En fait, il devrait aller de soi que les entreprises suisses respectent à l’étranger les droits humanitaires et les standards environnementaux reconnus au niveau international. C’est d’ailleurs le cas depuis longtemps pour la majorité des groupes industriels helvétiques.
La version orale du discours fait foi
par Roland Fischer, conseiller national, PVL, Udligenswil (LU)
Malheureusement il existe encore des sociétés suisses qui, à l’étranger, violent les droits de l’homme et causent des dommages à l’environnement. Les médias rendent compte de temps en temps de cas de ce genre. J’ai à chaque fois de la peine quand j’apprends que des entreprises suisses ont porté atteinte aux droits humanitaires et violé les règles de la protection de l’environnement. Ces sociétés ne nuisent pas seulement à leur propre réputation, mais aussi à celle de l’ensemble de la Suisse – et c’est sans parler des souffrances qu’elles font endurer aux populations locales. Une attitude négligente à l’égard de l’homme et de son environnement est indigne d’une entreprise suisse.
La Suisse bénéficie d’atouts économiques importants, par exemple d’une imposition fiscale modérée, d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et d’une excellente infrastructure. Nous possédons également des standards sociaux et écologiques très élevés. La Suisse s’est toujours classée aux premières places dans les comparaisons internationales en termes de qualité et de sécurité. Nous devrions en faire autant quand il s’agit du respect des droits humanitaires fondamentaux et des normes environnementales internationales.
Quels sont les objectifs de cette initiative? Pour l’essentiel, ce projet comporte deux exigences: d’une part, les sociétés suisses doivent assumer à l’étranger un devoir de diligence équitable. Elles doivent prendre des mesures pour que les entreprises qu’elles contrôlent et leurs partenaires commerciaux à l’étranger respectent les droits humanitaires et les standards environnementaux. La majorité des entreprises suisses se sont d’ores et déjà adaptées aux standards internationaux en installant des mécanismes de contrôle tout au long de leurs chaînes de livraison. Cette initiative ne leur pose donc aucun problème. Des nouvelles technologies comme le système blockchain leur sont très utiles à cet effet.
Deuxièmement, les sociétés doivent assumer la responsabilité des violations des droits humanitaires et des atteintes aux standards environnementaux dont se sont rendues coupables les entreprises qu’elles contrôlent à l’étranger. Ce n’est tout de même pas excessif de demander à quelqu’un de réparer les dommages qu’il a causés. Je suis persuadé que cela va de soi pour la grande majorité des groupes suisses. Or, il existe encore des cas de sociétés qui profitent du fait que certains pays ne possèdent pas un système juridique aussi performant que celui de la Suisse, si bien que les lésés n’obtiennent pas leur droit.
Cette initiative n’introduit pas de nouveaux et difficiles mécanismes de contrôle et de punition qui entravent les activités étrangères des groupes industriels suisses. Il ne faut pas s’attendre à de lourdes plaintes collectives ou à un flot de procès, comme le prétendent les adversaires de ce projet. Cette initiative se fonde sur le droit suisse de la responsabilité civile et le code de procédure civile suisse qui ont fait la preuve de leur efficacité. Une personne lésée doit prouver devant un tribunal qu’il y a eu effectivement un dommage à la suite de la violation de droits humanitaires ou de standards environnementaux.
Le fardeau de la preuve usuel dans le code de procédure suisse reste donc ce qu’il est: les lésés doivent faire la preuve devant un tribunal suisse qu’ils ont subi un dommage à la suite d’une violation du droit commise par une entreprise contrôlée par un groupe suisse.
Le fardeau de la preuve est donc imposé à la personne lésée. Par exemple, si la personne lésée peut prouver que la filiale d’un groupe suisse a provoqué des dommages dans un pays africain parce que des eaux usées toxiques ont pollué une rivière au point que les êtres humains et les animaux sont tombés malades, alors le groupe suisse doit assumer ses responsabilités.
En revanche, si la société peut prouver qu’elle a assumé son devoir de diligence, qu’elle a donc pris des mesures pour protéger l’environnement et les droits humanitaires et, enfin, qu’elle impose ces principes également à ses entreprises contrôlées, elle n’est pas responsable, même si les dommages ont été prouvés.
Cette initiative donne à la personne lésée un instrument qui lui permet de se défendre si cela est nécessaire afin d’éviter qu’elle soit livrée pieds et poings liés à un tiers. A l’inverse, ce projet ne pénalise pas injustement les groupes industriels. Il s’agit donc d’une solution parfaitement équitable.
Cette initiative s’applique aux grands groupes industriels. Les PME ne sont touchées que si elles sont actives dans des secteurs à haut risque comme le commerce d’or ou de diamants. Le but n’est pas non plus d’exporter des normes légales suisses à l’étranger. Il s’agit en réalité de faire respecter des droits humanitaires et des standards environnementaux internationalement reconnus.
Les entreprises de Suisse n’ont d’ailleurs pas peur de cette initiative comme le révèle un sondage effectué récemment auprès de 112 directeurs financiers de groupes helvétiques. Ces milieux ont donc aussi compris que cette réforme aura un effet positif sur la réputation des multinationales suisses.
Le respect des normes sociales et écologiques prend de toute manière une place croissante dans les activités industrielles et commerciales d’un monde globalisé. C’est une tendance que poursuivent aussi bien d’autres Etats que de nombreux grands investisseurs. Le but est de s’assurer que les investissements ne présentent pas de risques au niveau des violations des droits de l’homme ou des pollutions de l’environnement. En appliquant cette initiative, nous saisissons une chance de soutenir la bonne réputation de la Suisse en tant que site économique responsable.
La responsabilité sociale et écologique est à la base d’une économie libérale. Lorsque certains groupes industriels se procurent des avantages en violant des standards internationaux, ce principe est compromis. Nous avons donc tout intérêt à protéger l’économie suisse contre ces atteintes à sa réputation.
En Suisse, toutes les entreprises doivent respecter les mêmes standards et les mêmes règles bien que ces règlementations soient parfois sévères. Afin que toutes les sociétés soient placées sur un pied d’égalité, nous devons créer un cadre juridique qui exclut des actes irresponsables, également à l’étranger. Un système facultatif ne suffit pas.
Voilà pourquoi il faut dire oui à cette initiative.