Les négociations qui viennent d’être ouvertes sur un accord de libre-échange agricole avec l’UE et l’aboutissement éventuel d’un accord sous l’égide de l’OMC soulèvent des questions de principe sur…
Les négociations qui viennent d’être ouvertes sur un accord de libre-échange agricole avec l’UE et l’aboutissement éventuel d’un accord sous l’égide de l’OMC soulèvent des questions de principe sur la valeur accordée à l’agriculture et à l’économie alimentaire ainsi que sur l’avenir de ces branches. Quelle rôle devra et pourra jouer à l’avenir l’agriculture suisse en tant que branche produisant des denrées alimentaires? Quelle importance une production alimentaire indépendante revêt-elle pour la société et l’identité du pays? Quelle est la valeur économique de la branche alimentaire pour la Suisse? Comment l’agriculture pourra-t-elle assumer son mandat multifonctionnel dans de nouvelles conditions-cadres? Et, enfin, quelle est l’utilité et quels sont les risques d’un accord de libre-échange agricole?
Il est évident à mes yeux qu’un éventuel accord de libre-échange agricole avec l’UE ne concerne pas seulement l’agriculture de notre pays. Il s’agit bien plus d’une affaire d’importance nationale qui a des conséquences graves pour l’identité du pays. La question de principe de la sécurité alimentaire et de la souveraineté alimentaire touche à des thèmes brûlants au niveau de l’éthique et de la société.
Une des revendications-clés de notre politique est la pérennité d’une Suisse indépendante, libérale et souveraine. Ce principe comprend évidemment aussi un approvisionnement aussi indépendant que possible de la population en denrées alimentaires saines produites sur le sol national. La souveraineté alimentaire est donc un élément indispensable d’une politique visant l’indépendance du pays. Nous voulons continuer de produire sur notre propre sol la majorité des denrées alimentaires que nous consommons afin de savoir d’où viennent ces denrées et comment elles sont produites. Nous voulons savoir qui est responsable de la production. La majeure partie de notre population veut que le pays conserve une indépendance aussi large que possible, aussi dans l’approvisionnement alimentaire.
L’agriculture prise au piège
A la suite du lancement de la nouvelle politique agricole dans les années nonante, l’agriculture suisse n’a pas manqué de relever les défis qui lui ont été lancés. Et elle en a subi les conséquences. Un tiers des exploitations ont disparu; les exploitations restantes investissent environ 2 milliards de francs par an pour répondre aux exigences sans cesse nouvelles. Malheureusement, le revenu par exploitation a stagné à environ 55 000 francs. Les efforts pour rester compétitif ont été annihilés par de constantes baisses des prix. Les agriculteurs du monde entier sont pris dans ce piège. La tendance à produire toujours plus pour toujours moins conduit les exploitations à la ruine. Voyez l’UE où des domaines de 50 hectares sont exploités à titre accessoire et les Etats-Unis d’Amérique où des cultures de 1000 hectares de blé produisent un revenu à peine suffisant. Voulons-nous vraiment détruire les exploitations familiales paysannes par un accord de libre-échange et les remplacer par des entreprises industrielles?
La globalisation mondiale élimine les paysans. C’est une pure sottise que d’exiger des agriculteurs suisses de produire aux prix UE, voire du marché mondial. Ceux qui, comme la conseillère fédérale Doris Leuthard, plaident pour le libre-échange et voient une grande chance dans l’exportation oublient des éléments essentiels. En fait, ils exigent la quadrature du cercle. Ils demandent aux familles paysannes suisses de produire au prix UE dans un pays à prix élevé en imposant les prescriptions les plus sévères du monde en termes de protection de l’environnement et des animaux. Ils oublient aussi que le libre-échange dans le secteur du fromage a échoué. Ils parlent de la grande chance des produits suisses sur les marchés internationaux et oublient que personne n’attend ces produits. La question mérite d’être posée: les entreprises suisses de transformation parviennent-elles à servir de manière efficiente le marché suisse dont le pouvoir d’achat est élevé? Si je demande à des responsables du secteur alimentaire pourquoi la transformation et la commercialisation coûtent beaucoup plus cher en Suisse que dans l’UE, on me répond que les coûts structurels et salariaux sont sensiblement plus élevés en Suisse qu’ailleurs. Ils ont raison, mais ce constat vaut aussi et même à plus forte raison pour l’agriculture.
Conclusion: la politique agricole de l’UDC doit veiller à ce que le mandat constitutionnel, à savoir l’approvisionnement de la population en denrées alimentaires saines, la sauvegarde des bases naturelles de la vie, l’entretien des paysages cultivés et l’occupation décentralisée du territoire, puisse être rempli. Voilà pourquoi je me bats, voilà pourquoi nous nous battons: pour le bien des familles paysannes et pour le bien de toute la Suisse.