« C’est à la terre que l’on reconnaît son peuple », dit un adage germanique. Il vaut tout particulièrement pour notre pays. Notre terre à nous est accidentée, elle est rude. C’est sur elle pourtant que nos pères, dépourvus de ressources naturelles et sous un climat difficile, ont établi contre vents et marées un Etat dans lequel un progrès spectaculaire s’accomplit depuis plus de cent ans. Les ingrédients de ce succès sont la modestie, le sérieux, la confiance en soi, mais aussi ce qu’on appelle le « nez » en français, cette variante de l’intuition propre aux gens de la terre. Sur la base de ces qualités s’est construit un pays qui combine un environnement préservé, un esprit d’entreprise conquérant, un niveau de formation de premier ordre, une forte capacité d’innovation et un équilibre social envié.
Le modèle à succès suisse
Un tel contexte porte des fruits nombreux et concrets. Je pense en particulier aux succès de notre système de formation professionnelle, au classement flatteur de nos hautes écoles sur le plan international et à l’attractivité incomparable de notre marché du travail. La Suisse, aujourd’hui, ce sont notamment des entreprises à succès, en particulier dans les industries chimique, pharmaceutique ou agroalimentaire ; c’est une place financière toujours renommée et sûre, une industrie des machines qui s’exporte dans le monde entier et un système sanitaire et social absolument efficace. Cette énumération pourrait être encore longue. Voulons-nous vraiment renoncer à ce succès, au résultat du travail, de l’engagement et du zèle de nos pères. Non, nous voulons poursuivre le combat et conduire la Suisse vers un avenir prometteur dans la liberté, la sécurité et l’indépendance !
Assumer des responsabilités et s’engager pour notre système fédéraliste
Cependant, constater cet état de fait avantageux ne suffit pas à le faire perdurer. Il faut plutôt remonter à la source de ces bienfaits, en l’occurrence à notre système politique et au fédéralisme sur lequel il se fonde. Le fédéralisme, ce n’est pas une élucubration philosophique : c’est un moyen efficace de relever les défis là où ils se présentent, de résoudre les problèmes à l’endroit même où ils apparaissent, c’est-à-dire au plus près de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Offrir à la population d’être régulièrement consultée, être ainsi à son écoute par le truchement de la démocratie directe constitue un challenge pour les pouvoirs législatif et exécutif en les forçant sans cesse à trouver des solutions réalistes dans un esprit de compromis.
La Suisse s’épargne de cette manière les dangers liés à l’excès de confiance, au gaspillage des deniers publics et aux idées de grandeur. Mieux : la coexistence sur notre sol de quatre langues nationales et d’un grand nombre de cultures différentes favorise le respect mutuel et l’impartialité. Voilà de quoi est faite la Suisse. Voilà pourquoi nous nous y sentons bien. « C’est à la terre que l’on reconnaît son peuple », disais-je. Mais l’inverse n’est pas moins vrai, car l’avenir de notre pays se dessine précisément sous l’égide de son peuple. Cette réalité permet d’envisager la nature de la responsabilité qui nous incombe, une responsabilité que nous ne pouvons et que nous ne devons pas déléguer. Et, surtout, nous ne devons en aucun cas céder nos responsabilités à d’autres et abandonner ainsi notre indépendance, notre autodétermination et notre démocratie directe.
Car les tâches qui nous reviennent sont importantes, et nul autre que nous ne peut les assumer : nous devons œuvrer à maintenir des conditions-cadres favorables ; nous devons faire en sorte que notre place économique demeure compétitive ; nous devons veiller à continuer de disposer des ressources permettant de financer notre filet social ; enfin, nous devons nous engager pour que notre marché du travail, réputé pour sa flexibilité, puisse fournir dans la durée les prestations élevées que la croissance de notre pays attend de lui.
Décharger les PME et la classe moyenne
C’est à nous – et à nous seuls – qu’il appartient de définir les critères d’une fiscalité supportable, à nous de desserrer l’étau administratif qui entrave les perspectives d’essor de nos entreprises, à nous enfin de garantir l’avenir d’une agriculture productive au service de l’approvisionnement du pays et de son paysage. Abandonner ces prérogatives à d’autres signifierait perdre notre latitude dans la recherche de solutions meilleures. Privilégions par conséquent notre indépendance et notre autonomie !
Cet encouragement n’est pas pour autant un appel au repli. Dans notre monde, la coopération demeure primordiale, en matière d’échanges commerciaux comme dans la recherche de solutions concertées vis-à-vis d’enjeux globaux. Cependant, il faut être clairs : pour que notre voix porte, pour que nous demeurions un acteur crédible sur la scène internationale, nous devons avoir quelque chose à proposer. Notre envergure dépend en effet de notre capacité à nous adapter aux nouveaux scénarios, à être un partenaire fiable et solide. Ces qualités ne peuvent être celles que d’un pays souverain, convaincant et performant.
L’environnement dans lequel nous évoluons doit nous conduire à n’être ni trop présomptueux, ni trop humbles. Car nous sommes bons, mais… nous avons les moyens d’être encore meilleurs ! Ne tombons pas dans le travers consistant à laisser à d’autres le soin d’être bons à notre place, particulièrement à une époque où les grandes puissances redécouvrent les bienfaits douteux du protectionnisme et chantent partout les louanges de l’harmonisation fiscale et du rééquilibrage. Moi, quand j’entends le mot « rééquilibrage », j’entends le plus souvent « nivellement par le bas » et c’est précisément à ce moment-là que je me dis que nous devons d’autant plus défendre et faire valoir nos propres intérêts. C’est ainsi du moins que je conçois la mission du Conseil fédéral et de ses membres, en particulier dans le cadre de négociations ou de conclusions d’accords.
Nous voici arrivés au terme d’une nouvelle législature. Dans le paysage économique de notre pays, je relève que les chiffres sont (encore) bons, que le marché du travail est sain, que la population se porte globalement bien. Or, cet état des lieux ne tombe pas du ciel. Il ne doit rien à la Providence divine. Il est au contraire le fruit d’un effort renouvelé au quotidien, d’une conquête de tous les instants. Cet état des lieux constitue dès lors une stimulation, un défi politique majeur : employer les quatre années à venir pleinement au service du pays, à son évolution, à sa consolidation, au maintien de sa qualité de vie. A nous donc de prendre les choses en main pour que la Suisse, notre pays, reste cette terre unique que nous aimons, et qu’elle continue d’offrir sa douceur de vivre aux générations qui nous succéderont. Telle est notre tâche, tel est et notre devoir. Je vous sais gré d’y prendre votre part.
Bonne chance à toutes et à tous, bonne chance à l’UDC – Vive la Suisse !
(Seule fait foi la version prononcée)