L’initiative populaire « oui à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine – oui aux approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès » demande l’interdiction totale de l’expérimentation animale et de la recherche sur l’être humain.
De plus, l’importation et le commerce de tous produits développés grâce à des expériences sur les animaux ou des recherches sur l’être humain seront également interdits. En cas d’acceptation de cette initiative, des conséquences négatives de taille sur l’approvisionnement médical de la Suisse ainsi que sur notre industrie de recherche et nos hautes écoles sont à prévoir. Cette initiative est incompatible avec plusieurs engagements internationaux de notre pays et nous contraindrait à la mise en place d’un mécanisme de contrôle rigoureux. Notre système de santé et l’accès aux soins seraient fortement impactés, l’approvisionnement en médicaments n’étant plus garanti ; la population Suisse ne pourrait alors plus profiter des progrès scientifiques accomplis à l’étranger de part cette interdiction d’importation. Nous ferions face alors à une potentielle inégalité de traitement dans le domaine de la médecine puisque tout le monde n’aurait pas forcément les moyens ou la possibilité de s’offrir des médicaments et traitements récents à l’étranger.
L’initiative pointe avant tout du doigt l’expérimentation animale
Si l’on se réfère aux statistiques existantes, 556’000 animaux ont servi pour des expériences scientifiques en 2020, soit 3% de moins qu’en 2019. Ces 40 dernières années, le nombre d’expériences sur les animaux a chuté de 70% et aujourd’hui, les secteurs de la recherche et de la science font en sorte d’éviter l’expérimentation animale in vivo à chaque fois que cela est possible et s’emploient à des alternatives basées sur des cultures de cellules in vitro, voire même à des simulations in silico puisque le principe dit des « 3R – refine, reduce, replace » (de l’anglais : améliorer, réduire, éviter), au centre de cette démarche, vise à la minimisation constante de l’expérimentation sur des animaux vivants. Le Conseil fédéral a par ailleurs lancé l’an dernier le programme de recherche « Advancing 3R – animaux, recherche et société » pour quelque 20 millions de francs.
Les expériences sur les animaux sont classées en 4 degrés de gravité (0, 1, 2, 3) et seuls 3% de l’ensemble des expériences conduites sont liées à des contraintes sévères pour les animaux (soit le degré de gravité 3).
Le degré de gravité 0 concerne quelque 230’000 animaux, soit 41% des expériences. L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) définit le degré 0 ainsi : « interventions et manipulations sur des animaux à des fins expérimentales ne causant pas de douleurs, de maux ou de dommages aux animaux, ne les mettant pas en état d’anxiété et ne portant pas atteinte à leur état général » soit par exemple une prise de sang à titre de diagnostique ou une injection sous-cutanée d’un médicament. Les cours techniques de formation sur les animaux de rente sont également considérés comme « degré 0 » (par exemple lors de la formation de vétérinaires, de gardiens d’animaux ou d’agriculteurs) dans la tenue des statistiques.
Si les initiants évoquent plus d’un demi-million d’animaux utilisés pour l’expérimentation animale, il est primordial de tenir compte de la définition des degrés de gravité et de reconnaître qu’en pratique, une très grande partie de ces cas considérés comme « expérimentaux » n’ont en vérité que très peu, voire pas du tout d’effets sur les animaux mais peuvent en revanche entraver gravement le progrès médical.
80% des animaux utilisés en laboratoire sont des souris et des rats, il est aujourd’hui très rare que des expériences soient encore conduites sur de plus grands mammifères, comme les primates ou les chiens. Dans cette part, 320’000 animaux (soit 58%) ont été utilisés pour la recherche fondamentale ; 380’000 animaux (plus des deux tiers de tous les animaux de laboratoire) ont été utilisés pour la recherche contre les maladies affectant l’être humain. 1 animal sur 5 (soit 104’000) ont été utilisés l’an dernier dans le cadre de la recherche contre le cancer et 68’000 animaux dans le cadre de la recherche sur les maladies neurologiques. Enfin, fait actuel et non des moindres : ce sont quelque 1’380 animaux de laboratoire qui ont été utilisés dans le cadre de 13 expériences légales pour la recherche face au Covid-19.
Préoccupations éthiques
Les arguments phares des initiants sont des arguments qui touchent à l’éthique. Ils parlent de la sensibilité des animaux et luttent pour la fin du « spécisme », qu’ils considèrent comme un objectif pour une société plus progressiste.
Les initiants aspirent en clair à plus d’égalité entre les humains et les animaux. De premières démarches en ce sens ont d’ores et déjà été initiées dans notre société ; ainsi, dans le canton de Bâle-ville par exemple, une initiative pour les droits fondamentaux des primates a été déposée. En clair, une initiative « pour les Droits de l’Homme » mais pour les singes !
Selon moi, il existe une différence nette entre l’Homme et l’animal. Il est éthiquement juste de considérer l’Homme au-dessus de l’animal et l’Homme peut dès lors et doit utiliser l’animal. Bien entendu, cela ne dispense pas de le faire en tenant compte de la dignité de l’animal, tout comme en respectant les lois sur la protection des animaux, qui sont au demeurant les plus détaillées et les plus strictes du monde dans notre pays, des lois qui s’appliquent tant aux animaux d’élevage qu’aux animaux domestiques ainsi qu’aux animaux de laboratoire.
Nous nous nourrissons d’animaux, de leur viande mais aussi de leurs produits comme le lait et les œufs. Nous, êtres humains, utilisons la force de travail de ces animaux (chevaux, bœufs ou éléphants dans certains pays). Nous utilisons également l’animal, de façon limitée, dans le cadre de la recherche et de la science (animaux de laboratoire).
Une suppression de la différenciation entre l’Homme et l’animal (ou une égalité entre l’Homme et l’animal) aurait pour conséquence qu’il devrait donc être tout à fait normal qu’un lion ou un crocodile en Afrique, qu’un tigre du Bengale en Inde ou qu’un loup en Suisse se nourrisse de temps à autre d’un être humain, sans que cela fasse les gros titres dans la presse. Est-ce donc cela, l’objectif pour une société progressiste ?
Un NON clair et intransigeant
Le Conseil fédéral, le Parlement et l’UDC recommandent de voter massivement NON à cette initiative. Le Conseil national a voté NON sans aucune voix pour lors de la session d’automne et le Conseil des Etats n’a encaissé que 2 abstentions. Le 13 février prochain, il est nécessaire de dire NON et ce pas uniquement d’un point de vue économique ou de la recherche mais aussi et surtout pour préserver notre système de santé publique et notre éthique.