, en passant notamment par les tribunaux cantonaux, allant de greffier à juge de district ou juge cantonal, voire président d’un tribunal. Le 20% restant ont une carrière remarquable dans le domaine juridique, au sein d’études d’avocats, d’entreprises ou de postes à hautes responsabilités.
Le tirage au sort conduirait inévitablement à la désignation de candidats peu qualifiés au détriment d’excellents candidats.
Par leur affiliation à un parti politique, les membres de la Cours suprême fédérale révèlent à quel courant, à quel système de valeur politique ils s’identifient, ce qui de fait garanti une véritable transparence.
De plus en plus de questions, aujourd’hui, sont attribuées à la sphère juridique alors qu’elles concernent davantage la sphère politique, allant de la structuration des systèmes électoraux dans les cantons à la primauté des traités de l’UE sur le droit national en passant par le fait de savoir si les naturalisations sont juste des procédures administratives ou encore si un référendum doit être répété en raison de statistiques erronées, etc. Prétendre que le 3e pouvoir est apolitique est illusoire ; nombre de décisions ne sont pas prises à l’unanimité. Derniers exemples en date : les récentes décisions ont été prises à une majorité de 3 contre 2. La dimension politique de la magistrature fédérale ne doit pas être sous-estimée.
Nous voulons une représentation juste de toutes les valeurs au Tribunal fédéral. Contrairement à d’autres pays, notre Etat repose sur le système de concordance, qui garantit la légitimité et la stabilité du système judiciaire. Pour ces raisons, ne remettons pas en question un système qui a fait ses preuves au profit d’une expérimentation hasardeuse.