L’économie de chaque pays se compose principalement de trois facteurs de production: le sol, le capital et le travail. Dans les économies modernes et fortement développées, un quatrième facteur vient s’y ajouter: le savoirfaire. Certains économistes citent encore l’énergie. Tous ces facteurs sont nécessaires pour qu’une économie puisse produire des biens et des services.
La libre interaction de ces facteurs économiques s’appelle économie de marché. C’est à elle que la Suisse doit son exceptionnelle prospérité. Depuis que je suis actif en politique, je m’engage pour que l’Etat intervienne le moins possible dans le marché.
Cela ne signifie cependant pas que l’Etat ne doit jamais intervenir. En pareil cas, il serait inutile. Même un Etat libéral doit réagir lorsque le développement prend un mauvais cap. Car s’il reste inactif face à des excès et des dysfonctionnements manifestes, il abandonnerait ses citoyennes et citoyens à leur sort.
Tel est par exemple le cas lorsque l’équilibre entre les différents facteurs de production est rompu. Pensons par exemple au sol, une denrée rare dans notre petit pays et qui, depuis longtemps, a besoin d’une protection particulière. Nous avons mis en place des règlements de zones afin que nos beaux paysages ne soient pas sauvagement bétonnés. Nous avons édicté un bail à ferme agricole pour protéger l’agriculture. Et nous avons limité l’acquisition d’immeubles par des étrangers. Toutes ces mesures vont de soi pour nous. Nous les considérons comme absolument nécessaires et elles sont largement admises au-delà des limites partisanes. Songeons à un autre facteur de production, le capital: notre Constitution engage la Confédération à mener une politique conjoncturelle et la Banque nationale suisse mène une politique monétaire. L’une des principales tâches de la BNS consiste actuellement à freiner l’afflux massif de capitaux en provenance de l’étranger. Il ne viendrait à l’idée de personne de supprimer la Banque nationale et d’abandonner notre souveraineté à ce niveau.
La situation est la même pour l’énergie. Dans ce domaine également, la Constitution fixe quelques conditions pour contrôler le développement. La Confédération impose même des limites et veille à une évolution coordonnée concernant le savoir-faire: elle définit le droit des brevets et des marques ainsi que le droit d’auteur.
Mais qu’en est-il du facteur de production qu’est le travail? La Suisse a subi ces dernières années une immigration excessivement élevée et incontrôlée. Ce phénomène a détruit un équilibre qui s’est établi au fil des ans. Les salaires n’ont que faiblement évolué, voire ont stagné. Parallèlement, les prix immobiliers et les loyers ont augmenté. Déjà difficilement supportable pour beaucoup d’entre nous dans une bonne conjoncture, ce développement comporte un risque d’explosion sociale en des périodes de crise.
A mon avis, une politique responsable ne doit pas permettre l’escalade de ces risques. L’équilibre des différents facteurs de production est essentiel pour notre pays. S’il est perturbé, la politique doit intervenir à temps et avec mesure. Voilà la seule manière de sauvegarder durablement la paix sociale, la stabilité, la prospérité et la qualité de la vie dans notre pays.